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26/03/2024 | FRANCE | N°23DA00747

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 26 mars 2024, 23DA00747


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 9 mai 2022 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2202760 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen, auquel le dossier a été renvoy

é par une ordonnance n° 2210598 du 6 juillet 2022 du magistrat délégué par le président du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 9 mai 2022 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202760 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen, auquel le dossier a été renvoyé par une ordonnance n° 2210598 du 6 juillet 2022 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023, M. C..., représenté par Me Solenn Leprince, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 9 mai 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que le préfet n'a pas expliqué pourquoi il n'a pas tenu compte de sa qualité de parent d'enfant français et de l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il justifie, en sa qualité de parent d'enfant français, d'un droit à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les articles L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et procède d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France, des attaches familiales qu'il y a nouées et de l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné est insuffisamment motivée en droit et en fait dès lors qu'elle n'indique pas en quoi sa sécurité ne serait pas menacée en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ses conséquences disproportionnées sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est insuffisamment motivée ;

- elle procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle fixe la durée de l'interdiction à deux ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête d'appel.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2023 à 12 heures.

Des pièces produites pour M. C..., enregistrées au greffe de la cour le 27 novembre 2023, n'ont pas été communiquées.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 12 novembre 2000, de nationalité ivoirienne, déclare être entré irrégulièrement en France en 2016. Alors mineur et isolé sur le territoire, il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " qu'il avait sollicité en qualité de parent d'enfant français et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours par un arrêté du 6 juillet 2020, confirmé par un jugement n° 2009662 du 11 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil. A la suite de son interpellation par les forces de l'ordre à Paris le 7 mai 2022, pour des faits de vol en réunion commis dans un moyen de transport collectif de voyageurs, le préfet de police l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans par des arrêtés du 9 mai 2022. M. C... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C.... A cet égard, contrairement à ce que celui-ci soutient, les motifs de l'arrêté attaqué rappellent les conditions de séjour de l'intéressé en France et comportent l'analyse de sa situation privée et familiale sur le territoire, telle qu'il l'a alors présentée. En particulier, l'arrêté tient compte de ce qu'à la date à laquelle il a été pris, M. C... déclarait vivre en concubinage et avoir un enfant à charge. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des déclarations qu'il a faites lors de ses auditions par les forces de l'ordre à la suite de son interpellation le 7 mai 2022, qu'il ait fait état des enfants nés de ses précédentes relations. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre procède d'un défaut d'examen particulier doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". En outre, indépendamment de l'énumération donnée par cet article, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger pouvant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. A cet égard, l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

4. Si M. C... est le père d'un fils de nationalité française, né le 13 juin 2019 à Bondy, il n'établit, par les éléments qu'il produit, ni qu'il ait jamais existé une communauté de vie stable et effective avec lui, ni qu'il ait maintenu leurs relations. S'il produit neuf virements Western Union qu'il présente comme ayant été effectués au bénéfice de la mère de son fils entre février 2020 et juin 2021 ainsi que cinq factures d'enseignes commerciales pour des achats présentés comme étant destinés à l'entretien de cet enfant, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans au sens des dispositions citées au point précédent. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il peut se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français et qu'il bénéfice à ce même titre d'une protection contre l'éloignement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en l'obligeant à quitter le territoire français le préfet de police aurait méconnu les dispositions et principes rappelés au point précédent doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Si M. C... est le père d'une fille de nationalité ivoirienne née d'une précédente union à Paris le 16 juin 2018, il ne justifie pas de relations d'une particulière intensité avec elle, alors qu'elle est placée auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département des Hauts-de-Seine et qu'il n'établit pas avoir jamais cherché à obtenir sa garde effective. S'il est également père d'un fils de nationalité française né d'une précédente union à Bondy le 13 juin 2019, il ne justifie pas davantage entretenir des relations effectives avec lui et n'établit pas contribuer effectivement à son entretien et à son éducation, pour les motifs exposés au point 4. S'il se prévaut enfin d'une relation de concubinage avec une compatriote en situation régulière sur le territoire dont était issu, à la date de la décision attaquée, un fils né le 23 mars 2020 à Jossigny, les éléments contradictoires versés au dossier ne permettent pas de dater clairement le début de leur communauté de vie, qui ne peut en tout état de cause que présenter un caractère récent. En outre, alors que le droit au respect de la vie privée et familiale ne s'étend pas au droit de choisir librement le pays où établir sa cellule familiale, M. C... ne démontre pas l'impossibilité pour sa compagne actuelle et leurs enfants de l'accompagner en Côte d'Ivoire, pays dont ils ont tous la nationalité. A cet égard, cette impossibilité ne saurait résulter de la seule ancienneté du séjour de sa compagne en France alors qu'il ressort des pièces du dossier que celle-ci est seulement détentrice d'une carte de séjour pluriannuelle, qu'elle ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et pérenne et qu'elle ne démontre pas l'intensité des liens conservés par son fils né d'un premier lit avec son père. Par ailleurs, compte tenu de leur jeune âge, il n'est pas établi que les enfants de M. C... et de sa compagne ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Côte d'Ivoire. En outre, M. C..., qui ne justifie d'aucune formation ni d'aucune expérience dans un emploi, ne présente pas d'insertion socio-professionnelle réussie en France, ni de perspective sérieuse à cet égard alors que, dans le même temps, il ne démontre pas l'impossibilité de se réinsérer professionnellement et socialement dans son pays d'origine. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'il est défavorablement connu des forces de l'ordre pour des faits de vol, vol en réunion, vol aggravé et vol aggravé avec violences commis les 15 août 2017, 30 janvier 2018, 12 mai 2018, 20 octobre 2018, 22 février 2019, 11 janvier 2021, 8 octobre 2021 et 7 mai 2022. Dans ces conditions, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police ne peut être regardé ni comme ayant méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant cités au point précédent, ni comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des effets de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé et celle de sa famille. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

