Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 14 mai 2020 par laquelle le maire de la commune de Neufchâtel-en-Bray a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 21 février 2012, ainsi que la décision du 11 juin 2020 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2003249 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 13 janvier 2023 et le 9 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Languil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions des 14 mai et 11 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Neufchâtel-en-Bray de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Neufchâtel-en-Bray une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Neufchâtel-en-Bray a omis de consulter la commission de réforme, en méconnaissance du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 ;
- sa situation ne relève pas des conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987, résultant du décret du 10 avril 2019, mais des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de ce dernier décret, dès lors que l'accident dont l'imputabilité au service est demandée est survenu à une date antérieure et que le congé de maladie consécutif à son accident s'est déroulé du 4 juillet 2012 au 4 juillet 2017 ;
- en tout état de cause, elle a produit le certificat médical requis par le 2° de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 dans le délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 ;
- sa demande ne pouvait être rejetée au motif qu'elle n'avait pas été remise dans le délai de quinze jours, prévu par l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987, dès lors que ce délai ne lui est pas opposable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, la commune de Neufchâtel-en-Bray, représentée par Me Mekkaoui, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Languil, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe administrative de la commune de Neufchâtel-en-Bray, affectée jusqu'alors comme agent d'accueil au centre social municipal, a été informée à son retour de congé de maladie le 21 février 2012 de sa nouvelle affectation dans les services techniques de la commune. Après que le médecin de prévention s'est prononcé pour une incompatibilité entre son état de santé et le nouveau poste de travail, le 1er mars 2012, puis pour un changement de service, le 19 avril suivant, Mme B... a été placée en congé de maladie à compter du 4 juillet 2012. Ce congé s'est poursuivi ensuite sous la forme d'un congé de longue maladie puis de longue durée, au terme duquel Mme B... a été placée en disponibilité d'office dans l'attente que le comité médical départemental se prononce sur sa situation. Le 17 avril 2020, elle a saisi la commune de Neufchâtel-en-Bray d'une demande d'imputabilité au service d'un accident survenu le 21 février 2012 résultant selon elle de son changement d'affectation, vécu comme violent et soudain. Par une décision du 14 mai 2020, le maire de la commune de Neufchâtel-en-Bray a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, faute pour Mme B... de lui avoir adressé sa déclaration dans le délai de quinze jours, prévu par l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987. Le maire a confirmé sa décision de rejet par un courrier du 11 juin 2020. Par un jugement du 6 décembre 2022, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 14 mai et 11 juin 2020.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un congé pour invalidité temporaire imputable au service en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis dont les dispositions ont été reprises depuis aux article L. 822-18 à L. 822-25 du code général de la fonction publique. Le III de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 régissant la fonction publique territoriale, afin d'en exclure, pour l'application de ces dispositions, les blessures et maladies contractées ou aggravées en service. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019.
3. D'une part, aux termes de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, créé par l'article 5 du décret du 10 avril 2019 : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à l'autorité territoriale une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : / 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Ce formulaire est transmis par l'autorité territoriale à l'agent qui en fait la demande, dans un délai de quarante-huit heures suivant celle-ci et, le cas échéant, par voie dématérialisée, si la demande le précise ; / 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant ". Aux termes du I de l'article 37-3 du même décret du 30 juillet 1987, également issu de l'article 5 du décret du 10 avril 2019 : " La déclaration d'accident de service ou de trajet est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident. / Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 15 du décret du 10 avril 2019 : " Le fonctionnaire en congé à la suite d'un accident ou d'une maladie imputable au service continue de bénéficier de ce congé jusqu'à son terme. Toute prolongation de ce congé postérieure à l'entrée en vigueur du présent décret est accordée dans les conditions prévues au chapitre Ier. / Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret. / Les délais mentionnés
à l'article 37-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date ". Il résulte de ces dispositions que les conditions de forme et de délai prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction issue du décret du 10 avril 2019, sont uniquement applicables, d'une part, aux demandes de prolongation d'un congé pour accident de service ou pour maladie imputable au service pour une période débutant après le 13 avril 2019 et, d'autre part, aux demandes initiales de congé pour invalidité temporaire imputable au service motivées par un accident ou une maladie dont la déclaration a été déposée après cette date.
5. Il est constant que Mme B... a présenté le 17 avril 2020 sa déclaration concernant un accident de service survenu le 21 février 2012, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Aussi, quelle que soit la date de survenue de l'accident, les conditions de forme et de délai prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987, notamment les délais fixés à l'article 37-3, doivent s'appliquer. A cet égard, si l'article 37-3 prévoit un délai de quinze jours à compter de la date de l'accident pour présenter une déclaration, il résulte du troisième alinéa de l'article 15 du décret du 10 avril 2019 que ce délai court à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication de ce décret, intervenue le 12 avril 2019, dès lors que l'accident n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. Il s'ensuit que la déclaration de Mme B... était tardive, au regard des dispositions du premier alinéa du I de l'article 37-3, lorsqu'elle en a saisi l'administration le 17 avril 2020. La requérante entend aussi se prévaloir des dispositions combinées du second alinéa du I de l'article 37-3 et du troisième alinéa de l'article 15 du décret du 10 avril 2019, dont il résulte selon elle que le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date du certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2, dès lors que ce certificat a été établi dans un délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Toutefois, si les certificats médicaux produits sur ce point, datés des 4 mai 2017, 28 septembre 2018, 11 mars 2020 et 17 mars 2020, font état d'un état dépressif sévère en lien avec sa situation professionnelle, pour lequel elle est suivie depuis le 4 juillet 2012, aucun de ces documents ne mentionne un accident survenu le 21 février 2012. Par suite, en l'absence du certificat médical exigé par le 2° de l'article 37-2, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que sa déclaration a été reçue dans le délai requis par le second alinéa du I de l'article 37-3.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Neufchâtel-en-Bray, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme dont la commune de Neufchâtel-en-Bray demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Neufchâtel-en-Bray présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Neufchâtel-en-Bray.
Délibéré après l'audience publique du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLe greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
F. Cheppe
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N° 23DA00080