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29/02/2024 | FRANCE | N°22DA00700

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 22DA00700


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société WPD Energie 21 n°16 a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de l'autoriser à exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chaudun.



Par un jugement n°1801378 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Aisne de réexaminer la

demande d'autorisation.



Par un arrêt n°20DA01235 du 26 novembre 2021, la cour a annulé ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société WPD Energie 21 n°16 a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de l'autoriser à exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chaudun.

Par un jugement n°1801378 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Aisne de réexaminer la demande d'autorisation.

Par un arrêt n°20DA01235 du 26 novembre 2021, la cour a annulé ce jugement, accordé à la société WPD Energie 21 n°16 l'autorisation sollicitée et enjoint au préfet de l'Aisne de fixer les conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par une décision n°461022 du 28 septembre 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux n'a pas admis le pourvoi formé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre cet arrêt du 26 novembre 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête en tierce opposition enregistrée le 28 mars 2022 et des mémoires enregistrés les 3 mars et 18 août 2023, l'association Société historique de Soissons, l'association pour la protection de l'environnement du village de Saint-Pierre-Aigle, l'association Soissonnais 14-18, Mme O... J..., M. G... C..., M. P... K..., M. D... F..., Mme H... F..., M. Q... M..., M. I... N... et M. E... A..., représentés par Me Francis Monamy, demandent à la cour :

1°) de déclarer non avenu l'arrêt du 26 novembre 2021 ;

2°) d'annuler le jugement du 9 juin 2020 ;

3°) de rejeter la requête présentée devant la cour dans l'instance n°20DA01235 par la société WPD Energie 21 n°16 ;

4°) en cas d'annulation partielle ou de sursis à statuer, de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'autorisation en application du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

5°) de mettre à la charge de l'État et de la société WPD Energie 21 n°16 la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêt est irrégulier dès lors que la minute n'a pas été régulièrement signée ;

- l'étude d'impact est lacunaire sur les incidences sur l'observatoire du général Mangin, sur la nécropole militaire nationale de Vauxbuin, sur le monument de la victoire de Chaudun, sur les chiroptères et sur l'avifaune, sur les incidences acoustiques ;

- le dossier de demande comporte une présentation lacunaire des capacités financières de la pétitionnaire ;

- le dossier de demande ne comporte pas d'indications sur la nature des garanties financières de démantèlement et de remise en état du site ;

- le dossier de demande comporte un projet architectural lacunaire ;

- le dossier de demande ne comporte pas l'avis de l'ensemble des propriétaires concernés, ni de l'État, ni du maire de Dommiers ;

- les avis émis par certains conseils municipaux sont irréguliers ;

- l'avis émis le 29 janvier 2015 pour le ministre chargé de l'aviation civile est entaché d'incompétence ;

- le service de la zone aérienne de défense n'a pas été consulté ;

- l'avis rendu le 26 septembre 2016 par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale est irrégulier ;

- le dossier d'enquête publique ne comportait pas les avis des ministres chargés de la défense et de l'aviation civile, ni l'avis de l'agence régionale de santé ;

- l'autorisation a été délivrée en méconnaissance de l'article 6 de la convention d'Aarhus ;

- le projet nécessitait l'octroi d'une dérogation " espèces protégées " ;

- le projet porte atteinte excessive aux paysages, aux églises de Saint-Pierre-Aigle et de Saconin-et-Breuil et au château de Septmonts ;

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 janvier 2023, 6 juin 2023 et 11 octobre 2023, la société WPD Energie 21 n°16, représentée par Me Paul Elfassi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt pour agir suffisant ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 15 janvier 2024, la cour a invité les parties à présenter leurs observations en application du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement sur l'éventuelle régularisation, d'une part, du moyen tiré du caractère lacunaire de la présentation des capacités financières de la pétitionnaire dans sa demande d'autorisation et, d'autre part, du moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.

Par un mémoire du 18 janvier 2024, le préfet de l'Aisne a présenté des observations en réponse au courrier du 15 janvier 2024 mentionné ci-dessus.

Il soutient que :

- le dossier de demande comporte une lettre d'engagement de la société mère ;

- le cas échéant, un délai de régularisation d'un an est nécessaire.

Par un mémoire du 25 janvier 2024, la société WPD Energie 21 n°16, représentée par Me Paul Elfassi, a présenté des observations en réponse au courrier du 15 janvier 2024 mentionné ci-dessus.

Elle soutient que les vices mentionnés dans le courrier du 15 janvier 2024 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'Aarhus ;

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n°2008-1299 du 11 décembre 2008 modifié ;

- le décret n°2014-450 du 2 mai 2014 ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Amandine Gargam, représentant l'association Société historique de Soissons, l'association pour la protection de l'environnement du village de Saint-Pierre-Aigle, l'association Soissonnais 14-18, Mme O... J..., M. G... C..., M. P... K..., M. D... F..., Mme H... F..., M. Q... M..., M. I... N... et M. E... A... et de Me Nelsie Bergès, représentant la société WPD Energie 21 n°16.

Une note en délibéré présentée par Me Paul Elfassi a été enregistrée le 22 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société WPD Energie 21 n°16 a demandé le 8 février 2016 l'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chaudun. Par un arrêté du 9 janvier 2018, le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande. Par un jugement du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Aisne de réexaminer la demande d'autorisation. Par un arrêté du 7 octobre 2021, le préfet de l'Aisne a rejeté à nouveau la demande d'autorisation de la société WPD Energie 21 n°16.

