Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015.
Par un jugement no 2001692 du 13 otobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2022 et 14 mars 2023, M. C... A..., représenté par Me Leonard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ;
3°) d'ordonner le reversement, assorti des intérêts moratoires, des sommes qu'il a acquittées à ce titre ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la diminution du chiffre d'affaires de la pharmacie qu'il exploite résulte de facteurs externes et s'est prolongée dans le temps ;
- le montant cumulé des dotations pour provision est cohérent avec la situation de l'officine ;
- la valeur nette comptable des éléments incorporels de l'officine correspond au prix qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 15 février et 22 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. A..., qui exploite une officine pharmaceutique à Billy-Montigny (Pas-de-Calais), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2011 au 28 février 2015, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, la déduction d'une provision pour dépréciation du fonds de commerce d'un montant, au titre de chacun de ces exercices, de 183 579 euros, de 1 531 euros et de 133 570 euros, et a rectifié en conséquence le revenu imposable de M. A..., dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2013, 2014 et 2015. M. A... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des année 2013 à 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient effectivement été constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 38 sexies de la même annexe, dans sa rédaction applicable au litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de matière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. Lorsque l'application d'une prescription comptable ne suffit pas pour donner l'image fidèle mentionnée au présent article, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe. Si, dans un cas exceptionnel, l'application d'une prescription comptable se révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou du résultat, il doit y être dérogé. Cette dérogation est mentionnée à l'annexe et dûment motivée, avec l'indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'entreprise ".
4. Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général, dont les dispositions ont été reprises pour les exercices ouverts après le 1er janvier 2014 à l'article 214-6 de ce plan : " (...) 4 - La dépréciation d'un actif est la constatation que sa valeur actuelle est devenue inférieure à sa valeur nette comptable. / 5 - La valeur brute d'un actif est sa valeur d'entrée dans le patrimoine (...). / 7 - La valeur nette comptable d'un actif correspond à sa valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations. / 8 - La valeur actuelle est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage (...). / 10 -La valeur vénale est le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. (...) / 11 - La valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie. Elle est calculée à partir des estimations des avantages économiques futurs attendus. Dans la généralité des cas, elle est déterminée en fonction des flux nets de trésorerie attendus. (...) ".
5. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions précitées du plan comptable général que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation.
6. Le 29 décembre 2006, M. A... a acquis un fonds de commerce de pharmacie pour un montant de 1 050 000 euros, comprenant des éléments incorporels à hauteur de 1 046 000 euros. Ce fonds de commerce a été porté à l'actif de la société, au compte 207, pour une valeur d'apport de 1 046 000 euros. Au titre de l'exercice clos le 31 mars 2013, M. A... a comptabilisé une provision d'un montant de 183 579 euros destinée à prendre en compte la dépréciation de son fonds de commerce, cette provision ayant été portée à 185 110 euros au titre de l'exercice clos le 28 février 2014 et à 318 680 euros au 28 février 2015.
7. Pour justifier de telles provisions, M. A... fait valoir que le chiffre d'affaires de son officine a diminué de 21 % entre 2005 et 2015 et qu'il a constaté en conséquence une diminution de la valeur de son fonds de commerce, le prix de vente théorique de ce fonds ayant été évalué, à la clôture des exercices 2013, 2014 et 2015, respectivement à 871 938 euros, 868 710 euros et 733 240 euros. Pour calculer ce prix théorique, M. A... s'est fondé sur l'évolution de son chiffre d'affaires et sur l'indice " Interfimo ", ce qui l'a conduit à appliquer un taux de 74 %, de 75 % et de 68,2 % au chiffre d'affaires réalisé pour déterminer la valeur vénale du fonds de commerce et la dépréciation théorique de ce fonds à la clôture des exercices 2013, 2014 et 2015.
8. Toutefois, en premier lieu, si l'évolution à la baisse de ce taux basé sur l'évolution des prix de cession des officines de pharmacie peut constituer l'un des indices pertinents de la perte de valeur d'un fonds de commerce, il n'est pas de nature à justifier, à lui seul, le principe et le montant des provisions pour dépréciation en litige. En effet, il revenait à M. A... de déterminer, en plus de sa valeur vénale, la valeur d'usage de son officine afin de pouvoir justifier de la comptabilisation des provisions.
9. En deuxième lieu, M. A... ne peut se prévaloir du chiffre d'affaires de l'officine afférent à l'exercice 2005, dès lors que cet élément lui a été communiqué par l'ancien exploitant de la pharmacie à l'occasion de son acquisition par le contribuable et ne résulte donc pas de la propre exploitation de l'officine par ce dernier.
10. En troisième lieu, l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que le chiffre d'affaires de l'officine au titre de la période vérifiée n'a que très légèrement varié, les résultats comptables et fiscaux ayant quant à eux connu une hausse.
11. Enfin, si M. A... se prévaut du licenciement d'un salarié en 2008 afin de préserver la situation économique de l'officine, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation.
12. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la provision comptabilisée par M. A... au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que la comptabilisation de cette provision était justifiée au regard des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et que le rehaussement par l'administration des bénéfices industriels et commerciaux perçus par M. A... au titre des années 2013 à 2015 n'était pas fondé.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
14. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles tendant à la restitution des sommes versées, doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 février 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef
Et par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°22DA02512
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