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14/03/2024 | FRANCE | N°22DA02394

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 14 mars 2024, 22DA02394


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, et, d'autre part, de l'amende prononcée à son encontre en application de l'article 1729 D du code général des impôts.



Par un jugement nos 2000448 et 2000587 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif d'Ami

ens, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, et, d'autre part, de l'amende prononcée à son encontre en application de l'article 1729 D du code général des impôts.

Par un jugement nos 2000448 et 2000587 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Niclet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de vérification de comptabilité est irrégulière, l'authenticité de la demande tendant à ce que le contrôle se déroule dans les locaux de l'administration n'étant pas certaine, dès lors que cette demande ne respecte pas les formes prévues au paragraphe 130 de la doctrine BOI-CF-PGR-20-20-20171004 et qu'il n'a pas été informé que, en principe, la vérification de comptabilité doit se dérouler dans les locaux de l'entreprise ;

- cette demande n'était pas de nature à justifier l'emport des documents comptables dans les locaux de l'administration ;

- l'emport de documents comptables dans les locaux de l'administration ne doit pas priver le contribuable de tout débat oral et contradictoire ainsi que le prévoit le paragraphe 170 de la doctrine BOI-CF-PGR-20-20-20171004 ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qu'il a exercé l'option prévue à l'article 93 A du code général des impôts dans les formes prévues par l'article 41-0 bis de l'annexe III au même code ;

- en tout état de cause, l'exercice de cette option ne pouvait trouver à s'appliquer pour les bénéfices non commerciaux de l'année 2013 ;

- les factures de 9 980 euros et de 11 960 euros des 2 et 29 décembre 2014 sont à rattacher aux produits de l'année 2015 et non à ceux de l'année 2014 ;

- c'est à tort que l'administration n'a pas pris en compte une facture d'électricité, une facture d'un cabinet comptable ainsi qu'une facture de son assureur au titre des charges déductibles ;

- l'administration ne démontrant pas que la société tenait une comptabilité par le moyen de systèmes informatisés en 2015, l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts ne peut être appliquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- un dégrèvement va être accordé à la suite de l'admission du rattachement des factures des 2 et 29 décembre 2014 à l'exercice 2015 ;

- les autres moyens invoqués sont inopérants ou ne sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. C..., qui exerçait à titre individuel une activité de développement informatique multimédia, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 étendue au 31 octobre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Au terme de cette vérification, par une proposition de rectification du 7 avril 2016, l'administration fiscale a notifié à M. C... des rehaussements en matière de bénéfices non commerciaux, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 2013 et 2014 et l'amende de 5 000 euros résultant de l'article 1729 D du même code au titre des années 2014 et 2015. A la suite des deux réclamations formées par M. C... contre les impositions mises en recouvrement, le service a uniquement prononcé un dégrèvement portant sur l'amende de 5 000 euros mise à sa charge au titre de l'année 2014. M. C... a alors porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens par deux requêtes distinctes. Toutefois, par un jugement du 15 septembre 2022 dont M. C... relève appel, le tribunal, après avoir joint les deux instances, a rejeté ces demandes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 11 janvier 2023, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a accordé à M. C... un dégrèvement à concurrence de 8 228 euros euros en droits et 3 621 euros en pénalités, au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre de l'année 2014. Par suite, les conclusions de la requête de M. C..., qui n'ont pas été expressément abandonnées sur ce point, sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ".

4. Cette disposition a pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, en présence de personnes habilitées à la représenter, sauf dans le cas où l'administration, à la demande du contribuable, procède à cette vérification dans un lieu extérieur à l'entreprise et dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 4 janvier 2016, M. C... a demandé que les opérations de vérification se déroulent dans les locaux de l'administration. L'intéressé a réitéré par la suite cette demande par courriel après que l'administration lui eut rappelé qu'en principe, le lieu du contrôle est le lieu du siège de la société mais qu'un autre endroit pouvait être désigné par ses soins. Si M. C... met en doute l'authenticité de ce courriel, il n'apporte pas le moindre élément au soutien de ce dire alors qu'il ne conteste pas que l'adresse de la messagerie, qui reprend son prénom et son nom, est la sienne et qu'il n'a formulé aucune observation à ce sujet lors de la première réunion, à laquelle il a personnellement participé, qui s'est tenue dans les locaux du service le 29 janvier 2016.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait conservé des documents au terme des rencontres qui se sont déroulées dans ses locaux.

7. En troisième lieu, il ne résulte pas davantage de l'instruction, alors que trois autres rencontres ont eu lieu les 22 février, 5 mars et 6 avril 2016, que M. C... aurait été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur du fait du déroulement des opérations de contrôle dans les locaux de l'administration ou que le vérificateur aurait fait obstacle à un tel débat.

8. Enfin, en tout état de cause, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la doctrine BOI-CF-PGR-20-20 dans la mesure où elle se rapporte à la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne l'année 2013 :

9. Aux termes du 1 de l'article 93 du code général des impôts : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ". Aux termes de l'article 93 A du même code : " I. - A compter du 1er janvier 1996 et par dérogation aux dispositions de la première phrase du 1 de l'article 93, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt peut, sur demande des contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée, être constitué de l'excédent des créances acquises sur les dépenses mentionnées au 1 de l'article 93 et engagées au cours de l'année d'imposition. L'option doit être exercée avant le 1er février de l'année au titre de laquelle l'impôt sur le revenu est établi ; elle s'applique tant qu'elle n'a pas été dénoncée dans les mêmes conditions. (...) ".

