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28/03/2024 | FRANCE | N°22DA02391

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 28 mars 2024, 22DA02391


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... E... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.



Par un jugement no 2002109 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, e

nregistrée le 16 novembre 2022, M. E... et Mme D..., représentés par Me Bancel et par Me Lecointe, demandent à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par un jugement no 2002109 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022, M. E... et Mme D..., représentés par Me Bancel et par Me Lecointe, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du code général des impôts ;

- l'obligation d'exploiter l'installation pendant sept ans est une obligation unilatérale d'exploitation pour laquelle aucun formalisme n'est exigé ; l'administration admet cette absence de formalisme mais n'en tire pas les conclusions dès lors qu'elle persiste à exiger la production d'un engagement écrit et préalable ;

- seule la sanction prévue par l'article 1740-00 A du code général des impôts à l'encontre de l'entreprise exploitante peut être appliquée, à l'encontre de celle-ci, en cas d'absence de respect de l'engagement d'exploitation de sept ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance, en date du 22 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. E... et Mme D... sont associés de la société en nom collectif (SNC) Anthurium qui a été créée dans le but de réaliser des investissements productifs neufs sur le territoire de la Guadeloupe. Ils ont bénéficié de la réduction d'impôt sur le revenu, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, pour un investissement de chauffe-eaux solaires acquis par cette société et qu'elle a loués au cours de l'année 2014 à la société à responsabilité limitée (SARL) Eco Soley Développement, installée en Guadeloupe. Par une proposition de rectification du 15 décembre 2017, l'administration a remis en cause le bénéfice de l'avantage fiscal dont M. E... et Mme D... avaient bénéficié au titre de l'année 2014. En conséquence, l'administration les a assujettis, au titre de l'année 2014, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie de pénalités pour un montant total de 22 989 euros, laquelle a été mise en recouvrement le 30 avril 2019. Par un jugement du 29 septembre 2022 dont les contribuables relèvent appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. E... et Mme D... tendant à la décharge de cette imposition.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition de l'année 2014 :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, cette obligation ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux et ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

4. Si M. E... et Mme D... soutiennent qu'ils ont demandé, à l'occasion de leurs observations présentées le 5 février 2018, la communication de l'ensemble des éléments ayant servi de fondement aux redressements notifiés, la communication de l'intégralité des documents, ainsi que la teneur et l'origine des renseignements obtenus par le service et sur lesquels il s'est fondé pour établir l'imposition litigieuse, il résulte des termes mêmes du courrier du 5 février 2018 que les contribuables n'ont demandé explicitement que la communication d'une " étude de marché " réalisée par l'administration fiscale sur le prix de revient du matériel.

5. Or, outre le fait qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle " étude de marché " existerait, l'administration fiscale a en tout état de cause abandonné devant le tribunal administratif de Lille le motif tiré de ce que la base de la réduction d'impôt avait été largement majorée par rapport au prix de revient réel des investissements concernés.

6. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent M. E... et Mme D..., il ne résulte pas de l'instruction que des extraits de la réponse de la SARL Eco Soley Développement à la proposition de rectification qui lui a été adressée auraient été cités ou exploités par l'administration tant au stade de la procédure de rectification qu'à celui de la procédure contentieuse.

7. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition supplémentaire :

8. L'article 199 undecies B du code général des impôts fixe les conditions dans lesquelles les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale. Le vingt-sixième alinéa du I de cet article, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige prévoit que " La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location ", sous réserve notamment que, conformément au quinzième alinéa de l'article 217 undecies du même code, le contrat de location soit conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d'utilisation du bien loué si elle est inférieure. Le trente-troisième alinéa du I de l'article 199 undecies B précité prévoit néanmoins que " Pour les investissements dont la durée normale d'utilisation est égale ou supérieure à sept ans, et qui sont loués dans les conditions prévues au vingt-sixième alinéa, la réduction d'impôt prévue est applicable lorsque l'entreprise locataire prend l'engagement d'utiliser effectivement pendant sept ans au moins ces investissements dans le cadre de l'activité pour laquelle ils ont été acquis ou créés ".

9. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

10. Il résulte de l'instruction que la SNC Anthurium, dont M. E... et Mme D... sont associés, donnait en location des chauffe-eaux solaires à la SARL Eco Soley Développement en Guadeloupe, qui se chargeait de les sous-louer aux clients finaux chez lesquels le matériel était installé. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt dont avaient bénéficié les intéressés à raison de leur investissement outre-mer au motif d'une part, que la SARL Eco Soley Développement n'avait pas pris l'engagement d'exploiter ces équipements pour la période minimale de sept ans prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts et d'autre part, que la base de la réduction d'impôt obtenue avait été largement majorée par rapport au prix de réel de revient des investissements concernés. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration a renoncé à ce second motif devant le tribunal administratif de Lille.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les chauffe-eaux solaires acquis par la SNC Anthurium et loués à la SARL Eco Soley Développement ont une durée d'utilisation normale supérieure à sept ans. Ainsi, conformément aux dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, le bénéfice de la réduction d'impôt est subordonné à l'engagement de la SARL Eco Soley Développement d'utiliser et de maintenir ces équipements dans leur affectation initiale pendant au moins sept ans.

12. Pour estimer que la SARL Eco Soley Développement n'avait pas pris cet engagement, l'administration fiscale s'est notamment fondée sur les contrats types signés dès 2014 entre la SARL Eco Soley Développement, société exploitante, et les utilisateurs finaux, conclus pour une durée de cinq ans non renouvelable, prévoyant une offre de vente du chauffe-eau solaire aux utilisateurs finaux à l'issue de cette période.

13. A ce titre, les contribuables ont produit deux courriers des 28 juillet 2014 et 3 avril 2018 par lesquels la SARL Eco Soley Développement a indiqué à la SNC Anthurium qu'elle exploiterait ces équipements pendant au moins sept années tout en rappelant que ces biens lui seraient cédés par la SNC à l'issue de la période locative de cinq ans, ainsi qu'une attestation du 28 juin 2021 par laquelle la SARL Eco Soley Développement certifie que " l'exploitation des chauffe-eaux solaires individuels de la SNC Anthurium est toujours en cours ".

14. Toutefois, outre le fait que le courrier du 3 avril 2018 et l'attestation du 28 juin 2021 ne sont pas contemporains de l'année de réalisation des investissements en cause, ces documents ne sont pas suffisants pour démontrer que la SARL Eco Soley Développement s'était engagée, à compter de leur installation, à utiliser effectivement les équipements pendant au moins sept ans, alors que les contrats de fourniture d'énergie conclus avec les utilisateurs finaux comportaient une offre de vente intervenant de plein droit à l'issue du contrat dont la durée était fixée à cinq ans. De plus, aucune stipulation des conditions générales de vente des contrats liant l'exploitant aux utilisateurs finaux ne prévoit la prolongation de la mise à disposition des chauffe-eaux par l'exploitant pour les utilisateurs finaux à l'issue de cette période de cinq ans.

15. Dans ces conditions, alors même qu'aucun formalisme n'est exigé par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts pour cet engagement, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la SARL Eco Soley Développement avait pris l'engagement d'exploiter les chauffe-eaux solaires pour la période minimale de sept ans prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

16. En second lieu, les dispositions du 1 de l'article 1740-00 A du code général des impôts, qui donnent à l'administration fiscale la faculté de sanctionner l'exploitant qui ne respecte pas son engagement d'utiliser les investissements au-delà de la cinquième année d'utilisation, ne font pas obstacle à ce que cette administration procède, entre les mains de l'investisseur, à la reprise de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B si l'exploitant n'a pris aucun engagement ou s'il n'a pas respecté cet engagement, sachant que la sanction prévue à l'article 1740-00 A et la reprise de la réduction d'impôt prévu à l'article 199 undecies B ne visent pas la même personne, la première s'appliquant à l'exploitant et la seconde à l'investisseur.

17. Ainsi, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que l'administration fiscale n'établit pas que la SARL Eco Soley Développement n'aurait pas exploité les chauffe-eaux solaires entre la cinquième et la septième année d'utilisation, alors que, ainsi qu'il a été dit, le service a remis en cause la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié au motif de l'absence d'engagement de cette société, et non au motif que cet engagement n'aurait pas été respecté.

18. De la même manière, dès lors que le bénéfice de la réduction d'impôt est subordonné à un engagement préalable et effectif de l'entreprise exploitante, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'il s'agit d'une simple défaillance déclarative de leur part ultérieurement régularisable, ni se prévaloir à cette fin d'une attestation du 28 juin 2021 indiquant que " l'exploitation des chauffe-eaux solaires individuels de la SNC Balisier est toujours en cours ".

19. Il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2014.

20. Par voie de conséquence, les conclusions que M. E... et Mme D... présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et Mme A... D... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°22DA02391

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02391
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET OAKLANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-28;22da02391 ?
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