La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°23DA00547

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 19 mars 2024, 23DA00547


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle la société anonyme (SA) La Poste l'a muté d'office à Rouen et d'enjoindre à cette société de le replacer sur un poste situé à Issy-les-Moulineaux à compter du 1er décembre 2020, subsidiairement, de le replacer sur un poste situé à Narbonne à compter du 31 juillet 2015, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard.



Par un jugem

ent n° 2101219 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cette déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle la société anonyme (SA) La Poste l'a muté d'office à Rouen et d'enjoindre à cette société de le replacer sur un poste situé à Issy-les-Moulineaux à compter du 1er décembre 2020, subsidiairement, de le replacer sur un poste situé à Narbonne à compter du 31 juillet 2015, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2101219 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cette décision et, d'autre part, enjoint à la SA La Poste de statuer de nouveau sur la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2023, la SA La Poste, représentée par Me Carrère, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée au motif qu'elle était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission administrative paritaire dès lors que les dispositions de l'article 25 du décret n°94-130 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste ont été implicitement abrogées par l'intervention de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ; en tout état de cause, la méconnaissance de cette obligation procédurale, à la supposer établie, n'a pas privé l'intéressé d'une garantie au regard de la volonté du législateur de faciliter, depuis cette loi, les mouvements de mutation des agents ;

- c'est à tort que les premiers juges lui ont enjoint de statuer de nouveau, selon une procédure régulière, sur la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement dès lors qu'il a été admis à la retraite à compter du 1er novembre 2021 ;

- les autres moyens invoqués en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Ouillé pour la SA La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., fonctionnaire de La Poste depuis le 18 juillet 1978, a exercé, du 1er juillet 2012 au 1er août 2015, les fonctions de responsable de section comptable. À l'issue de cette période, l'intéressé, qui était alors affecté au centre de service partagé comptable courrier ventes de Narbonne, a demandé à bénéficier du dispositif de temps partiel aménagé senior (TPAS), spécifique à La Poste, jusqu'au 30 novembre 2020. Avant le terme de ce dispositif, il a demandé à La Poste, par courrier du 9 juillet 2020, de retrouver une activité opérationnelle à compter du 1er décembre 2020, conformément au souhait exprimé lors de son engagement du 31 juillet 2015. Le 12 août 2020, La Poste lui a proposé un poste sur le site de la direction nationale comptable (DNC) à Rouen, poste qu'il a refusé le 25 août suivant. Par courrier du 30 octobre 2020, La Poste a informé M. B... qu'il ne serait plus considéré comme en position d'activité après le 30 novembre 2020. Par une ordonnance du 11 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu les effets de cette décision. En exécution de cette suspension, La Poste a, par une décision du 28 janvier 2021, prononcé la mutation d'office de M. B... à compter du 15 février 2021 sur le poste d'expert excellence comptable qui lui avait été soumis en août 2020. La SA La Poste relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa version alors applicable : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. (...) Ces commissions sont consultées sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent ". Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 tel que modifié par l'article 25 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " I. L'autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service. II. Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités instituées à l'article 62 bis, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. (...) ". Aux termes de l'article 25 du décret du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste dans sa rédaction alors applicable : " Les commissions administratives paritaires connaissent, en matière de recrutement, des propositions de titularisation ou de refus de titularisation. Elles connaissent des questions d'ordre individuel résultant de l'application (...) des articles 45, 48, 51, 55, 58, 60, 67, 70 et 72 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ".

3. D'autre part, aux termes du VI de l'article 10 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Le quatrième alinéa de l'article 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom est complété par deux phrases ainsi rédigées : " L'organisation des commissions administratives paritaires, mises en place en application de l'article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée pour les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom est précisée par décret en Conseil d'Etat. Ces commissions administratives paritaires examinent les questions relatives à la situation individuelle déterminées par décret en Conseil d'Etat et les questions relatives à la discipline des fonctionnaires sans distinction de corps et de grade. " ". Aux termes du IV de l'article 94 de la même loi : " L'article 10 s'applique en vue de l'élaboration des décisions individuelles prises au titre de l'année 2021. / Par dérogation au premier alinéa du présent IV : (...) / 2° Le I, le 1° du III, les 2° et 6° du V et le VI de l'article 10 de la présente loi ainsi que les quatre premiers alinéas de l'article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans sa rédaction résultant du 1° du II de l'article 10 de la présente loi, entrent en vigueur en vue du prochain renouvellement général des instances ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 60 précité de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, telles qu'elles ont été modifiées par l'article 25 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, que l'obligation de consultation de la commission administrative paritaire préalablement au prononcé des mutations de fonctionnaires a été supprimée à compter du 1er janvier 2020. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les mutations intéressant les agents de La Poste, qui sont régis par un statut particulier, restent soumises, en application des dispositions de l'article 25 du décret du 11 février 1994 qui n'ont pas été abrogées par les dispositions de cette loi, à l'intervention des commissions administratives paritaires de La Poste. En outre, alors que le législateur a explicitement renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination des questions relatives à la situation individuelle des fonctionnaires de La Poste dont l'examen relève des commissions administratives paritaires et prévu l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions en vue du prochain renouvellement général des instances, les dispositions de l'article 25 du décret du 11 février 1994 ne sauraient être regardées comme ayant été implicitement abrogées par l'intervention de cette loi. A cet égard, la circonstance que l'obligation de saisine de cette instance avant qu'il soit procédé à la mutation d'un fonctionnaire a ensuite été abrogée, à compter du 1er octobre 2022, par l'article 26 du décret du 29 septembre 2022 relatif aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires de La Poste est sans incidence. Dans ces conditions, en s'abstenant de saisir la commission administrative paritaire compétente préalablement à la mutation de M. B..., qui a ainsi été privé du bénéfice effectif de la garantie que constitue la consultation préalable de cette commission prévue par l'article 25 du décret du 11 février 1994, la SA La Poste a entaché sa décision d'irrégularité.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SA La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 28 janvier 2021.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

6. M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 2021. Cette circonstance fait obstacle à ce que l'exécution de la décision juridictionnelle implique qu'il soit statué à nouveau, selon une procédure régulière, sur sa situation. Aussi, la SA La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de statuer une nouvelle fois sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la SA La Poste demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 janvier 2023 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA La Poste est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société anonyme La

Poste.

Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le président-assesseur,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

La présidente de chambre-rapporteure,

Signé : M.-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

F. Cheppe

N° 23DA00547 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00547
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP SEBAN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23da00547 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award