10. La proposition de rectification du 7 avril 2016 a constaté que M. C... n'avait pas déclaré une taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 985,85 euros collectée en 2012 et a déduit de ce qu'il n'était plus possible de réclamer cette taxe, compte tenu de la prescription, qu'il s'agissait d'un profit qui devait être rattaché aux produits de l'année 2013 et donc être pris en compte comme une recette au titre de cette année en application du 1 de l'article 93 du code général des impôts.

11. Si la décision du 19 décembre 2019 ayant rejeté la réclamation de M. C... a modifié le motif de ce redressement en déduisant de ce que le contribuable avait souscrit l'option prévue à l'article 93 A du code général des impôts que cette somme de 1 985,85 euros devait être regardée comme une créance acquise au sens de cette disposition, l'intéressé a contesté avoir souscrit une telle option pour l'année 2013 et le service s'est finalement rallié à cette analyse.

12. Toutefois, l'administration a repris devant la cour son motif initial opposé à l'occasion de la proposition de rectification du 7 avril 2016, tiré ainsi qu'il a été dit de ce que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2012, qui ne peut plus être rappelé, a constitué une recette perçue au titre de l'année 2013, première année non prescrite.

13. Or M. C... n'a contesté ce motif ni dans sa réclamation ni dans la présente instance. Dès lors, il ne peut utilement soutenir qu'il y a lieu de diminuer les recettes de l'année 2013 de la somme de 1 985,85 euros puisqu'il n'a pas souscrit l'option prévue à l'article 93 A du code général des impôts.

14. Dans ces conditions, par les moyens qu'il invoque et alors que les dispositions de l'article 93 du code général des impôts étaient identiques quelle que soit l'année d'imposition, M. C... n'est pas fondé à contester ce chef de redressement.

En ce qui concerne l'année 2014 :

15. En premier lieu, si M. C... soutient que les recettes d'un montant de 9 980 euros et de 11 960 euros correspondant aux factures n°s 9 et 10 qu'il a émises les 2 et 29 décembre 2014 ne peuvent être prises en compte au titre de l'année 2014 dès lors qu'elles n'ont été encaissées qu'en 2015, il résulte de l'instruction que l'administration a admis cette argumentation et a prononcé le dégrèvement, mentionné au point 2, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ayant résulté de la réintégration de ces sommes dans les recettes de l'année 2014.

16. En deuxième lieu, l'administration, à l'occasion de sa décision du 19 décembre 2019 ayant rejeté la réclamation de M. C..., a refusé de regarder comme des dépenses nécessaires à l'activité professionnelle une facture d'électricité émise en 2014 au motif qu'il s'agissait de dépenses personnelles du contribuable et de son épouse.

17. Si M. C... soutient qu'il y a lieu de prendre partiellement en considération cette dépense dès lors que les locaux servant à l'exercice de son activité professionnelle étaient à la même adresse que son domicile personnel, il n'apporte pas le moindre élément au soutien de cette allégation.

18. Le requérant ne peut davantage se prévaloir du paragraphe 70 de la doctrine BOI-BNC-BASE-40-60-30 selon lequel " Lorsque les locaux loués servent à la fois à l'exercice d'une profession non commerciale et à l'habitation privée de l'exploitant et de sa famille, il y a lieu de procéder à une ventilation comme pour toute dépense à caractère mixte ", dès lors que cette doctrine ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.

19. En troisième lieu, si M. C... soutient que deux factures, l'une émanant de son cabinet comptable, et l'autre de son assureur, doivent être prises en compte comme des dépenses en lien avec son activité professionnelle, il ne conteste pas que, ainsi que le fait valoir l'administration, ces factures, qui ont été émises en 2016, n'ont pu faire l'objet d'un règlement en 2014 et ne peuvent donc être regardées comme une charge engagée au cours de ce dernier exercice. C'est donc à bon droit que l'administration a refusé de prendre en compte les dépenses correspondant à ces factures au titre de l'exercice clos en 2014.

Sur l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts :

20. Aux termes de l'article 1729 D du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable. ".

21. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) ".

22. Il résulte de l'instruction que, M. C... tenant la comptabilité de ses opérations au moyen de systèmes informatisés au titre des années 2013 et 2014, l'administration a estimé que le défaut de présentation d'une telle comptabilité pour l'année 2015 entraînait l'application de l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts.

23. Si M. C... soutient qu'il ne disposait pas d'une telle comptabilité informatisée dès lors qu'il n'avait plus d'activité en 2015, d'une part, ainsi qu'il a été dit, M. C... a encaissé en 2015 les sommes de 9 980 euros et de 11 960 euros correspondant aux factures n°s 9 et 10 qu'il a émises les 2 et 29 décembre 2014, et, d'autre part, ainsi que le fait valoir l'administration, l'intéressé n'a pas satisfait aux obligations déclaratives de cessation de l'exercice de son activité non commerciale prévues à l'article 202 du code général des impôts.

24. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a appliqué l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

26. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 22 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°22DA02394

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02394
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BOQUET-NICLET-LAGEAT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;22da02394 ?
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