Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A... D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017.
Par un jugement no 2002453 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier 2023 et 5 juillet 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Ducellier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur l'ensemble des questions et pièces fournies par eux ;
- c'est à tort que l'administration a estimé que M. A... D... avait bénéficié de revenus distribués de la part de la société Euromed voyages dès lors qu'ils justifient de la réalité des prestations réalisées pour le compte de cette société par la société Medvision Voyages ;
- la pénalité pour manœuvres frauduleuses mise à leur charge n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés les 1er juin et 24 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Euromed Voyages, dont M. A... D... est cogérant et associé, qui exerce une activité d'agence de voyages, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. A l'issue de cette vérification, l'administration a remis en cause la déduction d'une facture de 180 000 euros émise par la société de droit marocain Medvision Voyages, le 30 décembre 2014, et a réintégré cette somme dans le bénéfice imposable de la SARL Euromed Voyages. Tirant les conséquences de cette vérification, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 11 décembre 2018, a informé M. et Mme A... D... qu'elle estimait que M. A... D... avait perçu au titre de l'année 2017 des revenus distribués de la société Euromed Voyages à hauteur de la moitié du montant de cette facture. En outre, l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts. Des cotisations primaires d'impôt sur le revenu d'un montant total de 70 911euros ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2019. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme A... D... ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 1er décembre 2022 dont les contribuables relèvent appel, a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ".
3. Lorsque le gérant d'une société se désigne lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, il doit être regardé comme les ayant appréhendés, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt. Il appartient, en revanche, à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés à l'origine de cette distribution dès lors que le bénéficiaire désigné a refusé les redressements qui lui ont été notifiés.
4. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Aux termes de l'article 239 A du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les (...) rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. /(...)/ ".
5. Pour remettre en cause le caractère de charge déductible de la facture de 180 000 euros émise le 30 décembre 2014 par la société Medvision Voyages à raison de la mise à disposition de la SARL Euromed Voyages de téléconseillers de janvier à décembre 2014 et qui n'a été réglée qu'en mars 2017, l'administration s'est fondée sur les informations communiquées par les autorités marocaines, le 9 décembre 2018, dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale, selon lesquelles l'activité de la société Medvision Voyages, qui n'avait disposé d'une licence d'exploitation provisoire qu'à compter du 1er juillet 2014, n'avait généré aucun chiffre d'affaires en 2014, son résultat fiscal étant nul au titre de la même année et aucune imposition n'ayant été à ce titre acquittée par la société. Par ailleurs, les autorités marocaines ont indiqué que cette société n'avait employé aucun salarié en 2014 et n'avait donc versé aucune rémunération. Enfin, il s'est avéré que les associés de la société Medvision Voyages, dont M. A... D..., étaient les mêmes que ceux de la SARL Euromed Voyages.
6. L'administration, qui a en outre relevé qu'aucun contrat au titre des prestations facturées n'avait été produit, a en conséquence estimé que la réalité des prestations facturées n'était pas établie, a réintégré en conséquence la somme de 180 000 euros dans le résultat imposable de la société Euromed Voyages et l'a regardée pour moitié comme un revenu distribué entre les mains de son gérant et coassocié, M. A... D....
7. Pour justifier de la réalité de ces prestations, la SARL Euromed Voyages se prévaut d'abord de relevés d'heures établis par une société tierce prestataire de la société requérante, la société Viadialog, et d'une liste mentionnant les téléconseillers employés par la société Medvision Voyages qui auraient assuré des prestations au bénéfice de la société Euromed Voyages. Toutefois, ces seuls éléments ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité des prestations en litige, alors que l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que certaines informations figurant dans ces documents sont en contradiction avec d'autres informations qui lui avaient été communiquées.
8. Par ailleurs, si la production d'exemples de tickets de télépaiement peut justifier la réalité d'opérations de vente réalisées par la SARL Euromed Voyages, elle n'est pas de nature à démontrer que ces ventes ont été réalisées par l'intermédiaire de la société Medvision Voyages. De même, si une autre société tierce, la société Centrecom, a recensé informatiquement l'ensemble des transactions réalisées par la société requérante en 2014 et si un expert en informatique a attesté, dans un rapport du 20 novembre 2017, de la fiabilité de ce traitement informatique, ces documents ne se prononcent aucunement sur la réalité des prestations facturées par la société de droit marocain.
9. Enfin, si M. et Mme A... D..., qui admettent que la société Medvision Voyages n'était pas en règle au plan fiscal en 2014, soutiennent que la situation de cette société a depuis été régularisée, ainsi que le démontreraient une attestation d'affiliation à la caisse nationale de la sécurité sociale marocaine émise le 20 mars 2019, une attestation de régularité fiscale établie par les autorités marocaines le 13 décembre 2022 et un récépissé de dépôt du résultat fiscal de cette société et de sa liasse fiscale de l'exercice 2014 datant du 13 décembre 2022, ces documents sont bien postérieurs tant à l'exercice vérifié qu'aux opérations de vérification et en tout état de cause ils ne démontrent en rien la réalité des prestations en litige.
10. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère déductible de la somme de 180 000 euros sur le fondement des articles 39 et 239 A du code général des impôts.
11. Par suite, et dès lors que la SARL Euromed Voyages a désigné M. A... D..., son gérant et coassocié, comme bénéficiaire de revenus distribués à hauteur de la moitié de cette somme, à la suite de demande de l'administration effectuée en application de l'article 117 du code général des impôts, c'est également à bon droit que cette dernière a estimé que M. E..., avait perçu au titre de l'année 2017 des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts d'un montant de 90 000 euros.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".
13. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que la SARL Euromed Voyages a comptabilisé une facture fictive émanant de la société Medvision Voyages, sociétés dont M. A... D... était gérant et associé, ce qui lui a permis de bénéficier de revenus distribués. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée M. A... D... de restreindre ou d'égarer le pouvoir de contrôle de l'administration, justifiant l'application de la majoration prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations primaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2017. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef
Et par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°23DA00180
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N°"Numéro"