Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner une expertise et de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme de 84 242,50 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement.
Par un jugement n° 1908677 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, lui a ordonné de rembourser la provision d'un montant de 6 000 euros qui lui avait été accordée et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise pour la somme de 500 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2022 et un mémoire, enregistré le 16 janvier 2023, Mme G... C..., représentée par Me François Gaborit demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, une nouvelle expertise médicale et de la confier à un expert neurochirurgien ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme globale de 84 242,50 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2019, avec capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix, outre les dépens, le versement à Mme C... de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier de Roubaix a commis une faute en tardant à prendre en charge sa hernie discale ;
- une nouvelle expertise doit être ordonnée dès lors que les rapports des docteurs A... et F... sont imprécis et ne permettent pas de liquider ses préjudices qui se sont aggravés avec le temps ;
- la faute du centre hospitalier de Roubaix est à l'origine de préjudices dont le montant total est de 90 242,50 euros sous déduction de la provision d'un montant de 6 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par Me Vincent Boizard, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter sa responsabilité à 50 % du dommage et de limiter l'indemnisation des préjudices subis par Mme C... à la somme de 5 722,25 euros, sous déduction de la provision allouée par les premiers juges ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Mme C..., et de Me Benoît Menuel, représentant le centre hospitalier de Roubaix.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... C..., née le 2 avril 1959, a présenté, à partir de 2000, des lombalgies et lomboradiculalgies chroniques ayant entraîné des épisodes de sciatique à droite traités par infiltrations. Le 4 juillet 2004, elle a consulté son médecin traitant en raison d'une vive douleur dans la jambe droite avec sensation de paralysie. Devant l'échec du traitement médicamenteux prescrit, le médecin l'a orientée vers les urgences du centre hospitalier de Roubaix où elle a été admise le 6 juillet 2004. Elle a présenté, lors de cette admission, un état fébrile faisant suspecter une spondylodiscite. Elle a ensuite été transférée dans le service de médecine interne du même établissement où un traitement par antalgiques et anti-inflammatoires lui a été prescrit. Toutefois, dès le 9 juillet 2004, elle a présenté une débâcle diarrhéique avec présence de sang dans les selles. Les bilans biologiques réalisés ont mis en évidence la présence d'un syndrome infectieux nécessitant des examens complémentaires. Dans l'attente de ces résultats, le traitement par anti-inflammatoire a été arrêté et remplacé par un traitement morphinique. Devant la régression du syndrome infectieux, Mme C... a pu bénéficier, le 12 juillet 2004, d'un scanner permettant d'identifier une volumineuse hernie discale L4-L5 droite comprimant la racine L5. Mme C... a par la suite subi d'autres examens visant à retrouver la cause de son syndrome infectieux. Devant l'amélioration de son syndrome infectieux, elle a été reçue en consultation, le 20 juillet 2004, par un neurochirurgien du secteur privé qui lui a proposé une intervention chirurgicale de curage de la hernie. Mme C... a été hospitalisée le 21 juillet 2004 à la clinique du Bois à Lille, et opérée le 22 juillet 2004. Les suites opératoires ont été simples. Toutefois, lors de la visite de suivi le 25 novembre 2004, Mme C... s'est plainte de douleurs dans le membre inférieur droit. Il a été diagnostiqué des douleurs séquellaires de nature neuropathique. Mme C... a alors été hospitalisée dans le centre d'évaluation et de traitement de la douleur du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille au cours du mois de mars 2005 et bénéficie depuis lors d'un appareil de stimulation électrique qui soulage partiellement ses douleurs. L'évolution de sa pathologie est peu favorable, avec la persistance de douleurs lombaires et neuropathiques. Mme C... a par ailleurs subi, le 20 octobre 2011, une cure de hernie discale L3-L4, sans lien avec la hernie opérée le 22 juillet 2004, et souffre de plusieurs pathologies mécaniques à l'origine de douleurs invalidantes.