9. En premier lieu, pour décider que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. C... pourra être exécutée à l'encontre du pays dont il a la nationalité, à savoir la Côte d'Ivoire, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle qu'il a la nationalité ivoirienne et qu'il n'établit pas y être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette motivation, en droit et en fait, a ainsi mis à même M. C... de comprendre les motifs de la décision prise à son encontre et est proportionnée dès lors qu'il ne justifie pas avoir adressé au préfet des observations préalables à ce sujet. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 7, M. C... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'établit ni que sa cellule familiale ne pourrait pas s'y reconstituer, ni qu'il ne pourrait pas s'y réinsérer socialement et professionnellement. En outre, il ne fait état d'aucune crainte pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a pu fixer la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel la mesure d'éloignement est susceptible d'être mise à exécution. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées pour la première fois en appel contre cette décision, que M. C... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 de ce code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

14. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions précitées des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet de police a procédé à un examen de la situation de M. C... au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, il a retenu qu'il est entré en France en 2016 et qu'il n'a pas déféré à une mesure d'éloignement précédemment prononcée à son encontre et il a tenu compte de sa situation familiale sur le territoire ainsi que des troubles à l'ordre public qu'il y a causés. Ainsi, le préfet de police a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans qu'il a prise à l'encontre de M. C.... Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que celle-ci serait entachée d'erreur de droit pour ne pas avoir procédé à l'examen particulier de la situation de M. C... doivent être écartés.

15. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré irrégulièrement en France en 2016. Il a précédemment fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 6 juillet 2020 à laquelle il n'a pas déféré, malgré sa confirmation par un jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil. S'il est le père de deux enfants nés de précédentes unions les 16 juin 2018 et 13 juin 2019, il ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il conserve avec eux, ainsi qu'il a été dit au point 6. En outre, pour les motifs exposés au même point 6, il n'établit pas que la cellule familiale constituée par sa compagne actuelle et leurs enfants ne pourrait pas se reconstituer en Côte d'Ivoire, pays dont ils ont la nationalité. Il ne démontre pas davantage qu'il ne pourrait pas se réinsérer socialement et professionnellement dans ce pays alors qu'il ne justifie d'aucune insertion réussie dans la société française. Enfin, il s'est, par le passé, fait défavorablement connaître des forces de l'ordre, à de multiples reprises. Dans ces conditions, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français ne méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni dans son principe ni dans sa durée et ne peut pas être regardée comme procédant d'une erreur d'appréciation. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 9 mai 2022 du préfet de police ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. Il s'ensuit que ses conclusions d'appel à fin d'annulation de ce jugement, tendant à ce qu'il soit fait droit à ses demandes et à fin d'astreinte doivent, pour les mêmes motifs, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances d'appel, verse à M. C... ou à Me Solenn Leprince, avocate désignée au titre de l'aide juridictionnelle, les sommes que ceux-ci réclament au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Solenn Leprince.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA00747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00747
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23da00747 ?
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