Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le Groupe Hospitalier du Havre à lui verser une somme totale de 80 837,40 euros en indemnisation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale dans cet établissement.
Par un jugement n° 1903920 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a condamné le Groupe Hospitalier du Havre à verser à Mme D... une somme de 10 530 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre une somme de 31 449,18 euros au titre du remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2021 et 24 mai 2022, Mme D..., représentée par Me Aurore Bonduel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le Groupe hospitalier du Havre à lui verser une somme totale de 80 837,40 euros, ou subsidiairement de 73 753,66 euros, en indemnisation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale dans cet établissement ;
3°) très subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise ;
4°) de condamner le Groupe hospitalier du Havre aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
5°) et de mettre à la charge du Groupe hospitalier du Havre une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de l'expertise judiciaire, dont le tribunal s'est largement écarté, retiennent l'existence de manquements fautifs imputables au Groupe Hospitalier du Havre (GHH) lors de son accouchement dans cet établissement :
- les conditions de réalisation du déclenchement de l'accouchement, pré et per-partum, sont fautives : son consentement n'a pas été recherché ; l'acte lui a été imposé sans qu'elle ait été en mesure de le refuser ; elle se prévaut du défaut de consentement libre et éclairé au déclenchement, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) d'avril 2008, qui emporte la totalité des conséquences de l'acte médical non consenti ;
- en l'absence de dossier médical complet, la conformité du geste aux règles de l'art n'est pas établie ; le délai de réalisation du déclenchement, qui a eu lieu non à 13 heures mais vers 17 heures, n'est pas conforme aux règles de l'art ; la conformité du matériel utilisé n'est pas démontrée par le GHH ;
- les risques du geste invasif de déclenchement n'ont pas été évalués et il existait des alternatives au déclenchement, qui était précoce au regard des recommandations de la HAS ; cette faute a causé l'entier dommage ; subsidiairement, cette faute a privé Mme D... d'une chance de 90 % d'éviter la survenue de la complication ;
- le GHH a commis des fautes au stade de la prise en charge de la complication, post-partum : le délai de six heures de diagnostic de l'hématome est fautif ; cette faute a causé l'entier dommage ; subsidiairement, cette faute l'a privée d'une chance de 90 % d'éviter la survenue de la complication ;
- la surveillance post-partum a été insuffisante ; il y a lieu de confirmer son caractère fautif, retenu par les premiers juges ; cette faute a causé l'entier dommage ; subsidiairement, cette faute l'a privée d'une chance de 90 % d'éviter le préjudice subi, et non de 50 % comme l'ont retenu les premiers juges ;
- sur le défaut d'information : la preuve de l'information de la patiente n'est pas apportée en l'espèce ; dûment informée elle n'aurait pas consenti à l'acte, et a perdu une chance de 90 % d'éviter le préjudice subi ;
- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de ses préjudices lesquels s'établissent comme suit :
* 5 837,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* 40 000 euros au titre des souffrances endurées ;
* 20 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* 5 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
* 10 000 euros au titre du préjudice d'impréparation.
Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2022, la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre (CPAM), représentée par Me Vincent Bourdon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le Groupe hospitalier du Havre à lui verser une somme de 62 898,38 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner le Groupe hospitalier du Havre à lui verser la somme réglementairement fixée au jour de l'arrêt à intervenir, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du Groupe Hospitalier du Havre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) subsidiairement, de confirmer le jugement.
La CPAM du Havre soutient que :
- les fautes imputables au Groupe Hospitalier du Havre sont établies par le rapport d'expertise judiciaire ; les dommages résultant intégralement de ces fautes, la responsabilité de l'établissement est engagée ; en particulier, en l'absence de consentement de la patiente, l'établissement de soins doit réparation intégrale des préjudices consécutifs à l'acte ;
- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de ses débours, en lien avec cet accident médical fautif, lesquels s'élèvent à la somme totale de 62 898,38 euros ;
- il y a lieu, enfin, de lui verser la somme réglementaire correspondant à l'indemnité forfaitaire de gestion à laquelle elle a droit, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, le Groupe hospitalier du Havre, représenté par le cabinet Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM du Havre.