2. Par un arrêt du 26 novembre 2021, la cour a annulé ce jugement, accordé à la société WPD Energie 21 n°16 l'autorisation sollicitée et enjoint au préfet de l'Aisne de fixer les conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par une décision du 28 septembre 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux n'a pas admis le pourvoi formé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre cet arrêt du 26 novembre 2021. Dans la présente instance, l'association Société historique de Soissons et autres forment un recours en tierce opposition contre le même arrêt.

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

3. Aux termes de l'article 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". En l'absence de texte contraire, les décisions de justice rendues en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement peuvent faire l'objet de la voie de recours définie par l'article R. 832-1 du code de justice administrative.

4. Afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, la voie de la tierce opposition est, dans la configuration particulière où le juge administratif des installations classées, après avoir annulé la décision préfectorale de refus, fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour délivrer lui-même l'autorisation, ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, dès lors qu'ils n'ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance.

En ce qui concerne l'intérêt pour agir :

5. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) avant le 1er mars 2017 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont (...) contestées (...) ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ".

6. En application de ces dispositions, si l'autorisation litigieuse, qui a été sollicitée avant le 1er mars 2017 sur le fondement de l'ordonnance du 20 mars 2014, n'a pas été délivrée selon les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017 modifiant le code de l'environnement, elle doit être cependant regardée à compter de sa délivrance par l'arrêt attaqué comme une autorisation environnementale au sens du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement. Il s'ensuit que les dispositions de ce chapitre déterminant les conditions dans lesquelles une telle autorisation peut être contestée sont en l'espèce applicables.

7. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". Aux termes du I de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Parmi ces intérêts, figurent " la commodité du voisinage ", " la santé, la sécurité, la salubrité publiques ", " la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ", " l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers ", " la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

8. Il résulte de l'article 1er des statuts de l'association Société historique de Soissons que celle-ci a pour objet de sauvegarder et de valoriser le " patrimoine " et les " paysages " " sous tous leurs aspects " du Soissonnais et du département de l'Aisne. Or le projet, qui comporte des aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres, est susceptible d'entraîner des incidences sur le paysage et le patrimoine de ce département. En outre, il résulte de l'article 2 des statuts de l'association Soissonnais 14-18 que celle-ci a pour objet de préserver et de sauvegarder les " sites 14-18 " dans le Soissonnais. Or le projet est implanté à 1,7 kilomètre du " monument de la victoire du 18 juillet 1918 " et à 4,4 kilomètres de la " nécropole militaire de Vauxbuin ", à la protection desquels veille cette association. Enfin, il résulte de l'article 2 des statuts de l'association pour la protection de l'environnement du village de Saint-Pierre-Aigle que celle-ci a pour objet de " promouvoir le patrimoine historique et culturel du village de Saint-Pierre-Aigle " et de " protéger le cadre de vie des adhérents contre toute pollution visuelle ". Or le projet sera implanté à 2,8 kilomètres de l'église de ce village avec laquelle il sera covisibile.

9. Dans ces conditions, ces trois associations justifient d'un intérêt pour agir suffisant pour contester l'autorisation délivrée par la cour. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt pour agir des autres requérants, la fin de non-recevoir tirée par la société WPD Energie 21 n°16 d'un défaut d'intérêt pour agir doit ainsi être écartée.

En ce qui concerne les autres conditions de recevabilité :

10. En premier lieu, l'association Société historique de Soissons, l'association pour la protection de l'environnement du village de Saint-Pierre-Aigle, l'association Soissonnais 14-18, Mme O... J..., M. G... C..., M. P... K..., M. D... F..., Mme H... F..., M. Q... M..., M. I... N... et M. E... A... n'ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à l'arrêt contesté.

11. En second lieu, la circonstance que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a introduit le 1er février 2022 un pourvoi en cassation contre l'arrêt litigieux, avant que ne soit formée le 28 mars 2022 la présente tierce opposition, n'a pas eu pour effet de rendre irrecevable cette dernière, alors qu'au demeurant, le Conseil d'État statuant au contentieux a décidé de ne pas admettre ce pourvoi et que les requérants ne pouvaient contester une telle décision par la voie de la tierce opposition ainsi qu'en dispose l'article R. 822-3 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

12. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

13. Il résulte de l'instruction que l'arrêt attaqué a été signé par M. Marc Heinis, président, par Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-rapporteure, et par Mme Christine Sire, greffière d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation de l'arrêt, qui a été notifiée aux parties, ne soient pas revêtue des signatures manuscrites de ces personnes est sans incidence sur la régularité de l'arrêt. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêt doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne l'office du juge de plein contentieux :

14. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

15. Conformément à ces règles et aux dispositions précitées de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, la légalité externe de l'autorisation litigieuse doit être appréciée au regard des dispositions du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette ordonnance. En revanche, sa légalité interne doit être appréciée au regard des dispositions du code de l'environnement dans leur rédaction en vigueur à la date du présent arrêt, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne la légalité externe de l'autorisation :

S'agissant de l'étude d'impact :

16. Aux termes du I de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : / 1° Les pièces mentionnées aux articles R. 512-4 à R. 512-6 (...) ". Aux termes du I de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) ".

