Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de la décharger de l'obligation de payer des rappels d'indus pour un montant total de 15 101,24 euros, mis à sa charge par des ordres de reversement du directeur du Centre national d'éducation à distance (CNED) des 20 novembre 2017, 15 décembre 2017, 26 juin 2018, 15 décembre 2020 et 16 décembre 2020, de condamner le CNED à lui rembourser la somme de 1 731,44 euros qu'elle a versée au vu des ordres de reversement des 20 novembre et 15 décembre 2017, et de condamner le CNED à lui verser une indemnité de rupture conventionnelle pour un montant de 5 292,18 euros et une somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 2005064 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Dutat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2022 ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer les rappels d'indus mis à sa charge, pour un montant total de 15 101,24 euros, par les ordres de reversement du directeur du Centre national d'éducation à distance (CNED) des 20 novembre 2017, 15 décembre 2017, 26 juin 2018, 15 décembre 2020 et 16 décembre 2020 ;
3°) de condamner le CNED à lui rembourser la somme de 1 731,44 euros qu'elle a versée au vu des ordres de reversement des 20 novembre et 15 décembre 2017 ;
4°) de condamner le CNED à lui verser l'indemnité de rupture conventionnelle pour un montant de 5 292,18 euros et une somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices ;
5°) de mettre à la charge du CNED une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune faute ne lui est imputable dans l'absence de versement des indemnités journalières par la caisse d'assurance sociale ;
- le CNED ne pouvait procéder aux rappels contestés, lui a versé une rémunération à tort et n'a pas transmis la demande d'indemnités journalières à la caisse ;
- la créance de l'administration résultant des trop perçus doit faire l'objet d'une compensation avec sa propre créance résultant de la carence fautive de l'administration ;
- le rappel d'indu et le refus de lui verser son indemnité de rupture conventionnelle sont à l'origine d'un préjudice important.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le Centre national d'enseignement à distance (CNED), représenté par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal sont irrecevables en l'absence de demande préalable ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 1er décembre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Levrey, représentant le CNED.
Considérant ce qui suit :
1. Affectée depuis le 19 juin 2015 dans les services du Centre national d'éducation à distance (CNED), situés à Mont-Saint-Aignan, Mme A... a été placée en congé de longue maladie du 23 août 2016 au 25 avril 2017, puis en congé de maternité du 26 avril 2017 au 24 octobre 2017 et en congé parental du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018. Bénéficiant de nouveau d'un congé de maladie du 7 janvier 2019 au 31 août 2019, elle a été placée en situation de disponibilité d'office à compter du 7 janvier 2020, date à laquelle elle a épuisé ses droits à congés. Le CNED a établi plusieurs ordres de reversement les 20 novembre 2017, 15 décembre 2017, 26 juin 2018, 15 décembre 2020 et 16 décembre 2020, pour des montants respectifs de 1 896,01 euros, 1 542,14 euros, 200 euros, 10 372,15 euros et 2 822,38 euros, afin de récupérer des trop-perçus auprès de Mme A.... Celle-ci a demandé au tribunal administratif de Rouen de la décharger de l'obligation de payer ces rappels d'indus pour un montant total de 15 101,24 euros, mis à sa charge par les ordres de reversement précités, de condamner le CNED à lui rembourser la somme de 1 731,44 euros qu'elle a versée au vu des ordres de reversement des 20 novembre et 15 décembre 2017, et de condamner l'administration à lui verser une indemnité de rupture conventionnelle pour un montant de 5 292,18 euros et une somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 4 octobre 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ".
3. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que Mme A... a saisi le tribunal administratif sans présenter préalablement une demande au CNED afin d'obtenir le remboursement de la somme de 1 731,44 euros, qu'elle avait versée à l'administration au vu des ordres de reversement des 20 novembre et 15 décembre 2017, ainsi que le versement d'une somme de 5 292,18 euros au titre de la rupture conventionnelle intervenue le 12 décembre 2020 et d'une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices résultant de la gestion de sa situation financière. Dans ces conditions, en l'absence de décision prise par l'administration sur une telle demande préalable, les conclusions indemnitaires présentées directement devant le tribunal administratif sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de décharge :
S'agissant de la recevabilité de ces conclusions :
4. En premier lieu, Mme A... a demandé devant le tribunal administratif de prononcer la décharge de l'obligation de payer les rappels d'indus mis à sa charge, pour un montant total de 15 101,24 euros, par les ordres de reversement du directeur du CNED des 20 novembre 2017, 15 décembre 2017, 26 juin 2018, 15 décembre 2020 et 16 décembre 2020. Elle doit ainsi être regardée comme ayant formé un recours contre ces décisions, qui ont été produites devant les premiers juges et qui ont eu pour effet de lier le contentieux.
5. En second lieu, si, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, la demande doit, à peine d'irrecevabilité, être présentée devant le tribunal administratif soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation " lorsque les conclusions de la demande tendent (...) à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ", il résulte de l'article R. 431-3 du même code que ces dispositions ne sont pas applicables aux litiges d'ordre individuel concernant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques. Mme A... était donc recevable devant le tribunal administratif à présenter ses conclusions aux fins de décharge sans le concours d'un avocat.