Il soutient que :
- le défaut de consentement libre et éclairé au déclenchement, moyen qui n'était pas invoqué en tant que tel en première instance, doit être écarté : le consentement est apprécié in concreto et n'est pas nécessairement établi par écrit, et en l'espèce Mme D... a fait l'objet d'un suivi particulier compte tenu de sa personnalité fragile et de son comportement addictif à l'époque des faits ; examinée le 26 décembre 2011, elle a été informée que l'accouchement serait déclenché le surlendemain et elle s'est présentée comme convenu le 28 décembre 2011 pour qu'il soit procédé au déclenchement de l'accouchement ;
- le geste, envisagé à 10h45, a été repoussé compte tenu de l'état de l'intéressée, et effectué à 13h dans les règles de l'art par une sage-femme qualifiée sur instructions d'un médecin, au moyen d'un amniotome métallique conformément aux recommandations de la HAS ; le percement n'est pas à l'origine des complications ;
- sur l'évaluation des risques, moyen nouveau en appel, la littérature médicale ne retrouve aucun cas d'hématome pelvi-périnéal lié à une amniotomie, alors que la primiparité constitue au contraire un important facteur de risque, et le percement ne présentait pas de risque particulier pour Mme D... ;
- sur la surveillance post-partum : le juge administratif n'est pas tenu par les conclusions de l'expert pour estimer que le délai du diagnostic n'était pas fautif ;
- le manquement prétendument fautif de l'hôpital dans sa surveillance post-partum ne peut être à l'origine que d'une perte de chance, et non de l'entier dommage ; il s'agit en l'espèce d'un aléa thérapeutique connu (un cas pour mille) ; les manquements retenus par le tribunal, à compter seulement du matin du 29 décembre 2011, sont contestables au regard du déroulement des faits ; en tout état de cause, les manquements ne sauraient être regardés comme ayant entraîné une perte de chance supérieure à 50 % ;
- sur le manquement au devoir d'information, moyen déjà invoqué en première instance, la preuve peut être apportée par tout moyen ; en l'espèce, il peut être raisonnablement déduit que Mme D... a nécessairement été informée de la possibilité d'un déclenchement de l'accouchement et des risques associés à ce geste ; cet indice probatoire est confirmé par le fait que le percement a été envisagé à 10h45, avant d'être reporté à 13h ;
- subsidiairement, un manquement des médecins à leur obligation d'information n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention ; Mme D... n'établit pas qu'elle n'aurait pas accepté l'intervention ; en tout état de cause, le percement ne constitue pas l'origine du dommage qu'elle a subi, qui est une complication connue de l'accouchement lui-même ;
- à supposer que le GHH soit à l'origine d'un manquement fautif, la somme de 10 530 euros à laquelle il a été condamné en première instance procède d'une juste appréciation ;
- une nouvelle expertise serait frustratoire ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Aurore Bonduel, représentant Mme D..., et de Me Hubert Demailly, représentant le Groupe hospitalier du Havre.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 décembre 2011, Mme D..., née le 12 mars 1993, a été admise au sein de la maternité du Groupe hospitalier du Havre (GHH) pour un déclenchement d'accouchement à 41 semaines d'aménorrhée plus deux jours. Durant le travail, un percement de la poche des eaux par amniotome a été réalisé. L'enfant Lyna est né le 28 décembre 2011, peu avant 19 heures, sans complications. Les suites de couches ont cependant été marquées par l'apparition rapide chez Mme D... d'un syndrome hyperalgique. Dans la nuit du 29 décembre, un diagnostic de thrombus vaginal, complication hémorragique rare du post-partum, a été posé par l'équipe médicale. Au matin, la patiente étant moins algique et l'hématome stable, la décision a été prise de maintenir une surveillance associée à une antibiothérapie préventive. Le 30 décembre, le traitement palliatif morphinique a été arrêté compte tenu de la forte diminution du syndrome algique constatée. Les examens entrepris ultérieurement révélant une stabilité clinique, la patiente a été autorisée à regagner son domicile, le 1er janvier 2012. Le 2 janvier 2012, à 3 heures du matin, Mme D... s'est présentée aux urgences de l'hôpital Jacques Monod au Havre en raison d'intenses douleurs abdominales et d'une dysurie. Les examens réalisés ont mis en évidence une rétention d'urines sur thrombus vaginal nécessitant un sondage et la mise en place d'une antalgie par morphine. Devant l'échec du traitement par embolisation des artères utérines initialement entrepris, une reprise chirurgicale aux fins d'évacuation de l'hématome a été réalisée sans difficulté, le 2 janvier 2012, à 23 heures. La patiente est restée hospitalisée jusqu'au 6 janvier 2012. Mme D... a été hospitalisée à de nombreuses reprises, tout au long de l'année 2012, en raison de complications rhumatologiques et psychiatriques résultant, pour partie, de cette prise en charge, notamment une sacro-iliite droite post-interventionnelle.
