Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut de procéder au réexamen de sa demande.
Par un jugement n° 2110106 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2023 M. A..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 31 mars 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a omis de procéder à un examen particulier de sa situation ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité entachant le refus de renouvellement du séjour ;
- le préfet a omis de procéder à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de renouvellement du séjour ;
- le préfet a omis de procéder à un examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 octobre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit ses observations.
Par une décision du 6 novembre 2023, l'instruction a été close à la date du 5 décembre 2023 à 12 heures.
L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A... par une décision du 4 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République de Guinée né le 25 décembre 1988, déclare être entré en France le 20 septembre 2016. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 avril 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 septembre 2019. M. A..., bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé, valable du 15 décembre 2020 au 14 juin 2021, en a sollicité le renouvellement le 6 mai 2021. Par un arrêté du 9 septembre 2021, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision refusant le renouvellement du titre de séjour de M. A... vise les dispositions applicables de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est donc suffisamment motivée en droit. Cette décision mentionne les raisons pour lesquelles le préfet du Nord a considéré que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 425-9 pour une admission au séjour en raison de son état de santé. Elle est donc suffisamment motivée en fait, eu égard à l'objet de la demande dont était saisi le préfet et quand bien même elle ne rappelle pas l'ensemble des éléments se rapportant à la situation personnelle et familiale de M. A.... En tout état de cause, et contrairement à ce que soutient le requérant, la décision contestée expose de façon précise et circonstanciée les éléments relatifs à sa situation dont le préfet a tenu compte pour considérer qu'il ne justifiait pas avoir le centre de ses intérêts privés en France.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen personnalisé de la situation de M. A... avant de refuser le renouvellement de son titre de séjour.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Dans son avis du 21 juillet 2021, le collège des médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'avis du collège des médecins, M. A... présentait une hépatite simple, sans éléments de cytolyse, sans fibrose, avec une faible charge virale de 6000 UI/ml. Pour contester cet avis, sur lequel le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de renouveler le titre de séjour, M. A... verse au dossier deux certificats médicaux établis les 22 et 24 septembre 2021 mentionnant que son hépatite présente une forte réplication virale et une cytolyse sans lésion de fibrose nécessitant la mise en place d'un traitement antiviral qu'il convient de maintenir afin de prévenir toute complication à long terme. Toutefois, ces deux certificats, établis quelques jours après la décision contestée, qui ne précisent pas la charge virale détectée et l'importance de la cytolyse en septembre 2021, ne suffisent pas à contredire l'avis du collège des médecins de l'Office sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de soins. Dans ces conditions, M. A... ne saurait utilement contester l'absence de traitement approprié en Guinée, ni l'impossibilité pour lui d'accéder effectivement à un tel traitement.
8. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord, qui s'est approprié l'avis du collège des médecins de l'OFII, aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. M. A... se prévaut de la présence de son cousin sur le territoire français, de son engagement associatif depuis le mois de septembre 2019 ainsi que de son état de santé pour justifier de l'existence de liens stables et intenses en France. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir l'existence d'une intégration socio-professionnelle et d'une vie privée et familiale en France alors que l'intéressé y est célibataire et sans enfant. De plus, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où résident ses parents et ses deux enfants âgés respectivement, au moment de sa demande de titre de séjour, de sept et onze ans. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en refusant le renouvellement de son titre de séjour, n'a porté aucune atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par un tel refus. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points précédents, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
12. En premier lieu, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision de refus de séjour ayant été écartés, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité du refus de séjour.
13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen personnalisé de la situation de M. A... avant de décider son éloignement.
14. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 à 8, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 et 11, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
16. En dernier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de désigner le pays à destination duquel M. A... sera éloigné en exécution de cette mesure. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision l'exposerait à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision de refus de séjour ayant été écartés, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité du refus de séjour.
18. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen personnalisé de la situation de M. A... avant de fixer la République de Guinée comme pays de renvoi de la mesure d'éloignement.
19. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier les risques de traitements inhumains et dégradants qu'il allègue, sans autre précision, en cas de retour dans son pays d'origine.
21. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 et 11, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Danset-Vergoten.
Copie du présent arrêt sera délivrée au préfet du Nord et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre,
Signé : M-P. Viard
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
F. Cheppe
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N° 23DA01015