Quant à l'étude des paysages et des monuments :

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la demande comporte, d'une part, des " photomontages panoramiques " et, d'autre part, des vues panoramiques dites à " taille réelle " qui ont été réalisées à l'aide du logiciel " Windpro ", recadrées selon un angle de 60° et reproduites sur toute la largeur de pages au format A3 et sur les deux tiers de la hauteur de ces pages. Il ne résulte pas de l'instruction que ces vues à " taille réelle ", qui évitent les effets d'écrasement d'échelle, ne permettraient pas d'apprécier de manière probante les incidences paysagères du projet. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions météorologiques prévalant lors des prises de vue auraient conduit à minimiser ces incidences.

18. En deuxième lieu, il est vrai que l'étude d'impact initiale ne mentionne pas que le projet sera visible depuis la " tour d'observation du général Mangin ", laquelle a été détruite en octobre 1924, puis reconstruite en 2017 au sein du massif forestier de Retz, soit avant la délivrance de l'autorisation litigieuse. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages produits tant par la pétitionnaire que par les requérants, que le projet sera implanté à 7 kilomètres de cette tour d'observation sans marquer de manière prégnante, du fait de cet éloignement, les vues donnant sur le massif forestier depuis le sommet de cet édifice, alors que le paysage environnant est déjà marqué par une tour de télécommunications d'une hauteur de 263 mètres. En outre, si le projet est covisible avec cette tour d'observation, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle présenterait en elle-même une valeur patrimoniale particulière. Par suite, l'absence de mention de cette tour dans l'étude d'impact n'a pas eu pour effet en l'espèce de nuire à l'information du public, ni d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'arrêt attaqué.

19. En troisième lieu, si l'étude d'impact ne mentionne pas la nécropole militaire de Vauxbuin, qui se trouve à 4,4 kilomètres du projet, il résulte de l'instruction que ce dernier ne sera que très partiellement visible depuis ce site en raison de la végétation dense qui s'y trouve. Dans ces conditions et alors que cette nécropole ne fait pas l'objet d'une protection particulière, son absence dans l'étude d'impact n'a pas eu pour effet en l'espèce de nuire à l'information du public, ni d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'arrêt attaqué.

20. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'étude d'impact mentionne, parmi " les témoignages des combats liés à la Grande guerre " qui émaillent le territoire, le monument " érigé sur la route de Paris entre Cravançon et Vertes-Feuilles " " à la gloire des soldats français et alliés pendant les combats de mai à juillet 1918 ". Si cet édifice, dit " monument de la victoire ", initialement édifié aux abords de la route nationale n°2, a été déplacé en 2017 plus à l'est à proximité de la route départementale n°172, il résulte de l'instruction que le projet sera implanté à 1,7 kilomètres du nouvel emplacement de l'édifice, sans être visible dans l'axe de sa face principale.

21. En outre, si le projet est visible depuis le parvis du monument en direction du sud-ouest et, notamment, depuis la table d'orientation qui s'y trouve, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du photomontage complémentaire produit par la pétitionnaire que, du fait de son implantation, le projet serait susceptible de nuire au bon déroulement des cérémonies qui sont organisées sur ce parvis, ou à l'utilisation de cette table d'orientation qui représente un plan à grande échelle du territoire de Soissonnais. Dans ces conditions, l'absence dans l'étude d'impact de ce photomontage ou d'autre document ayant trait au " monument de la victoire " n'a pas été susceptible de nuire en l'espèce à l'information du public ou d'exercer une influence sur le sens de la décision prise.

22. En cinquième lieu, si les requérants contestent les emplacements choisis pour la réalisation des autres photomontages fournis dans la demande d'autorisation, ils ne produisent pas d'élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations, alors que la demande comporte 70 vues à " taille réelle " et que celles-ci ont été prises depuis les lieux de vie des villages proches, les principaux axes de communications et les monuments et sites remarquables environnants.

Quant à l'étude acoustique :

23. Il résulte de l'instruction que si huit " points de contrôle " situés à l'extérieur des habitations les plus exposées au projet ont été initialement retenus par la pétitionnaire en fonction du niveau de bruit résiduel et des caractéristiques de la zone, deux de ces points, situés à " Maison neuve " et à " Vertes feuilles ", n'ont pu donner lieu à des mesures en raison des refus d'accès opposés par les propriétaires des lieux.

24. Cependant, la pétitionnaire fait valoir, sans être sérieusement contredite, que ces deux points présentent des caractéristiques acoustiques similaires, notamment en matière de " bruit résiduel ", à deux points de contrôle situés à Beaurepaire et à Saint-Pierre, auxquels il a été possible d'accéder et d'y réaliser des mesures. Les requérants ne produisent à cet égard aucune mesure acoustique réalisée depuis ces points de " Maison neuve " et de " Vertes feuilles " de nature à remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que les conclusions de l'étude acoustique sont erronées.