2. Le Dr G..., gynécologue obstétricien, désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 12 avril 2018, a déposé son rapport le 9 novembre 2018. Sur la base des conclusions de cette expertise, retenant l'existence de manquements fautifs imputables à l'établissement, Mme D... a introduit, le 28 octobre 2019, une requête contentieuse tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant de sa prise en charge médicale au sein du GHH. L'intéressée a adressé, le 13 mai 2020, une demande indemnitaire préalable au Groupe Hospitalier du Havre qui l'a implicitement rejetée, au cours de l'instance devant le tribunal administratif. Mme D... relève appel du jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a partiellement fait droit à ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité du Groupe hospitalier du Havre :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
S'agissant du moyen tiré du caractère fautif du geste médical :
4. S'appuyant sur les conclusions de l'expertise judiciaire du Dr G..., Mme D... soutient que le geste technique de percement de la poche des eaux effectué par un personnel soignant du Groupe hospitalier du Havre lors de son accouchement, n'a pas été réalisé conformément aux bonnes pratiques médicales. Pour regrettable qu'elle soit, l'incomplétude du dossier médical de Mme D..., en l'absence notamment du partogramme, ne suffit pas à établir que le geste médical n'aurait pas été conforme aux règles de l'art. Il résulte à cet égard de l'instruction qu'une rupture provoquée de la membrane amniotique a été envisagée, le 28 décembre 2011, à 10 heures 45, par l'équipe médicale responsable de la prise en charge de Mme D... avant d'être repoussée en raison de l'état algique de la patiente puis finalement réalisé, le même jour, au moyen d'un amniotome métallique, après que la parturiente a bénéficié d'une analgésie péridurale. Si l'heure de l'amniotomie est débattue et ne peut être établie avec exactitude, il résulte de l'instruction qu'une analgésie péridurale à 12 heures suivie d'une rupture artificielle de la poche des eaux pratiquée à 13 heures est plus cohérente avec l'ensemble des éléments au dossier que l'horaire de 17 heures allégué par la requérante, qui correspond à un geste invasif de toucher vaginal. Si le rapport d'expertise judiciaire du Dr G... qualifie de fautif le geste technique de rupture artificielle de la poche des eaux, en critiquant ses conditions d'exécution, le Groupe Hospitalier du Havre, se prévalant des conclusions de son médecin conseil, le Dr H..., fait cependant valoir que la réalisation d'un tel geste est conforme aux recommandations du Comité national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF). Si Mme D... soutient que la conformité du matériel utilisé n'est pas établie, l'instrument qu'elle décrit correspond à un amniotome métallique, dont l'utilisation est conforme aux recommandations formalisées par la Haute Autorité de Santé en 2008. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation du geste technique litigieux, ni le recours à un amniotome métallique, seraient, par eux-mêmes, contraires aux règles de l'art médical et, par suite, constitutifs de fautes.
