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09/04/2024 | FRANCE | N°23DA01089

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2024, 23DA01089


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2204987 du 27 janvier 2023, le tribunal

administratif de Lille a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2204987 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2023, M. C..., représenté par Me Marion Schryve, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de l'admettre provisoirement au séjour dans cette attente ;

4°) d'enjoindre au préfet de procéder au retrait de son signalement effectué dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de justifier du respect de cette injonction auprès du conseil du requérant dans un délai de trois jours après l'accomplissement de ce retrait, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance du titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux décisions de renouvellement de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet a estimé qu'il ne disposait pas d'attaches privées et familiales sur le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2023, le préfet du Nord demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés, et renvoie à ses écritures présentées devant le tribunal administratif de Lille.

Par ordonnance du 1er décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 janvier 2024.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant marocain né le 8 février 1998 à Taïf (Arabie Saoudite), est entré en France le 21 septembre 2017 muni d'un visa de type C. Il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable du 14 octobre 2017 au 13 octobre 2018 et régulièrement renouvelée jusqu'au 21 décembre 2021. Le 19 janvier 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 3 juin 2022, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de renouvellement du titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées sont applicables aux décisions de renouvellement de titre de séjour. Au demeurant, le préfet vise l'article L. 412-5 du même code dans sa décision, qui prévoit la même réserve d'ordre public pour les décisions de délivrance et de renouvellement des cartes de séjour temporaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que par un jugement du tribunal de police de Lille du 5 novembre 2021, le requérant a été condamné au paiement de deux amendes de 500 euros chacune pour des faits de blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à trois mois et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger. Il ressort des motifs de ce jugement que le 28 octobre 2020 M. C... s'est présenté dans une agence de location de véhicule qui avait précédemment refusé de lui restituer une caution, muni de gel hydroalcoolique qu'il a versé sur le sol en menaçant de mettre le feu à l'agence. Le requérant a versé de l'huile de moteur sur deux véhicules, dont il a cassé les rétroviseurs et a brisé le pare-brise pour l'un deux, puis a donné un coup dans une porte vitrée, dont les éclats de verre ont blessé une employée. Si ces faits présentent un caractère isolé, la menace pour l'ordre public que constitue la présence du requérant sur le territoire français doit être regardée comme établie, compte tenu de leur violence et de leur caractère récent. Par suite, le préfet du Nord, en estimant que la présence de M. C... sur le territoire français constituait une menace à l'ordre public, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. C... se prévaut de la présence en France de ses frères et sœurs et fait valoir qu'il justifie d'une insertion professionnelle en France dès lors qu'il a créé une association. Toutefois, l'intéressé, qui est sans charge de famille, réside en France depuis 2017 sous couvert de titres de séjour " étudiant " qui ne lui donnent pas vocation à s'y installer durablement. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents, et où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Enfin, le requérant n'établit pas être dans l'impossibilité de se réinsérer, socialement et professionnellement, dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et malgré son parcours universitaire réussi et la création d'une association, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision litigieuse a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

8. Le requérant fait valoir que le préfet du Nord a entaché sa décision d'une erreur de fait en indiquant dans l'arrêté qu'il ne disposait d'aucune attache familiale en France. Toutefois, à supposer que l'intéressé ait porté à la connaissance du préfet la présence de membres de sa famille sur le territoire français, cette seule circonstance n'est pas, dans les circonstances particulières de l'espèce exposées au point 6, de nature à modifier l'appréciation portée par l'autorité administrative et par conséquent le sens de la décision qu'elle a prise. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. Enfin, eu égard à la situation de M. C..., telle qu'exposée aux points 4 et 6, le préfet du Nord n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à Me Marion Schryve.

Copie sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. B...La présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°23DA01089 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01089
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCHRYVE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23da01089 ?
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