Quant à l'étude des chiroptères :

25. Il résulte de l'instruction qu'en complément d'" écoutes passives " réalisées à l'aide d'" enregistreurs automatiques ", des prospections ont été réalisées en période d'hibernation les 14 et 21 janvier 2015, en période de transit printanier les 16 avril, 28 avril et 11 mai 2015, en période de parturition les 3 juin, 16 juin et 13 août 2014, ainsi qu'en période de transit automnal durant trois sessions en septembre et octobre 2014. En complément de ces prospections au sol, qui couvrent l'ensemble du cycle biologique, ont été réalisées des mesures en altitude à l'aide d'un " ballon captif " en transit printanier, en période de parturition et en transit automnal.

26. Si les requérants contestent l'utilisation de cet appareil de mesure en altitude, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié de nature à remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact qui relève des enjeux " faibles " à " modérés " dans les zones agricoles et des enjeux " forts " en lisière forestière ou à proximité de haie. Il ne résulte notamment pas de l'instruction que l'utilisation d'un mât de mesure en zones agricoles aurait permis d'établir des inventaires plus complets, eu égard à la faible attractivité de ces zones pour les chiroptères.

Quant à l'étude de l'avifaune :

27. Il résulte de l'instruction que des prospections avifaunistiques ont été réalisées de mai 2014 à mai 2015 durant la période hivernale, la période de migration prénuptiale, la période de migration postnuptiale et la période de nidification, couvrant ainsi l'ensemble du cycle biologique des espèces nicheuses et migratrices. Si les requérants soutiennent que l'étude d'impact ne mentionne pas à tort la présence de cigognes blanches et noires sur le zone d'implantation du projet, ils se bornent à produire à l'appui de leurs allégations un article de presse daté du 4 octobre 2021, un reportage télévisuel réalisé en septembre 2020 et une " vidéographie " réalisée en février 2023 montrant certes des spécimens de ces espèces, mais sans établir que le site du projet ou ses abords seraient effectivement fréquentés par ces espèces dans une mesure telle que l'étude d'impact aurait dû les mentionner.

28. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact est lacunaire.

S'agissant de la présentation des garanties financières :

29. Aux termes de l'article L. 516-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " La mise en activité (...) des installations mentionnées aux articles L. 229-32 et L. 515-36 (...) est subordonnée à la constitution de garanties financières. / Ces garanties sont destinées à assurer, suivant la nature des dangers ou inconvénients de chaque catégorie d'installations, la surveillance du site et le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la réhabilitation après fermeture. Elles ne couvrent pas les indemnisations dues par l'exploitant aux tiers qui pourraient subir un préjudice par fait de pollution ou d'accident causé par l'installation (...) ".

30. Aux termes du I de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : / 1° Les pièces mentionnées aux articles R. 512-4 à R. 512-6 (...) ". Aux termes de l'article R. 512-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la demande d'autorisation porte sur une installation mentionnée à l'article R. 516-1 ou R. 553-1, elle précise, en outre, les modalités des garanties financières exigées à l'article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution ". Le I de l'article R. 516-1 du même code fixe la nature de ces garanties financières.

31. Il résulte de l'instruction que la pétitionnaire a indiqué dans sa demande le montant des garanties financières requises par son projet, sans préciser leur nature et leurs délais de constitution. Toutefois, dès lors que la bénéficiaire n'est tenue de justifier de la constitution effective de ces garanties qu'à la date de mise en activité de l'installation et que son exploitation ne pourra commencer en l'absence de ces garanties, cette lacune n'a pas été de nature en l'espèce à nuire à l'information du public, ni à exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'arrêt attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 doit être écarté.

S'agissant de la présentation des capacités financières :

32. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " (...) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article R. 512-3 du même code : " La demande prévue à l'article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : / (...) / 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant (...) ".

33. Il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies.

34. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

35. En l'espèce, la pétitionnaire a indiqué dans sa demande que le montant total des investissements nécessaires à la réalisation du projet s'élevait à 56 265 000 euros et que cette somme serait financée à hauteur de 75 % par un apport en capital de la société WPD Europe GmbH, qui détient l'intégralité de son capital social, et, pour le reste, par un emprunt bancaire.

36. Pour justifier de ses capacités financières, la pétitionnaire a fourni dans sa demande d'autorisation une lettre datée du 15 mars 2016 par laquelle la société WPD Europe GmbH s'est engagée à lui fournir " les capacités financières nécessaires afin qu'elle puisse honorer l'ensemble de ses engagements pris dans le cadre de la présente demande d'autorisation d'exploiter et assurer la construction et l'exploitation du parc conformément aux prescriptions des autorisations qui seront délivrées et à la réglementation applicables ". Il résulte des termes mêmes de cette lettre que l'engagement ferme ainsi pris par la société WPD Europe GmbH couvre l'intégralité des coûts de construction, d'exploitation et de démantèlement du parc litigieux, à supposer même que la pétitionnaire n'obtienne pas de prêt bancaire.

37. Alors que la demande d'autorisation précise que la société WPD Europe GmbH a déjà financé " la construction d'une dizaine de parcs éoliens " en France et que son capital social est détenu à hauteur de 67% par la société WPD AG qui a installé en Europe " 1 600 éoliennes d'une puissance totale de 2 800 MW ", les éléments fournis dans la demande attestent d'une manière précise et suffisamment certaine des capacités financières de la pétitionnaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 512-3 du code de l'environnement doit être écarté.

