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11/04/2024 | FRANCE | N°23DA00484

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 11 avril 2024, 23DA00484


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer, à concurrence d'un montant total de 13 461 euros, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2101170 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.



Procédur

e devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 mars 2023, le 5 septembre 2023 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer, à concurrence d'un montant total de 13 461 euros, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2101170 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 mars 2023, le 5 septembre 2023 et le 17 octobre 2023, M. et Mme C..., représentés par la société KPMG Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge partielle demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de leurs revenus fonciers, en tant que charges, de dépenses exposées par eux en 2016 et en 2017 sur le logement dont ils sont propriétaires à Luneray, alors qu'ils justifiaient de l'accomplissement de diligences suffisantes afin d'offrir ce bien à la location après l'achèvement des travaux de réparation et d'entretien nécessaires à sa remise en état, lesquels se sont prolongés en raison de difficultés indépendantes de leur volonté, qui n'ont cependant pas fait obstacle à ce que le logement soit finalement donné en location moins de dix-huit mois après l'achèvement, fin décembre 2018, de la majeure partie de ces travaux ; dans ces conditions, il ne peuvent être regardés comme ayant entendu conserver la jouissance de ce logement, qu'ils n'ont d'ailleurs jamais occupé ;

- l'administration a pris, dans une réponse aux observations du contribuable qu'elle leur a adressée le 3 mars 2023 dans le cadre des suites d'un contrôle sur pièces portant sur leurs revenus fonciers des années 2017 à 2020, une position formelle admettant le bien-fondé de leur analyse et dont ils entendent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, et par des mémoires, enregistrés le 6 octobre 2023 et le 16 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- dès lors que M. et Mme C... ne justifient pas de diligences suffisantes, au cours des années 2016 et 2017 en litige, comme d'ailleurs durant la période antérieure, pour aboutir à une mise en location de leur logement de Luneray, une telle mise en location n'étant intervenue, au terme de démarches entreprises postérieurement à la réception de la proposition de rectification, qu'en juillet 2020, alors que le logement est vacant depuis mars 2012, ils doivent être regardés comme s'étant réservés la jouissance de ce bien, de sorte que la déduction de leurs revenus fonciers, en tant que charges, des dépenses exposées par eux pour ce logement a été remise en cause à juste titre par l'administration ;

- si M. et Mme C... invoquent les difficultés rencontrées par eux dans le cadre du chantier de remise en état de ce bien, liées notamment à la cessation d'activités du maçon, ainsi qu'à des retards de livraison, des non-conformités et des malfaçons subies en ce qui concerne la fourniture et la pose des menuiseries, ils n'établissent pas, en tout état de cause, que le logement aurait été insusceptible d'être proposé à la location avant même que ces difficultés, ainsi que celles liées à un retard dans la pose d'une trappe de visite au niveau du réseau d'eau, aient été entièrement levées ;

- les appelants ne sont pas fondés à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une position prise par l'administration à une date postérieure à la mise à leur charge des impositions contestées et qui concerne des années d'imposition postérieures à celles en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. et Mme A... C... sont propriétaires, depuis 1989, d'un logement situé sur le territoire de la commune de Luneray (Seine-Maritime) et qui a été donné en location, à usage d'habitation, de façon continue jusqu'au 1er mars 2012, à la suite du décès de la locataire. Ce bien a, ensuite, été de nouveau donné en location à compter du 1er juillet 2020. M. et Mme C... ont, entre-temps, fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les déclarations de revenus souscrites par eux au titre des années 2015 à 2017. A l'issue de ce contrôle, le service a remis en cause, pour la détermination des revenus fonciers de ces trois années, la déduction de charges afférentes au logement de Luneray, au motif que, ce bien étant improductif de revenus fonciers depuis au moins six ans, les dépenses portées en déduction en ce qui le concerne, pour les montants de 528 euros au titre de l'année 2015, de 12 348 euros au titre de l'année 2016 et de 22 020 euros au titre de l'année 2017, ne pouvaient être regardées comme des charges déductibles des revenus fonciers, au sens des articles 28 et 31 du code général des impôts, M. et Mme C... devant être regardés, faute de justifier de diligences propres à leur permettre de trouver un locataire, comme s'étant réservés, au sens du II de l'article 15 du même code, la jouissance de l'immeuble durant les années en cause. L'administration a fait connaître à M. et Mme C... sa position sur ce point par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 31 octobre 2018 et qui faisait état d'autres chefs de rectification.

2. Les observations formulées par M. et Mme C... n'ayant pas conduit l'administration à reconsidérer son analyse en ce qui concerne la détermination des revenus fonciers assignés aux intéressés au titre des années 2015 à 2017, pas davantage que l'entretien que leur a accordé le supérieur hiérarchique du vérificateur et qui a conduit l'administration à ne réduire que les rehaussements notifiés dans une autre catégorie de revenus, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux laissés à la charge de M. et Mme C... ont été mis en recouvrement le 30 avril 2019 pour un montant total de 27 981 euros, en droits et pénalités. Après le rejet de leur réclamation, M. et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer, à concurrence d'un montant total de 13 461 euros, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : / 1° Les revenus des propriétés bâties (...) ". Cependant, en vertu du II de l'article 15 de ce code, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. En vertu de l'article 28 du même code, le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Enfin, aux termes de l'article 31 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. La réserve de jouissance est établie, notamment, par le non accomplissement de diligences ayant pour objet de donner le bien en location. Il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières, et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le logement dont M. et Mme C... ont acquis la propriété en 1989 à Luneray a été donné par eux en location, de façon continue, jusqu'au 1er mars 2012 et il est ensuite demeuré vacant jusqu'au 1er juillet 2020, date à compter de laquelle ce bien a été donné en colocation.

