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14/03/2024 | FRANCE | N°22DA02560

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 mars 2024, 22DA02560


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision portant refus implicite de la réintégrer dans les fonctions de directrice des achats du groupement hospitalier de territoire (GHT) Somme Littoral Sud qu'elle occupait avant son congé de maternité et la décision du 22 octobre 2020 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie l'a nommée directrice adjointe chargée de projets transversaux pour le

GHT Somme Littoral Sud à compter du 8 octobre 2020 ainsi que de condamner le CHU d'Am...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision portant refus implicite de la réintégrer dans les fonctions de directrice des achats du groupement hospitalier de territoire (GHT) Somme Littoral Sud qu'elle occupait avant son congé de maternité et la décision du 22 octobre 2020 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie l'a nommée directrice adjointe chargée de projets transversaux pour le GHT Somme Littoral Sud à compter du 8 octobre 2020 ainsi que de condamner le CHU d'Amiens-Picardie à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi.

Par un jugement n° 2004087 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 22 octobre 2020 refusant de réaffecter Mme B... dans son emploi de directrice des achats du GHT Somme Littoral Sud et l'affectant sur le poste de directrice adjointe chargée de projets transversaux et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 décembre 2022 et 13 février 2024, le CHU d'Amiens-Picardie, représenté par Me Pauline Delentaigne-Leroy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 22 octobre 2020 et de rejeter les conclusions présentées par Mme B... ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal ne lui a pas communiqué la note en délibéré produite par Mme B... le 13 octobre 2022 ;

- le tribunal a écarté à tort une exception de non-lieu à statuer dès lors qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la mesure du 22 octobre 2022, Mme B... étant désormais placée en disponibilité d'office pour convenances personnelles et travaillant pour une clinique privée ;

- l'acte du 22 octobre 2020 constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- la décision refusant la réintégration de Mme B... ne devait pas être obligatoirement motivée, de sorte que le tribunal s'est fondé sur un moyen inopérant pour l'annuler.

Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2023, Mme A... B..., représentée par Me Jonathan Porcher, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens Picardie le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Pauline Delentaigne, représentant le CHU d'Amiens-Picardie.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 7 décembre 2017, la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a nommé Mme B..., titulaire du grade de directeur d'hôpital de classe normale, en qualité de directrice adjointe du centre hospitalier universitaire (CHU) Amiens-Picardie, chargée de la fonction achat au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) Somme Littoral Sud, à compter du 1er décembre 2017. Mme B... a été placée en congé de maternité du 29 décembre 2019 au 23 août 2020 puis en congé annuel du 24 août au 5 octobre 2020. En vue de son retour au travail, Mme B... a demandé à être réaffectée dans son poste par lettre du 16 octobre 2020, reçue le 18 octobre suivant au sein des services du centre hospitalier. Par décision du 22 octobre 2022, son employeur a décidé de la nommer en qualité de directrice adjointe chargée de projets transversaux du GHT Somme Littoral Sud. Le CHU d'Amiens-Picardie relève appel du jugement n° 2004087 du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'avocat de Mme B... a produit une note en délibéré le 13 octobre 2022, après l'audience du 6 octobre 2022, et avant la mise à disposition du jugement le 20 octobre 2022. Cette note en délibéré comporte un moyen, tiré de ce que la décision du 20 octobre 2020 constitue une sanction déguisée, qui avait été soulevé dans des mémoires antérieurs ayant fait l'objet d'une communication à l'avocat du CHU d'Amiens-Picardie. Ainsi, cette note en délibéré ne contenant ni l'exposé d'une circonstance de fait dont Mme B... n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, ni l'exposé d'une circonstance de droit nouvelle, le tribunal n'était pas tenu de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans cette note. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la circonstance que Mme B... a fait l'objet d'une mutation d'office au sein de l'établissement public de santé mentale de l'Aisne à compter du 1er novembre 2021 par un arrêté du 21 octobre 2021, puis d'un placement en disponibilité d'office pour convenances personnelles à compter du 8 novembre 2021, ne permet pas de considérer, en l'absence de retrait ou d'abrogation de l'arrêté contesté du 20 octobre 2020, que le tribunal aurait dû constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions d'annulation présentées par Mme B.... Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 5° a) Aux congés pour maternité (...). / A l'expiration des congés mentionnés aux a et b du présent 5°, le fonctionnaire est réaffecté de plein droit dans son ancien emploi. Dans le cas où celui-ci ne peut lui être proposé, le fonctionnaire est affecté dans un emploi équivalent, le plus proche de son dernier lieu de travail. S'il le demande, il peut également être affecté dans l'emploi le plus proche de son domicile, sous réserve du respect de l'article 38 de la présente loi. (...) ".

6. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

7. Il résulte des dispositions citées au point 5 qu'à l'issue des congés de maternité dont elle avait bénéficié, Mme B... était en droit d'être réaffectée dans son ancien emploi. Ainsi, la décision du 22 octobre 2020 par laquelle l'administration a rejeté sa demande de réaffectation dans son ancien emploi de chargée de la fonction achat du GHT Somme Littoral Sud et l'a nommée en qualité de directrice adjointe chargée de projets transversaux de ce groupement porte atteinte aux droits et prérogatives que Mme B... tient de son statut et ne constitue, dès lors, pas une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le CHU d'Amiens-Picardie, qui a pris une décision expresse le 22 octobre 2020, n'a pas gardé le silence pendant une durée de deux mois sur la demande de réintégration formulée par Mme B... par lettre du 16 octobre 2022, notifiée le 18 octobre suivant, de sorte qu'aucune décision implicite n'a été prise en réponse à cette demande. Dès lors, le centre hospitalier requérant n'est pas fondé à soutenir que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision refusant la réaffectation de Mme B... sur le poste qu'elle occupait avant son congé de maternité est inopérant faute pour l'intéressée d'en avoir demandé la communication des motifs conformément aux dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration.

10. D'autre part, la décision du 22 octobre 2020, si elle mentionne les raisons justifiant l'affectation de Mme B... en qualité de directrice adjointe chargée de projets transversaux du GHT Somme Littoral Sud, ne précise pas pour quels motifs le CHU d'Amiens-Picardie refuse, ce faisant, de la réaffecter dans le poste qu'elle occupait avant son congé de maternité. Ainsi, cette décision, qui refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, comporte une motivation en fait insuffisante, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU d'Amiens-Picardie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 22 octobre 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CHU d'Amiens-Picardie, le paiement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHU d'Amiens-Picardie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience publique du 20 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la Cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA02560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02560
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : PORCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;22da02560 ?
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