5. Il ressort en outre du rapport en date du 17 août 2018 rédigé par le Dr I... J..., praticien hospitalier en gynécologie-obstétrique, et par M. B... F..., sage-femme, que ce geste technique a été réalisé sur instructions du médecin, par un sage-femme qualifié, aux fins de déclencher l'accouchement. Si le Dr G... indique que le percement de membrane présente des risques d'infliger des lésions utérines traumatiques, affirmation contestée par le rapport du Dr C... du 28 avril 2020, il ne résulte pas de l'instruction que les circonstances de la prise en charge de la patiente et le tableau clinique qu'elle présentait, lors de l'exécution du geste, commandaient de s'abstenir de le réaliser, la mention, par le rapport d'expertise judiciaire, du " col effacé " et du " travail en cours ", ne suffisant pas à caractériser des circonstances proscrivant la réalisation de l'acte litigieux. Il n'est pas davantage établi par l'instruction, et notamment pas par le rapport du Dr G..., qui se borne à faire état d'un geste réalisé " à l'aveugle ", sans spécifier les ressorts d'une telle affirmation, que ce geste aurait été effectué avec maladresse. Au demeurant, les indications selon lesquelles la patiente aurait ressenti une vive douleur lors de l'exécution du geste n'apparaissent pas cohérentes avec l'indication d'une analgésie péridurale complète et efficace, vers 12 heures, qui a donné lieu à une évaluation de la douleur à 0. De même, si Mme D... rapporte un saignement abondant, celui-ci est davantage cohérent avec l'épanchement du liquide amniotique qu'avec l'hématome puerperpéral dont une particularité est que l'hémorragie n'est pas ou peu extériorisée, ainsi qu'il résulte du rapport du Dr C... du 28 avril 2020. Si, enfin, les conclusions du rapport d'expertise judiciaire du Dr G... retiennent que l'acte de soin est à l'origine de l'hématome vaginal présenté par Mme D..., en raison d'une plaie cause des dommages à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation, l'existence même d'une telle lésion iatrogène ne peut être tenue pour certaine, en l'absence de démonstration probante en ce sens. A cet égard, le rapport établi le 25 septembre 2018 par le Dr H... à la demande du Groupe Hospitalier du Havre, fait état de ce que l'accouchement a eu lieu à 18 h 57, sans lésion traumatique vaginale, ni signes hémorragiques anormaux, seule une " déchirure de la grande lèvre suturée par la sage-femme " étant relevée. Le rapport du Dr C... du 28 avril 2020, également établi à la demande du défendeur, indique que la littérature médicale ne retrouve pas d'exemple d'hématome pelvi-périnéal lié à une amniotomie, la primiparité constituant, a contrario, un important facteur de risque de lésions périnéales de nature à causer un tel hématome, et n'est pas contredit sur ces deux points. Dans les circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que le lien de causalité allégué entre la survenue de l'hématome vaginal, complication connue de l'accouchement, a fortiori d'un premier-né, et l'amniotomie puisse être regardé comme établi. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le percement de membrane critiqué présentait un caractère fautif, à raison de sa réalisation même, pas plus qu'à raison de ses conditions d'exécution. Il suit de là que la responsabilité de l'établissement ne saurait être engagée sur ce fondement.
S'agissant du moyen tiré du défaut d'information :
6. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
8. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération.
9. Mme D... fait valoir qu'elle n'a pas été informée des risques associés au geste de percement de membrane qui a été pratiqué par un personnel soignant du Groupe hospitalier du Havre, de sorte qu'elle n'a pu y consentir de façon éclairée ni se préparer aux conséquences de la réalisation de ces risques et que, dûment informée, elle n'aurait pas consenti à l'acte, et a ainsi perdu une chance de 90 % d'éviter le préjudice subi. Si le rapport du Dr J... et de M. F... du 17 août 2018 fait état de ce que Mme D... a été " informée de la prise en charge ", cette seule indication, au demeurant particulièrement lapidaire, n'est corroborée par aucune pièce versée au dossier. Si le GHH fait valoir que la preuve de l'information du patient peut être apportée par tout moyen, il se borne à soutenir qu'il " peut être raisonnablement déduit que Mme D... a nécessairement été informée " de la possibilité d'un déclenchement de l'accouchement et des risques associés à ce geste et que cet indice probatoire est confirmé par le fait que le percement a été envisagé à 10h45, avant d'être reporté à 13h, mais n'apporte aucun élément de nature à établir que l'obligation d'information de la patiente a été remplie. Dans ces conditions, et quoiqu'un suivi particulier ait été opportunément mis en place par l'établissement, avec le concours de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), en raison de la fragilité psychologique de la patiente, il ne peut être tenu pour établi que le Groupe Hospitalier du Havre s'est acquitté de l'obligation d'information prévue par les dispositions citées au point 6.
10. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le déclenchement de l'accouchement présentait un caractère d'urgence, rendant impérieuse la réalisation du geste technique d'amniotomie critiqué par la requérante et faisant obstacle à toute possibilité raisonnable de refus. Ainsi, Mme D... disposait, au moment de sa réalisation, de la possibilité de refuser l'exécution de ce geste technique, au profit, par exemple, d'une attente de rupture spontanée de la poche des eaux.
11. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
12. Cependant, l'acte litigieux, qui ne présente pas de caractère fautif, ainsi qu'il résulte des points 4 et 5, ne constitue pas la cause de survenue de la complication, elle-même à l'origine des dommages dont Mme D... demande réparation. Dans ces circonstances, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre la faute et les dommages subis par Mme D..., la responsabilité de l'établissement ne saurait être engagée sur ce fondement.
S'agissant du moyen tiré du défaut de consentement :
13. Aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. / Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L'ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. (...) / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (...) ".
14. Si Mme D... fait valoir que son consentement n'a pas été recherché et que l'acte litigieux lui a été imposé sans qu'elle ait été en mesure de le refuser, il résulte de l'instruction que Mme D..., qui a fait l'objet d'un suivi particulièrement attentif compte tenu de sa personnalité fragile et de son comportement addictif à l'époque des faits, a été examinée le 26 décembre 2011 et a été informée qu'il était prévu de déclencher l'accouchement le surlendemain et elle s'est présentée le 28 décembre 2011 pour qu'il soit procédé au déclenchement de l'accouchement. Cependant, compte tenu du manquement du GHH à l'obligation d'information de la patiente, le consentement de celle-ci à l'intervention ne peut être regardé comme libre et éclairé.
15. Toutefois, l'acte litigieux, qui ne présente pas de caractère fautif, ainsi qu'il résulte des points 4 et 5, ne constitue pas la cause de survenue de la complication, elle-même à l'origine des dommages dont Mme D... demande réparation. Dans ces circonstances, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre la faute et les dommages subis par Mme D..., la responsabilité de l'établissement ne saurait être engagée sur ce fondement.
S'agissant de l'évaluation des risques du choix thérapeutique :
16. Si Mme D... soutient que les risques du geste invasif de déclenchement de l'accouchement devaient faire l'objet d'une évaluation spéciale et n'ont pas été correctement évalués, et qu'il existait des alternatives au déclenchement qui était précoce au regard des recommandations de la Haute Autorité de Santé, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du Dr C... du 28 avril 2020, dont l'affirmation sur ce point n'est pas contredite, qu'en l'absence de cas d'hématome pelvi-périnéal lié à une amniotomie rapporté dans la littérature médicale il ne peut être reproché au GHH de ne pas justifier avoir pris un tel risque en considération. Il résulte par ailleurs de la recommandation de la Haute Autorité de Santé, relative au déclenchement artificiel du travail, mentionnée par le GHH, que s'il est recommandé de réaliser un déclenchement à 41 semaines d'aménorrhée et six jours, l'accouchement peut être déclenché à partir de 41 semaines d'aménorrhée. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme D..., qui n'apporte d'ailleurs aucun élément en ce sens, aurait présenté un risque particulier en raison duquel ce choix thérapeutique de déclenchement de l'accouchement aurait été erroné. Par suite, le moyen tiré de la mauvaise évaluation des risques doit être écarté.