2. Insatisfaite de sa prise en charge au centre hospitalier de Roubaix entre le 6 et le 21 juillet 2004, Mme C... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille aux fins de réalisation d'une expertise judiciaire. Par une ordonnance du 25 octobre 2005, le président du tribunal a désigné le docteur D... A..., chirurgien orthopédiste, avec mission, notamment, de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis. Le rapport d'expertise, déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2006, a mis hors de cause le centre hospitalier de Roubaix. Mme C... a ensuite saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) par demande du 27 février 2012 aux fins d'obtenir l'indemnisation amiable des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des manquements imputés au centre hospitalier de Roubaix. Par un premier avis du 15 mai 2012, la CCI s'est déclarée incompétente au motif que les dommages ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant. Le 31 octobre 2012, Mme C... a de nouveau saisi la CCI qui, le 22 janvier 2013, a confié une mission d'expertise au docteur H... F..., neurochirurgien. Ce dernier a rendu son rapport le 5 avril 2013 et a reconnu l'existence d'un retard fautif dans sa prise en charge. Par décision du 2 juillet 2013, la CCI s'est de nouveau déclarée incompétente. Le 5 août 2013, Mme C... a saisi la CCI aux fins de conciliation, procédure dont l'échec a été constaté le 20 décembre 2013. Mme C... relève appel du jugement du 27 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à titre principal à ce que soit ordonnée une contre-expertise, et à titre subsidiaire à la condamnation du centre hospitalier de Roubaix à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis, et lui a ordonné de rembourser la provision, d'un montant de 6 000 euros, allouée par une ordonnance n°16DA018810 du 16 mai 2017 du juge des référés de la cour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
4. Il résulte de l'instruction qu'une période de quinze jours a séparé l'admission aux urgences du centre hospitalier de Roubaix de Mme C... et son hospitalisation dans un établissement de santé privé afin de subir un curage de la hernie L4-L5. Il résulte du rapport d'expertise du Dr A..., qui a été à même de consulter l'entier dossier médical de la patiente, que ce délai se justifie par l'état antérieur de la patiente qui présentait, outre une lombo-sciatique, un syndrome infectieux se manifestant par un état fiévreux et des diarrhées avec présence de sang dans les selles. Ces troubles justifiaient des examens complémentaires avant d'envisager l'opération de cure de la hernie discale qui, si elle avait été réalisée trop tôt, aurait fait peser sur la patiente un risque d'infection opératoire ainsi que l'affirme le Dr F... dans son rapport du 4 avril 2013. L'amélioration des troubles digestifs de Mme C... a permis, le 12 juillet 2004, la réalisation d'un scanner afin d'identifier précisément la nature de la pathologie lombaire. A la suite de la réalisation de cette imagerie, Mme C... a subi des examens complémentaires, en particulier des hémocultures, une scintigraphie osseuse et en dernier lieu une rectosigmoïdoscopie avec biopsie, avant d'être reçue en consultation le 20 juillet 2004 en vue de préparer l'intervention chirurgicale du 22 juillet 2004. S'il résulte des deux expertises contradictoires précitées que le délai de quinze jours mis par le centre hospitalier de Roubaix pour prendre en charge Mme C... est particulièrement long compte tenu de ce que la patiente présentait une paralysie de la jambe droite légèrement inférieure à 3/5, cotation pouvant justifier une intervention en urgence, cette durée se justifie en l'espèce par l'état de santé de l'intéressée et les soins préalables indispensables compte tenu de son état et ne saurait révéler, contrairement à ce qu'a affirmé le Dr F..., un manquement fautif de l'hôpital dans la prise en charge de l'appelante. Si celle-ci se prévaut d'un rapport rédigé à sa demande par le docteur B... le 11 avril 2016, cet avis ne résulte pas d'une expertise contradictoire ordonnée par un juge et ne saurait dès lors prévaloir sur celui des docteurs A... et F... qui présentent par ailleurs un degré de précision suffisant pour permettre à la cour de statuer en connaissance de cause. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, Mme C... n'est pas fondée à invoquer la responsabilité du centre hospitalier de Roubaix ni, par suite, à demander sa condamnation au titre de l'indemnisation de ses préjudices.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et lui a enjoint de rembourser la provision d'un montant de 6 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Roubaix, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier de Roubaix.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Roubaix présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au centre hospitalier de Roubaix.
Copie sera transmise à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.
Délibéré après l'audience publique du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement,
Signé : M. E...La greffière,
Signé : A-S. Villette
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
N°22DA01929 2