Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017.
Par un jugement no 2001974 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur cette demande à hauteur de 17 582 euros en droits et 7 914 euros en pénalités pour l'année 2016 et de 31 070 euros en droits et 12 866 euros en pénalités pour l'année 2017, d'autre part, a déchargé M. C... du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016 et du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2017 dans la mesure où il excède, en base, la somme de 43 940 euros, et des pénalités correspondantes, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2022, 21 août 2023 et 3 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement et de remettre à la charge de M. C... les impositions supplémentaires et pénalités dont il a été déchargé par le tribunal administratif d'Amiens ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 2 de ce jugement en tant qu'il porte sur l'année 2016 et de remettre à la charge de M. C..., à hauteur d'un supplément en base d'un montant de 13 990 euros, les impositions supplémentaires et pénalités dont il a été déchargé par le tribunal administratif d'Amiens au titre de l'année 2016.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. C... demandait la décharge totale des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2016 ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible dus par la société SADA au titre de l'année 2016 n'ont pas été considérés comme des revenus distribués ;
- contrairement à ce que M. C... soutient, aucun salaire versé par la société SADA n'a été déclaré au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2016 ;
- M. C... ayant admis avoir appréhendé à son profit une somme totale de 32 450 euros en 2016 et de 61 570 euros en 2017, il justifie du bien-fondé de l'imposition sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu de substituer à ces dispositions, comme fondement des impositions, celles du 1° du 1 du même article 109, à hauteur des sommes de 2 508 euros pour 2016 et de 23 343 euros pour 2017 qui ont été retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû par la société SADA.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2023 et 7 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Wenisch, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal l'a déchargé des impositions mises à sa charge sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- il a déclaré des traitements et salaires versés par la société SADA d'un montant de 24 809 euros ;
- la demande de substitution de base légale présentée par l'administration est infondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) SADA, qui exerçait une activité d'animations commerciales et dont M. C... était le dirigeant et l'unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2015, 2016 et 2017. Tirant les conséquences de cette vérification et estimant que M. C... avait perçu des revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 21 janvier 2019, a notifié au contribuable des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017, assorties de la majoration prévue au a de l'article 1729 du même code. Les sommes de 48 884 euros pour 2016 et de 83 380 euros pour 2017 ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2019.
2. A la suite du rejet de ses réclamations, M. C... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. C... à hauteur de 17 582 euros en droits et de 7 914 euros en pénalités, pour l'année 2016, et de 31 070 euros en droits et de 12 866 euros en pénalités, pour l'année 2017, d'autre part, l'a déchargé, en droits et pénalités, du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016, et de celles dues au titre de l'année 2017 dans la mesure où elles excèdent, en base, la somme de 43 940 euros, enfin, a rejeté le surplus de la demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement en ce qu'il a déchargé M. C... des impositions en litige et demande que ces impositions soient remises à la charge du contribuable.
Sur le bien-fondé de l'imposition sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".
4. Pour soumettre le rehaussement des résultats d'une société à l'impôt sur le revenu entre les mains de son bénéficiaire, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir que de tels revenus ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.
5. Pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. C... au titre des années 2016 et 2017 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le fait que l'administration, qui se bornait à affirmer que M. C... devait être présumé avoir appréhendé les sommes de 32 450 euros en 2016 et de 61 570 euros en 2017 au seul motif qu'il était le maître de l'affaire, n'apportait pas la preuve qui lui incombe de cette appréhension.
6. Toutefois, l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif propre à justifier l'imposition, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition.
7. Devant la cour, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui soutient que M. C... a reconnu avoir appréhendé les sommes de 32 450 euros en 2016 et de 61 570 euros en 2017, doit être regardé comme demandant que ce nouveau motif soit substitué à celui initialement retenu pour fonder l'imposition.
8. Il résulte de l'instruction que dans son mémoire déposé le 14 avril 2021 devant le tribunal administratif d'Amiens, M. C... a admis avoir appréhendé des distributions, par le biais, d'une part, de retraits d'espèces sur les comptes de la société SADA, et, d'autre part, de virements bancaires de cette société sur ses comptes personnels, à hauteur de la somme totale de 32 450 euros en 2016 et de 61 570 euros en 2017, et a produit des tableaux récapitulatifs de ces opérations ainsi que les extraits de ses comptes bancaires personnels.
9. Si, pour relativiser la portée de ses propres écritures, M. C... soutient pour la première fois, dans son premier mémoire en défense en appel, qu'il a déclaré la somme de 24 809 euros à titre de traitements et salaires versés par la société SADA, il résulte de la réplique du ministre que les seuls revenus déclarés par l'intéressé au titre de l'année 2016 étaient des indemnités versées par Pôle Emploi et des revenus fonciers et ce moyen n'a pas été repris dans le second mémoire en défense de M. C....
10. Si M. C... se prévaut aussi, pour la première fois dans son second mémoire en défense devant la cour, de ce que la SASU SADA lui aurait versé en 2016 une somme de 11 000 euros à titre de remboursement des frais de déplacement exposés et, en 2017, des salaires d'un montant total de 21 460 euros, il n'apporte pas le moindre élément au soutien de ses allégations.
11. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que les sommes de 32 450 euros en 2016 et de 61 570 euros en 2017 ont été mises à la disposition de M. C....
12. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge d'une partie des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, au seul motif que les sommes de 32 450 euros pour 2016 et de 61 570 euros pour 2017 ne pouvaient être qualifiées de revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 code général des impôts.
13. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif d'Amiens et devant la cour.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
14. Si M. C... soutient que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont a fait l'objet la société SADA ne peuvent constituer des revenus distribués entre ses mains, il résulte en tout état de cause de ce qui a été dit que les seuls revenus distribués dont l'imposition demeure à la charge du contribuable sont constitués de sommes mises à sa disposition et que ce dernier a effectivement appréhendées.
Sur les pénalités :
15. Dès lors que le présent arrêt remet à la charge de M. C... les cotisations supplémentaires en base d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017 dont le tribunal administratif d'Amiens avait prononcé la décharge, le contribuable n'est pas fondé à demander la décharge des pénalités assignées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts à proportion de la décharge en droits prononcée.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles M. C... a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2001974 du tribunal administratif d'Amiens du 13 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. C... a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 et dont le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge, sont remises à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités, restant en litige, qui lui ont été assignés.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 13 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille relatives aux impositions et pénalités mentionnées à l'article 2 sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 février 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef
Et par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
1
2
N°22DA02672
1
3
N°"Numéro"