S'agissant du suivi post-partum :
17. Il résulte de l'instruction que Mme D... s'est plainte à la sage-femme chargée des suites de couches, le 29 décembre 2011, à 00 heures 50, soit cinq heures après l'accouchement, de très intenses douleurs abdominales et vaginales, laquelle, suspectant l'apparition d'un thrombus vaginal, a pris l'initiative de demander son transfert en salle de naissance aux fins qu'y soient réalisés des examens complémentaires. Un examen gynécologique sous sédation entrepris à 1 heures 15, soit à H+6, par le Dr J..., gynécologue-obstétricien, assistée d'une interne et de l'anesthésiste de garde, a permis de confirmer le diagnostic de thrombus. Il a alors été retrouvé, au toucher vaginal, une masse de 4 centimètres, douloureuse, à droite, sur la partie haute du vagin. L'étude des résultats des prélèvements sanguins effectués concluant à l'absence de retentissement hémodynamique, eu égard au taux d'hémoglobine mesuré, et l'état clinique de la patiente étant stable et moins algique, l'équipe médicale a décidé, à 3 heures 15, conformément à l'avis exprimé par le gynécologue d'astreinte, préalablement contacté, de maintenir la patiente sous surveillance, et de ne pas engager de chirurgie. Deux mèches vaginales et une sonde urinaire ont toutefois été posées par l'équipe médicale, conformément aux bonnes pratiques de prise en charge d'un hématome puerpéral. Lors des examens réalisés le matin du 29 décembre, l'hématome était stable, de même que la situation clinique d'ensemble, et la patiente était moins algique l'après-midi et la nuit. Ainsi, et contrairement aux conclusions de l'expertise judiciaire, il ne résulte pas de l'instruction que l'équipe médicale du Groupe hospitalier du Havre aurait tardé à diagnostiquer et à prendre en charge l'hématome vaginal présenté par Mme D..., dont le diagnostic a été formellement posé six heures après l'accouchement, et moins d'une heure après que l'intéressée eut fait part au personnel soignant de ses douleurs, délais qui, dans les circonstances de l'espèce, ne peuvent être tenus pour anormalement longs. Il n'est pas davantage établi que la stratégie thérapeutique privilégiée par les praticiens, qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, ont veillé à recueillir l'avis du gynécologue-obstétricien de garde sur la conduite à tenir, présentait un caractère erroné, et encore moins fautif, les signes cliniques constatés et les résultats des examens sanguins diligentés ne permettant pas de conclure à la nécessité d'une intervention chirurgicale en urgence, non plus qu'à la réalisation d'une embolisation artérielle, intervention préconisée par l'expert judiciaire, en l'absence de signes objectivant une extension de l'hématome.
18. Il résulte en revanche de l'instruction, et notamment du rapport du Dr C... du 28 avril 2020 établi à la demande du défendeur, que le suivi post-partum de Mme D..., après les examens effectués le matin du 29 décembre a été " très sommaire ". Ainsi, alors même que le diagnostic de thrombus avait été posé dès 00 heures 50, un seul bilan complet a été consigné au matin du 29 décembre entre 6h30 et 8h30 et aucun examen complémentaire, notamment par scanner, aux fins de surveiller l'évolution de l'hématome n'a été entrepris. En outre, quoique des troubles urinaires " à surveiller ", selon les indications de l'équipe médicale, aient été relevés dès le 28 décembre à 21 heures, les pièces du dossier médical ne retrouvent la tenue d'aucun calendrier mictionnel et pas davantage de mentions portant sur la diurèse, ni plus que sur la date de retrait des mèches vaginales, carences révélant un défaut de suivi attentif. Enfin, l'autorisation de sortie accordée le 1er janvier 2012 sur la base d'un diagnostic clinique décrit comme " normal " était incompatible avec le volumineux œdème de la vulve et l'hématome du fond vaginal dont la patiente demeurait affectée. Ainsi, l'examen clinique de sortie a été " incorrectement réalisé " selon les termes du Dr C..., cette carence aboutissant à une sous-évaluation de la gravité du tableau clinique. Il est constant, à cet égard, que Mme D... a été réhospitalisée en urgence, le 2 janvier 2012, à 3 heures du matin, moins d'une journée après sa sortie, en raison d'une extension de l'hématome vaginal associée à une rétention d'urines aiguë. Ainsi, nonobstant la disparition du syndrome hyperalgique et la reprise progressive d'une activité urinaire normale, les 30 et 31 décembre 2011, l'autorisation de sortie d'hospitalisation a été accordée prématurément, retardant d'autant la prise en charge du thrombus vaginal qui n'a correctement été traité qu'à compter du 2 janvier 2012, d'abord par la mise en œuvre d'une embolisation artérielle, puis par la voie chirurgicale. Il résulte de l'ensemble des éléments précédemment exposés que le suivi post-partum mis en œuvre à compter du 29 décembre 2011, au matin, par le Groupe hospitalier du Havre, de la complication hémorragique grave qu'elle présentait, n'a pas été conforme aux règles de l'art médical.
19. Dans les circonstances de l'espèce, ces manquements, constitutifs d'une faute dans le fonctionnement du service public hospitalier, ont entraîné, pour la patiente, non l'entier dommage subi, mais une perte de chance d'échapper aux dommages. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de confirmer l'appréciation portée par les premiers juges et de confirmer le taux de perte de chance fixé à 50 %. Par suite, le Groupe Hospitalier du Havre doit être condamné à indemniser la requérante à hauteur de 50 % des préjudices résultant de cette faute. Il en résulte également que le Groupe Hospitalier du Havre doit être condamné à indemniser la CPAM du Havre à hauteur de 50 % des frais et débours qu'elle a exposés en conséquence des complications survenues au décours de l'accouchement de Mme D....
