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16/04/2024 | FRANCE | N°23DA01182

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 16 avril 2024, 23DA01182


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans le dél

ai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par un jugement n° 2300130 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2023, Mme D..., représentée par Me Bisalu, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision refusant un titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 23 mars 1961, est entrée sur le territoire français le 2 mars 2020, accompagnée de son époux, M. B... A..., de même nationalité, munie d'un visa de court séjour délivré par les autorités belges. Le 16 juin 2021, M. A... a été mis en possession d'un titre de séjour délivré par le préfet de la Seine-Maritime pour motif médical de sorte que Mme D... s'est vu délivrer une autorisation de séjour en qualité d'accompagnante. Le 14 avril 2022, pour le même motif lié à son état de santé, son époux en a sollicité le renouvellement sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme D... a elle aussi sollicité le renouvellement de son titre de séjour en tant qu'accompagnante d'un étranger malade. Par des arrêtés du 19 octobre 2022, le préfet de

la Seine-Maritime a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement. Mme D... relève appel du jugement du 23 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 19 octobre 2022 la concernant.

Sur la décision refusant un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français le 2 mars 2020, accompagnée de son époux, M. A..., alors qu'elle était âgée de cinquante-neuf ans et que le couple avait auparavant toujours vécu en République démocratique du Congo, où résident encore trois de leurs quatre enfants qui sont tous majeurs. Si Mme D... se prévaut de la présence de son époux dont l'état de santé nécessiterait un traitement et un suivi médical ne pouvant être envisagé hors de France, il résulte de l'arrêt rendu ce jour par la cour de céans dans l'instance n° 23DA01178, que le recours formé par ce dernier contre le jugement du tribunal administratif de Rouen ayant confirmé le refus opposé par le préfet de la Seine-Maritime à sa demande de titre de séjour et l'obligation subséquente de quitter le territoire français, a été rejeté. L'appelante se prévaut également de ses attaches familiales en France, dès lors que son fils aîné réside dans la commune du Havre et que la fille de ce dernier déclare héberger ses deux grands parents à son domicile de Gonfreville l'Orcher. Pour attester de la stabilité et de l'intensité du lien l'unissant à sa petite fille, Mme D... se prévaut d'une attestation de celle-ci, relatant son attachement à ses grands-parents et leur nécessaire présence à ses côtés pour prendre soin de ses deux enfants âgés de six ans et sept ans. Toutefois, cette circonstance fondée sur l'existence de liens familiaux intergénérationnels avec sa petite fille et ses arrières petits-enfants, ne saurait par elle-même justifier la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, contrairement à ce qu'allègue Mme D..., le statut de réfugié prétendument accordé à sa petite fille depuis 2014 ne lui ouvre aucunement droit à la délivrance d'un titre de séjour, dès lors que le 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ne prévoit l'octroi de la carte de résident prévue à l'article L. 424-1 délivrée à l'étranger reconnu réfugié qu'à ses parents si ce dernier est mineur non marié. De même, si l'appelante verse au dossier trois contrats de travail relatifs à des emplois d'agent de service à temps partiel ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ces éléments ne sont pas de nature à établir une insertion particulière dans la société française. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

4. En troisième lieu, pour ces mêmes motifs, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision refusant un titre de séjour à Mme D... serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ainsi que d'une violation de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. En dernier lieu, si l'appelante soutient que la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé, de sorte qu'il ne peut qu'être écarté.

Sur les autres décisions contenues dans l'arrêté du 19 octobre 2022 contesté :

6. A supposer que l'appelante ait également entendu soulever, à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination, les mêmes moyens que ceux dirigés contre le refus de titre de séjour, il y a lieu de les écarter pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 5.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D..., épouse A..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. ViardLe greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

Le greffier,

F.Cheppe

No 23DA01182 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01182
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23da01182 ?
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