S'agissant de l'avis des propriétaires concernés :

38. Aux termes du I de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : / 1° Les pièces mentionnées aux articles R. 512-4 à R. 512-6 (...) ". Aux termes du I de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) / 7° Dans le cas d'une installation à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le demandeur, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation (...) ".

39. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 16 septembre 2015, la pétitionnaire a sollicité, en application des dispositions précitées de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, l'avis du maire de la commune de Dommiers, sur le territoire de laquelle seront notamment implantés des " chemins d'accès " à l'installation. Si les requérants soutiennent que ce courrier n'est pas parvenu à son destinataire, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations.

40. En deuxième lieu, si le projet prévoit que certains tronçons des câbles électriques du réseau dit " interne " de l'installation seront installés sous la route nationale n°2 au moyen d'un " forage ", il résulte du plan fourni dans la demande, dont le contenu n'est pas contesté, que ces tronçons seront situés à plus de dix mètres des aérogénérateurs et du poste du livraison. Or, compte tenu de cette distance d'éloignement, la pétitionnaire ne sera pas tenue de démanteler ces tronçons de câbles en application de l'article 29 de l'arrêté du 26 août 2011 visé ci-dessus. Par suite et en tout état de cause, la pétitionnaire n'était pas tenue de consulter le propriétaire de cette voie publique sur la remise en état du site, en application de l'article R. 512-6 du code de l'environnement.

41. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que l'ensemble des propriétaires concernés par le projet n'ont pas été consultés, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations, alors que, d'une part, la pétitionnaire a énuméré dans sa demande les propriétaires consultés sans être tenue de fournir un relevé de propriété et que, d'autre part, l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement a estimé dans son rapport que le dossier était complet sur ce point.

42. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 512-6 du code de l'environnement doivent être écartés.

S'agissant de l'autorisation du ministre chargé de l'aviation civile :

43. Aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " Le cas échéant, le dossier de demande mentionné à l'article 4 est complété par les pièces suivantes, lorsque le demandeur les détient : / 1° L'autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile (...), lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne en application de l'article L. 6352-1 du code des transports (...) ".

44. Il résulte de l'instruction que l'autorisation émise le 11 mars 2016 par le ministre chargé de l'aviation civile a été signée par M. L... B..., attaché d'administration de l'aviation civile, lequel bénéficiait, en vertu de l'article 19 de la décision du 14 septembre 2015 du directeur de la sécurité de l'aviation civile, publiée au Journal officiel de la République française du 19 septembre 2015, d'une délégation de signature à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des transports, dans la limite des attributions de la délégation Picardie, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets.

45. D'une part, le directeur de la sécurité de l'aviation civile a pu légalement consentir cette délégation de signature sur le fondement de l'article 5 du décret du 11 décembre 2008 visé ci-dessus, aux termes duquel : " Le directeur de la sécurité de l'aviation civile peut donner délégation de signature aux agents de l'échelon central et des échelons locaux relevant de son autorité, y compris aux fonctionnaires de catégorie B et aux agents contractuels de niveau équivalent ".

46. D'autre part, en vertu des articles 1er et 7 de la décision du 12 janvier 2009 portant organisation de la direction de la sécurité de l'aviation civile Nord, publiée au Journal officiel de la République française du 28 janvier 2009, " la délégation Picardie est compétente dans le ressort territorial de la région Picardie " et elle est chargée dans ce ressort " des affaires techniques pour les missions de surveillance et de régulation (...) ". Au titre de ces missions de surveillance et de régulation, sont prises, comme en dispose l'article 26 de l'arrêté du 13 octobre 2014 portant organisation de la direction de la sécurité de l'aviation civile, publié au Journal officiel de la République française du 27 novembre 2014, " les actions, les mesures et les décisions requises à l'égard des personnes et des organismes (...) dans les matières de sécurité et de sûreté (...) ".

47. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'autorisation du 11 mars 2016 doit être écarté.

S'agissant de l'accord de la zone aérienne de défense :

48. Aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " Le cas échéant, le dossier de demande mentionné à l'article 4 est complété par les pièces suivantes, lorsque le demandeur les détient : / (...) / 4° L'accord des services de la zone aérienne de défense compétente concernant la configuration de l'installation, pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) ".

49. Il résulte de l'instruction que, par un avis du 24 mars 2016, le directeur adjoint de la circulation aérienne militaire a donné, pour le ministre de la défense et l'ensemble des services relevant de son autorité, en ce comprise la zone aérienne de défense compétente, son accord sur le projet de parc éolien, " sous réserve que chaque éolienne soit équipée de balisages diurne et nocturne " dans les conditions prévues par la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de la zone aérienne de défense manque en fait et doit être écarté.

S'agissant de la consultation des conseils municipaux intéressés :

50. D'une part, aux termes de l'article R. 512-20 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Le conseil municipal de la commune où l'installation projetée doit être implantée et celui de chacune des communes mentionnées au III de l'article R. 512-14 sont appelés à donner leur avis sur la demande d'autorisation dès l'ouverture de l'enquête (...) ".

51. Aux termes du III de l'article R. 512-14 du même code : " Les communes, dans lesquelles il est procédé à l'affichage de l'avis au public prévu au II de l'article R. 123-11, sont celles concernées par les risques et inconvénients dont l'établissement peut être la source et, au moins, celles dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l'installation, inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l'installation relève ". Conformément à l'annexe 4 à l'article R. 511-9 du même code, pour un parc éolien relevant de la rubrique 2980 b) de cette nomenclature, le rayon d'affichage est de six kilomètres.

52. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ".

53. Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

54. En l'espèce, si les requérants soutiennent que les membres des conseils municipaux d'Ambleny, Chaudun, Cœuvres-et-Valsery, Montgobert, Saint-Rémy-Blanzy, Villemontoire et Villers-Hélon n'ont pas reçu de note explicative de synthèse préalablement à la tenue des séances au cours desquelles ces membres ont examiné le projet, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations, notamment aucune critique émise en ce sens par les élus concernés. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

S'agissant de la consultation de l'autorité environnementale :

Quant au cadre juridique :

55. D'une part, aux termes du paragraphe 3 de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 visée ci-dessus : " Les Etats membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en œuvre de plans et programmes ". S'agissant des projets publics et privés, le paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 visée ci-dessus dispose : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas (...) ".

56. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle " des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement ", il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

57. D'autre part, l'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ".

58. Aux termes du III de l'article R. 122-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. Lorsque le projet est situé sur plusieurs régions ou lorsqu'il appartient à un programme de travaux au sens du II de l'article L. 122-1 situé sur plusieurs régions et ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, la décision d'examen au cas par cas en application de l'article R. 122-3 ou l'avis sont rendus conjointement par les préfets de région concernés ".

59. En vertu du III de l'article R. 122-6 du code de l'environnement dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement, applicable au litige, l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 du même code, lorsqu'elle n'est ni le ministre chargé de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II du même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé.

60. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale.

61. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

Quant à la régularité de l'avis du 26 septembre 2016 :

62. Il résulte de l'instruction que les services qui ont, d'une part, préparé l'avis émis le 26 septembre 2016 par le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie en qualité d'autorité environnementale et, d'autre part, instruit la demande d'autorisation pour le compte du préfet de l'Aisne relevaient de l'autorité de la même direction régionale. Or il ne résulte pas de l'instruction que le service ayant émis cet avis du 26 septembre 2016, qui a été signé par le directeur adjoint de la DREAL, bénéficiait d'une autonomie fonctionnelle au sein de cette direction régionale. Il ne résulte notamment pas de l'instruction qu'étaient applicables à ce service les stipulations de la convention conclue entre cette direction régionale et la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) des Hauts-de-France, prévoyant qu'un service spécialement désigné au sein de la DREAL des Hauts-de-France est soumis à l'autorité fonctionnelle du président de la MRAe pour préparer les avis de l'autorité environnementale.

63. Il est vrai que, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'autorisation litigieuse n'a pas été délivrée par le préfet de département, mais par la cour elle-même dans l'exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction sans être soumise à l'autorité de la DREAL des Hauts-de-France.

64. Toutefois, lorsqu'elle a rendu son avis du 26 septembre 2016, l'autorité environnementale n'était pas consultée par la cour, mais par le préfet de l'Aisne qui a instruit la demande d'autorisation et s'est effectivement prononcé sur le projet. En outre, si la cour a délivré l'autorisation sollicitée, elle n'a pas elle-même déterminé les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enjoignant, à l'article 4 de l'arrêt attaqué, au préfet de l'Aisne de les fixer. Par un arrêté du 23 janvier 2023, préparé par la DREAL des Hauts-de-France, région ayant succédé à celle Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le préfet de l'Aisne a déterminé, au visa de l'avis du 26 septembre 2016 de l'autorité environnementale, les prescriptions assurant la protection des paysages, de l'avifaune et des chiroptères, en précisant en particulier les paramètres du plan de bridage.

65. Dès lors, eu égard à l'objet et au contenu des prescriptions ainsi ordonnées par la cour, les garanties d'autonomie dont devait bénéficier le service ayant préparé l'avis de l'autorité environnementale devaient être satisfaites tant à l'égard de la cour que du préfet de l'Aisne et de la DREAL des Hauts-de-France ayant, pour le compte de ce dernier, instruit ces prescriptions. Or, ainsi qu'il a été dit, le service ayant préparé l'avis du 26 septembre 2016 n'a pas bénéficié de telles garanties, en méconnaissance des exigences de la directive du 13 décembre 2011. Ce vice de procédure, qui est susceptible d'avoir en l'espèce nui à la parfaite information du public, entache donc d'illégalité l'autorisation attaquée.

S'agissant de la consultation du public :

Quant à la régularité du dossier d'enquête publique :

66. Aux termes de l'article 14 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " L'enquête publique est régie par les dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement et par l'article R. 512-14 du même code, sous réserve des dispositions du présent article (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. Dans le cas d'avis très volumineux, une consultation peut en être organisée par voie électronique dans les locaux de consultation du dossier (...) ".

67. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le dossier d'enquête publique comportait l'avis du 11 mars 2016 du ministre chargé de l'aviation civile, émis sur le fondement de l'article 8 du décret du 2 mai 2014 et qui s'est substitué à un précédent avis du 31 mars 2015. Le moyen tiré de l'incomplétude sur ce point du dossier d'enquête publique doit être écarté comme manquant en fait.

68. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le dossier d'enquête publique comportait un avis du 1er octobre 2013 rendu par le ministre de la défense dans le cadre d'une " préconsultation " conduite par la pétitionnaire. Si ce dossier ne contenait pas l'avis définitif émis le 24 mars 2016 par le ministre de la défense sur le fondement de l'article 8 du décret du 2 mai 2014, cet avis présentait un contenu identique à l'avis du 1er octobre 2013. Par suite, en l'absence de changement de circonstances, l'absence dans le dossier d'enquête publique de l'avis du 24 mars 2016 n'a pas en l'espèce nui à l'information du public, ni exercé une influence sur le sens de la décision prise. Le moyen tiré de l'incomplétude sur ce point du dossier d'enquête doit ainsi être écarté.

69. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le directeur de l'agence régionale de santé a émis les 8 mars et 12 août 2016 des avis sur le projet en application du III de l'article R. 122-7 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige. Toutefois, il ne résulte ni des dispositions de cet article, ni de celles précitées de l'article R. 123-8 que ces avis, qui ont été rendus à l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement mentionnée au III de l'article R. 122-6 du même code, devaient figurer dans le dossier d'enquête publique sous peine d'irrégularité de celui-ci. Dès lors, le moyen tiré de l'incomplétude sur ce point de ce dossier doit être écarté comme inopérant.

Quant au respect des exigences découlant de la convention d'Aarhus :

70. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention d'Aarhus : " Chaque partie : / a) applique les dispositions du présent article lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l'annexe I (...) ". Au vingtième paragraphe de cette annexe I est mentionnée " toute activité non visée aux paragraphes 1 à 19 ci-dessus pour laquelle la participation du public est prévue dans le cadre d'une procédure d'évaluation de l'impact sur l'environnement conformément à la législation nationale ".

71. Aux termes du troisième paragraphe de l'article 6 de la même convention : " Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public (...) et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement ". Aux termes du quatrième paragraphe du même article : " Chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ". Ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

72. Il résulte de l'instruction qu'avant le dépôt de la demande d'autorisation, qui porte sur un projet relevant du vingtième paragraphe de l'annexe I à la convention d'Aarhus, la pétitionnaire a présenté le projet au groupement d'agriculteurs " Innov'Aisne " en septembre 2013, à l'Union des syndicats agricoles de l'Aisne le 17 décembre 2014, aux habitants de Villemontoire, de Dommiers et de Longpont les 9 février 2015, 24 mars 2015 et 13 avril 2015, aux habitants de de Chouy et Chaudun lors de " permanences publiques " les 26 mai 2015, 1er juillet 2015 et 14 octobre 2015. La pétitionnaire a également organisé une " concertation ", portant notamment sur le " monument de la victoire ", avec les associations Soissonnais 14-18 et Société historique de Soissons. En complément des concertations ont été organisées de 2013 à 2015 avec les élus des communes et groupements de communes concernés.

73. En outre, au cours de l'enquête publique qui s'est déroulée du 14 novembre au 16 décembre 2016, le public a été mis à même de présenter ses observations sur le projet à un stade de la procédure où le préfet de l'Aisne ne s'était pas encore prononcé sur la demande et pouvait y apporter toute modification, y compris en édictant des prescriptions pour assurer la protection des intérêts mentionnées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction que le public n'aurait pas disposé d'informations suffisantes pour être éclairé sur la consistance et les incidences du projet. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble des consultations organisées, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention d'Aarhus doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'autorisation :

S'agissant du projet architectural :

74. Aux termes du I de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 visé ci-dessus : " Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : / 3° Le projet architectural mentionné au b de l'article R.* 431-7 du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis de construire : / (...) / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier (...). / [Ce plan de masse] indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement ".

75. Il résulte de l'instruction que la pétitionnaire a indiqué sur le plan de masse fourni dans sa demande, le tracé du réseau électrique, dit " interne ", reliant les aérogénérateurs entre eux et au poste de livraison. Elle a également précisé dans sa demande que le tracé du réseau électrique, dit " externe ", reliant le poste de livraison au réseau public de distribution d'électricité serait déterminé de manière définitive par le gestionnaire de ce réseau et qu'en l'état des recherches effectuées, le poste de livraison serait raccordé " au poste source de Soissons Notre Dame sur la commune de Courmelles à 9 kilomètres du parc ". Si les requérants soutiennent que des points de raccordement distincts devaient être prévus pour le transport, d'une part, de l'énergie électrique alimentant l'installation et, d'autre part, de celle produite par les aérogénérateurs, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations.

76. Dans ces conditions, compte tenu des informations contenues dans la demande d'autorisation et alors que le raccordement du poste de livraison au réseau public de distribution d'électricité constitue une opération distincte de la construction de l'installation, qui n'a pas été autorisée par l'arrêt attaqué, l'absence d'indication, sur le plan de masse, des modalités de raccordement du projet au réseau public de distribution d'électricité n'a pas nui à l'information du public ni exercé une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme doit être écarté.

S'agissant de l'absence de dérogation " espèces protégées " :

77. Aux termes du I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ".

78. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

79. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

80. En l'espèce, si la zone d'implantation du projet est fréquentée par des espèces de chiroptères figurant sur la liste fixée par l'arrêté 23 avril 2007, notamment la Noctule commune, la Sérotine commune et la Pipistrelle commune qui sont vulnérables à l'éolien en raison de leur altitude de vol, il résulte de l'instruction que toutes les éoliennes du projet seront implantées dans des zones à " faibles " enjeux chiroptérologiques, à l'exception de l'éolienne E3 qui sera située dans une zone à enjeux " modérés " à 150 mètres d'une lisière forestière et à 165 mètres des arbres bordant la route nationale n°2.

