Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par une ordonnance n° 2300276 du 13 mars 2023, le vice-président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mars 2023 et le 17 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Calot-Foutry, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler cette ordonnance du 13 mars 2023 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Amiens pour qu'il y soit statué au fond ;
3°) de mettre les frais d'instance à la charge de l'Etat.
Elle soutient que sa demande présentée devant le tribunal administratif d'Amiens est recevable dès lors que, répondant à l'invitation à régulariser adressée par le greffe de cette juridiction, elle a justifié de l'envoi d'une demande de titre de séjour à la préfecture de l'Oise et, par conséquent, de l'existence d'une décision implicite de rejet.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2024, la préfète de l'Oise conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions de cette requête.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 9 février 1965, a saisi le tribunal administratif d'Amiens afin d'obtenir l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par la préfète de l'Oise sur sa demande de titre de séjour présentée en qualité d'ascendant d'un ressortissant français. Par une ordonnance du 13 mars 2023, dont Mme B... relève appel, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de
l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " (...) dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à
l'article R. 611-7 ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
4. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dernières dispositions sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré.
5. Le vice-président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande présentée par Mme B... comme manifestement irrecevable au motif que, malgré un courrier du greffe dont elle avait accusé réception le 1er février 2023, l'intéressée n'a pas justifié du dépôt de sa demande de titre de séjour auprès de la préfecture de l'Oise et, par conséquent, de l'existence d'une décision rejetant implicitement cette demande, dans le délai de quinze jours qui lui était imparti par le courrier précité. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que, par un courrier du 10 février 2023, reçu par le greffe du tribunal administratif le 23 février suivant, Mme B... a communiqué à la juridiction les éléments demandés, dont la demande de titre de séjour datée du 14 décembre 2021, la preuve de dépôt, le 14 février 2022, d'un envoi de cette demande par voie de lettre recommandée, et l'accusé de réception de cet envoi, daté du 15 février 2022. Contrairement à ce que soutient la préfète de l'Oise, la requérante avait ainsi justifié de l'existence d'une décision administrative à la date à laquelle le vice-président du tribunal administratif a statué sur sa demande d'annulation, le 13 février 2023, de telle sorte que cette demande ne pouvait plus être rejetée comme manifestement irrecevable. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du tribunal administratif a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Si la préfète de l'Oise indique qu'une réponse sera apportée à Mme B... dès réception de sa demande, une telle circonstance n'a pas pour effet de priver le présent litige de son objet. Eu égard aux conclusions dont Mme B... a saisi la cour, il y a lieu de la renvoyer devant le tribunal administratif d'Amiens pour qu'il soit statué sur sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Si Mme B... demande que les frais d'instance soient mis à la charge de l'Etat, elle n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. En outre, son avocate ne demande pas que lui soit versée la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis une somme, au demeurant non chiffrée, à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du vice-président du tribunal administratif d'Amiens n° 2300276 du 13 mars 2023 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif d'Amiens pour qu'il soit statué sur la demande de Mme B....
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions aux fins
de non-lieu de la préfète de l'Oise sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Stéphanie Calot-Foutry.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
F. Cheppe
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N° 23DA00533