6. M. et Mme C... soutiennent qu'à l'issue de la première période de location, le 1er mars 2012, ce logement était vétuste et que l'engagement de travaux de réparation de la toiture et d'amélioration des conditions d'habitabilité s'est avéré nécessaire avant toute mise en location, ces travaux ayant été, pour la plupart, entrepris au cours de l'année 2016 et ayant été achevés, pour l'essentiel, à la fin décembre 2018, certaines prestations demeurant cependant à reprendre ou à terminer. Les appelants ajoutent que des sujétions imprévues et indépendantes de leur volonté, telles la cessation d'activité de l'entreprise chargée des travaux de maçonnerie, de même que des retards de livraison, des non-conformités et des malfaçons affectant la fourniture et la pose de fenêtres ont eu pour conséquence un allongement notable du chantier et ont retardé la mise en location de leur bien, qui est finalement intervenue le 1er juillet 2020, soit moins de dix-huit mois après la fin de la majeure partie des travaux, les locataires ayant consenti à prendre celui-ci à bail en dépit du fait que des interventions correctives restaient à effectuer en ce qui concerne l'étanchéité et le réglage de certaines fenêtres. Ils précisent que l'absence de pose, en temps utile, d'une trappe de visite au niveau de l'accès au réseau d'eau ouvert sur le sol d'une des pièces les ont conduits à devoir mettre en demeure, courant décembre 2019, l'entreprise concernée et que cette situation, à laquelle il n'a été remédié qu'en janvier 2020, rendait le logement insusceptible d'être loué dans des conditions appropriées de salubrité et de sécurité. Enfin, M. et Mme C... indiquent avoir donné mandat, le 14 décembre 2018, à une étude notariale aux fins de rechercher un locataire, puis, cette démarche s'étant avérée infructueuse, avoir posté, le 30 décembre 2019, une annonce sur un site internet de vente entre particuliers.

7. Toutefois, par leurs seules allégations qui ne sont étayées par aucun élément probant, M. et Mme C... n'établissent pas que l'état de l'immeuble en cause et de ses aménagements, à la date de sa libération, le 1er mars 2012, était de nature à rendre impropre à une mise en location et que les travaux qu'ils y ont fait effectuer, consistant essentiellement, au vu des seules factures produites, en une réfection des menuiseries, avaient un autre objet que d'en améliorer l'état d'entretien, les performances énergétiques et le niveau de confort. En outre, il est constant que M. et Mme C... n'ont, hormis la réfection de la toiture, effectuée dès 2012, engagé la majeure partie de ces travaux qu'au cours de l'année 2016, c'est-à-dire quatre ans après que le bien ait été rendu vacant. Enfin, si les appelants établissent, par les pièces qu'ils ont versées à l'instruction, avoir été confrontés, au cours de la réalisation du chantier, à plusieurs difficultés imprévues qui ont entraîné un allongement sensible de la durée de celui-ci et retardé l'achèvement des travaux, intervenue, pour ce qui concerne la majeure partie d'entre eux, en décembre 2018, et s'ils justifient avoir donné mandat, le 14 décembre 2018, à une étude notariale dans le but de rechercher un locataire, il est constant que la mise en location effective du logement en cause n'est intervenue qu'à compter du 1er juillet 2020, à la suite de la publication, le 30 décembre 2019 seulement, d'une annonce sur un site internet de vente entre particuliers et M. et Mme C... n'établissent pas avoir pris toutes les dispositions propres à leur permettre une mise en location moins tardive, notamment en proposant, compte tenu du caractère infructueux des recherches effectuées par l'étude notariale à compter de la mi-décembre 2018, un loyer inférieur à celui de 900 euros qu'ils escomptaient et correspondant à la valeur locative réelle du bien compte tenu de ses caractéristiques et de son implantation.

8. Dans ces conditions, M. et Mme C... doivent être regardés comme s'étant réservés la jouissance de ce bien, sans qu'aient d'incidence, à cet égard, les circonstances que celui-ci est situé à moins de 2 kilomètres de leur domicile et qu'ils ne l'ont pas effectivement occupé. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction, par M. et Mme C..., de leurs revenus fonciers imposables, en tant que charges de la propriété, de dépenses afférentes audit bien et exposées par eux au titre des années 2016 et 2017.

Sur l'invocation d'une prise de position formelle de l'administration :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". En vertu du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.

10. M. et Mme C... ne sont pas fondés à opposer à l'administration la position prise sur leur situation de fait au regard du texte fiscal, dans une réponse aux observations qu'ils ont formulées sur une proposition de rectification qui leur avait été adressée le 20 septembre 2022, par le service chargé d'un contrôle postérieur à celui à l'issue duquel les impositions en litige ont été établies, dès lors que cette réponse est datée du 3 mars 2023, date postérieure à celle de la mise en recouvrement des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 et, au demeurant, postérieure au 30 avril 2019, date à laquelle les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ont été mis en recouvrement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. B...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°23DA00484

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00484
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23da00484 ?
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