20. Il résulte de tout ce qui précède le Groupe Hospitalier du Havre doit être condamné à indemniser la requérante des conséquences dommageables résultant des manquements commis lors de sa prise en charge post-partum au sein de l'hôpital Jacques Monod.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
21. Mme D... sollicite le versement d'une somme totale de 5 147,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire dont elle a été affectée du 28 décembre 2011 au 7 février 2013, date de consolidation de son état de santé retenue par l'expert. Si le rapport d'expertise ne fait état de l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire qu'au titre de l'année 2012, il résulte de l'instruction que la date de consolidation de l'état de santé de la requérante a été fixée par l'expert au 7 février 2013, ainsi qu'elle le fait valoir. Par suite, la période d'indemnisation de ce préjudice s'entend du 28 décembre 2011, date de l'accouchement, au 7 février 2013, date de consolidation. Il résulte en outre de l'instruction que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant ses périodes d'hospitalisation. Il convient toutefois d'exclure les cinq jours d'hospitalisation pour la période allant du 28 décembre 2011 au 1er janvier 2012, qui correspondent à la durée normale d'hospitalisation liée à la prise en charge de l'accouchement, hors complications. Par suite, l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total s'entend au titre des périodes allant du 2 janvier 2012 au 6 janvier 2012, soit durant cinq jours, du 15 janvier 2012 au 26 janvier 2012, soit durant douze jours, du 4 février au 5 février 2012, soit durant deux jours, du 27 février au 28 février 2012 soit durant deux jours, du 15 mars au 16 mars 2012, soit durant deux jours, et, enfin, du 16 mars au 20 mars 2012, soit durant cinq jours, soit durant une période cumulée de 28 jours. Par suite, il y a lieu de confirmer la somme totale de 280 euros allouée à ce titre par les premiers juges, après application du taux de perte de chance.
22. Il résulte de l'instruction que Mme D... a subi un déficit fonctionnel partiel estimé à 60 % par l'expert durant les périodes au cours desquelles elle n'était pas hospitalisée, et ce, jusqu'au 7 février 2013, soit durant une période cumulée de 375 jours. Par suite, il y a lieu de confirmer la somme totale de 2 250 euros allouée à ce titre par les premiers juges, après application du taux de perte de chance.
23. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 21 et 22 qu'il y a lieu de confirmer la somme totale de 2 530 euros que les premiers juges ont condamné le Groupe Hospitalier du Havre à verser à Mme D... au titre du déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi.
S'agissant des souffrances endurées :
24. Le rapport d'expertise a évalué à 4,5 sur une échelle de 1 à 7 les souffrances endurées par Mme D... imputables au groupe Hospitalier du Havre. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu du taux de perte de chance, en confirmant la somme de 4 000 euros allouée à ce titre par les premiers juges.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
25. Le rapport d'expertise a évalué à 8 % le déficit fonctionnel permanent subi par Mme D... imputable au Groupe hospitalier du Havre, se fondant, notamment, sur l'existence d'un stress post-traumatique résultant de l'accident médical, chez la patiente, comptant pour 4 % de ce déficit. Il résulte toutefois de l'instruction que la patiente présentait de notables antécédents de troubles psychiques, préalablement à la survenue des complications dont elle a été victime. En outre, l'existence même d'un syndrome post-traumatique trouvant spécifiquement son origine dans l'accident médical litigieux n'est pas établie par l'instruction. Enfin, l'apparition de ce syndrome est décrite par le Dr G... comme étant en lien avec le geste technique de percement de la poche des eaux, dont le caractère fautif n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit. Dans ces conditions, la part de 4 % du déficit fonctionnel permanent résultant, selon l'expert, du syndrome post-traumatique présenté par la requérante ne peut donner lieu à indemnisation. Ainsi, seul le déficit fonctionnel permanent de 4% lié à l'élargissement de l'articulation sacro-iliaque droite et à l'ostéo-nécrose post-interventionnelle peut donner lieu à indemnisation. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu de l'âge de 19 ans de l'intéressée à la date de consolidation de son état de santé, en lui allouant à ce titre une somme de 3 000 euros après application du taux de perte de chance.