S'agissant du bien-fondé de la créance :
6. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que Mme A... a fait l'objet de plusieurs rappels en raison de traitements indûment versés au taux plein d'octobre à décembre 2016 et de janvier à avril 2017, alors que la requérante se trouvait en congé de maladie à demi-traitement, d'un complément d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise versé en décembre 2017 alors que l'intéressée, en congé de maternité depuis le 26 avril 2017, ne pouvait le percevoir, et de traitements indûment versés d'avril à juillet 2019, alors qu'elle était en congé de maladie à demi-traitement. Mme A... ne conteste pas avoir perçu les sommes litigieuses, ni le caractère indu de leur versement au regard de sa situation administrative. L'administration était donc en droit de lui en demander le remboursement en établissant des ordres de reversement les 20 novembre 2017, 15 décembre 2017, 26 juin 2018 et 16 décembre 2020 pour un montant total de 6 460,53 euros. D'autre part, le juge a la faculté, même en l'absence de conclusions indemnitaires, de réduire le montant d'un titre de perception émis à l'encontre d'un agent public pour tenir compte d'une erreur ou d'une carence de l'administration dans la gestion de sa situation administrative en lien avec les sommes réclamées. La requérante soutient que le versement d'un complément indemnitaire en décembre 2017 et la perception d'un plein traitement d'octobre à décembre 2016, de janvier à avril 2017 et d'avril à juillet 2019, alors que sa situation administrative permettait seulement le versement d'un demi-traitement, est imputable à une négligence de l'administration. Toutefois, les sommes litigieuses ont été indument versées sur de courtes périodes, portent sur des montants respectifs 200 euros, 1 896,01 euros, 1 542,14 euros et 2 822,38 euros, et ont donné lieu à des rappels dans l'année suivant ces versements les 26 juin 2018, 20 novembre 2017, 15 décembre 2017 et 16 décembre 2020. Eu égard aux conséquences limitées des erreurs de liquidation ayant conduit au versement de sommes indues à Mme A..., et au délai dans lequel les rappels sont intervenus, cette dernière n'est pas fondée à solliciter une décharge ou une réduction des sommes litigieuses.
7. En second lieu, aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, (...) il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à l'administration qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de l'avis du comité médical. La circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite rétroagisse à la date de fin des congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par cet article. Par suite, le demi-traitement versé au titre de cet article ne présente pas un caractère provisoire et reste acquis à l'agent alors même que celui-ci a, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n'ouvrant pas par elle-même droit au versement d'un demi-traitement.
8. Mme A... a été destinataire d'un ordre de reversement, établi le 15 décembre 2020, en vue du rappel d'éléments de salaire indûment versés, pour un montant de 10 372,15 euros, au cours des mois de janvier à octobre 2020 pendant lesquels elle se trouvait en disponibilité d'office.
9. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme A..., placée en congé ordinaire de maladie à compter du 7 janvier 2019, a été maintenue à demi-traitement par le CNED postérieurement au 7 janvier 2020, jusqu'à ce que le comité médical rende son avis le 5 juin 2020 et se prononce sur une éventuelle reprise d'activité ou sur une mise en disponibilité, position dans laquelle la requérante a été rétroactivement placée à compter du 7 janvier 2020. Conformément aux dispositions précitées de l'article 27 du décret du 14 mars 1986, le demi-traitement ainsi maintenu du 7 janvier au 5 juin 2020 ne présentait pas un caractère provisoire et, restant acquis à l'intéressée, ne pouvait faire l'objet d'un rappel par l'ordre de reversement du 15 décembre 2020. Mme A..., qui conteste le droit du CNED à procéder à un tel rappel, est donc fondée à demander la décharge des sommes se rapportant à la période du 7 janvier au 5 juin 2020 et qu'il y a lieu de fixer, au vu des bulletins de paie produits à l'instance, au montant de 4 110 euros.
10. D'autre part, il résulte de l'instruction que le CNED a versé à Mme A... un demi-traitement au mois de juin 2020 et un plein traitement au cours des mois de juillet à octobre 2020, alors que l'intéressée se trouvait placée en disponibilité d'office. La requérante, qui n'avait droit à aucun traitement pour la période de juin à octobre 2020, n'apporte aucun élément de nature à contester, dans son principe et son montant, le droit du CNED à procéder au rappel des sommes indûment versées. Par ailleurs, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de démarches du CNED auprès de sa caisse d'assurance sociale, qui a selon elle fait obstacle au versement d'indemnités journalières à compter de janvier 2020, dès lors que la faute ainsi alléguée est sans rapport avec les sommes faisant l'objet des rappels litigieux. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'administration aurait engagé sa responsabilité en procédant, le 15 décembre 2020, au rappel des traitements versés à tort au cours de la période du 5 juin au 31 octobre 2020.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., qui n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions indemnitaires, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins de décharge de la somme réclamée par l'ordre de reversement du 15 décembre 2020 en tant qu'il excède la somme de 6 262, 15 euros.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le CNED demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNED une somme de 1 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme mise à la charge de Mme A... par l'ordre de reversement du 15 décembre 2020 est ramenée à 6 262,15 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen n° 2005064 du 4 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CNED versera une somme de 1 000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du CNED présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au Centre national d'éducation à distance.
Délibéré après l'audience publique du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
F. Cheppe
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N° 22DA02532