S'agissant du préjudice sexuel :
26. L'existence d'un préjudice sexuel n'a pas été retenue par l'expert, à défaut de pièces ou de déclarations exploitables sur ce point, au cours des opérations d'expertise. Toutefois, l'expert n'a pas écarté le principe même de ce préjudice, au titre de l'année 2012, de nombreux éléments en ce sens figurant au dossier médical de la requérante. Dans ces conditions, dès lors, d'une part, que Mme D... fait valoir que l'accident médical subi a eu un retentissement important sur sa libido, et, d'autre part, que les complications subies concernaient l'appareil uro-génital de la patiente, ce préjudice doit être regardé comme établi dans son principe. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi, tenant compte de la perte de chance, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
S'agissant du préjudice d'impréparation :
27. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 5 que ce préjudice ne peut en l'espèce donner lieu à indemnisation.
28. Il résulte de ce qui a été exposés aux points 21 à 27 qu'il y a lieu de confirmer le montant total de 10 530 euros de l'indemnité que le Groupe Hospitalier du Havre a été condamné à verser à Mme D... en réparation de ses préjudices, et par suite de rejeter ses conclusions tendant à la majoration de cette somme.
En ce qui concerne l'indemnisation des débours de la CPAM du Havre :
29. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) ".
30. Intervenant dans la présente instance, la CPAM du Havre exerce sur les réparations dues au titre des préjudices subis par Mme D... le recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale précité.
31. Par la production de son relevé des débours et de l'attestation de son médecin-conseil, la CPAM du Havre justifie du versement de prestations pour un montant de 23 037,65 euros en lien avec l'accident médical fautif imputable au Groupe Hospitalier du Havre au titre de la période comprise entre le 2 janvier 2011 et le 7 février 2013, date de consolidation de l'état de santé de son assurée. Par suite, après application du taux de perte de chance, le Groupe Hospitalier du Havre doit être condamné à verser à la CPAM du Havre une somme de 11 518,82 euros au titre de ces débours.
32. La CPAM est également fondée à solliciter le remboursement de la somme de 39 860,73 euros correspondant à des dépenses de santé postérieures à la consolidation, en lien avec l'accident médical fautif et d'ores et déjà exposées pour le compte de son assurée. Par suite, après application du taux de perte de chance, le Groupe Hospitalier du Havre doit être condamné à verser à la CPAM du Havre une somme de 19 930,36 euros au titre de ces débours.
33. Il résulte de ce qui précède que la CPAM du Havre est fondée à demander la condamnation du Groupe hospitalier du Havre à lui verser une indemnité totale de 31 449,18 euros, correspondant aux débours exposés au profit de son assurée, et par suite il y a lieu de confirmer la somme fixée par les premiers juges.
En ce qui concerne les intérêts :
34. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte (...) ".
35. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, toute décision juridictionnelle prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Ainsi la demande de la CPAM tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date de l'arrêt à intervenir, les intérêts au taux légal sur la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
36. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
37. Le jugement du 28 octobre 2021 du tribunal administratif de Rouen, qui a fixé à 31 449,18 euros le montant des indemnités dues à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre au titre des prestations versées à Mme D..., a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 1 098 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 4 décembre 2020 alors en vigueur. Si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que ses conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées sont rejetées par le présent arrêt.
Sur les dépens :
38. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge saisi au fond du litige de statuer, au besoin d'office, sur la charge des frais de l'expertise ordonnée par la juridiction administrative.
39. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer la mise à la charge du Groupe Hospitalier du Havre, partie perdante, des frais de l'expertise réalisée par le Dr G..., liquidés et taxés à la somme de 7 322 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rouen en date du 21 décembre 2018. La requérante n'établit pas avoir supporté d'autres frais au sens des dispositions réglementaires précitées.
Sur les frais liés à l'instance :
40. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Groupe Hospitalier du Havre et de la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre sont rejetées.
Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 7 322 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rouen en date du 21 décembre 2018, sont maintenus à la charge du Groupe Hospitalier du Havre.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et au Groupe hospitalier du Havre.
Délibéré après l'audience publique du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. E...La présidente de la cour,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°21DA02925