81. Toutefois, cette rangée d'arbres présente en cet endroit un enjeu chiroptérologique " faible ", tandis que l'éolienne E3 fera l'objet d'un plan de " bridage " qui a été fixé, sur injonction de la cour, par un arrêté du 23 janvier 2023 du préfet de l'Aisne. Cet arrêté a renforcé les paramètres du plan initialement prévu par la pétitionnaire et impose l'arrêt des aérogénérateurs entre " début mars et fin novembre ", " entre l'heure avant le coucher du soleil et l'heure après son lever ", lorsque la vitesse du vent est inférieure à 6 mètres par seconde et la température supérieure à 7°C. Si les requérants soutiennent que ces paramètres demeurent insuffisants, ils ne produisent pas d'élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations.

82. Il résulte de ce qui précède que le projet ne présente pas un risque suffisamment caractérisé d'atteinte aux chiroptères justifiant que soit sollicitée une dérogation " espèces protégées ". Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement doit ainsi être écarté.

S'agissant des incidences sur les paysages et le patrimoine :

83. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Parmi les intérêts mentionnés à cet article L. 511-1, figurent " la protection de la nature, de l'environnement et des paysages " et " la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

84. Il résulte de l'instruction que le projet, qui comporte des aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres, prend place au sud-ouest de l'unité paysagère du " plateau du Soissonnais ", légèrement ondulé et présentant un paysage très ouvert ponctuellement marqué par des bosquets. Il est implanté à proximité du massif forestier de Retz, auquel l'Office national des forêts a attribué le label " forêt d'exception ". Dans un rayon de 10 kilomètres, se trouvent plusieurs édifices protégés au titre des monuments historiques, dont l'église classée de Saint-Pierre-Aigle à 2, 8 kilomètres, l'église classée de Saconin-et-Breuil à 3, 3 kilomètres et le château inscrit de Montgobert à 5,6 kilomètres, ainsi que les sites militaires mentionnés ci-dessus.

85. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des photomontages n°1 et 17 que le parc est implanté dans un paysage agricole ne présentant pas d'intérêt particulier, de part et d'autre de la route nationale n°2, en dehors du massif forestier de Retz, à environ 150 mètres de sa lisière. Si le projet est covisible avec cette forêt depuis la " tour d'observation du général Mangin ", il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que, depuis le sommet de cette tour, le projet, situé à plus de 7 kilomètres, ne masquera pas le massif forestier et ne marquera pas de manière prégnante, en raison cet éloignement, le paysage environnant, qui est déjà marqué par une tour de télécommunications de 263 mètres de haut.

86. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment des photomontages n°19 et 20 que le projet n'est pas visible depuis le parvis de l'église classée de Saint-Pierre-Aigle et que s'il est covisible avec cet édifice depuis la route départementale n°172, il apparaît à l'écart et sans concurrencer visuellement son clocher situé au plus proche à 2,8 kilomètres. De même, il résulte de l'instruction et notamment du photomontage n°11 que, vu depuis la route conduisant à Saconin-et-Breuil, le projet ne sera que partiellement covisible avec l'église de ce village, à l'écart de cette dernière et sans la concurrencer visuellement.

87. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des photomontages n°34 et 36 que le projet sera visible depuis le parc du château de Septmonts, ou covisible avec ce monument depuis les lieux de vie de ce village. Si le projet est visible depuis la terrasse du donjon de ce château, il apparaît à l'horizon à une distance de 9 kilomètres, en arrière d'un vallon qui dissimule une partie des mâts des aérogénérateurs, tandis que les parties visibles du parc ne nuisent pas aux vues sur les édifices du village ou sur les zones boisées environnantes. En outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le projet ne portera atteinte ni au " monument de la victoire ", ni à la nécropole militaire de Vauxbuin.

88. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction et notamment des photomontages n°7 à 10 et 17 que si le projet est visible depuis les franges du village de Chaudun et les fermes de " Maison neuve " et de " Verte feuille ", il s'inscrit dans un paysage agricole qui ne présente pas d'intérêt particulier, déjà marqué en certains endroits par une ligne électrique à haute tension.

89. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 181-3 du code de l'environnement doit être écarté.

Sur la régularisation des vices entachant l'autorisation :

90. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

91. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

92. Le vice relevé au point 65 est susceptible d'être régularisé par la délivrance d'une autorisation modificative après consultation d'une autorité environnementale présentant les garanties d'autonomie requises par l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011. Pour les motifs énoncés ci-dessus, ce vice ne pourra pas être régularisé sur le fondement des règles applicables à la date de la décision attaquée. Cette régularisation pourra en revanche être effectuée par la consultation de la MRAe des Hauts-de-France, laquelle présente ces garanties d'autonomie.

93. Dans le cas où l'avis de la MRAe, qui devra être rendu en tenant compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, diffèrerait substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont le projet a fait l'objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement. Dans le cadre de cette enquête, seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact.

94. Dans le cas où l'avis de la MRAe n'apporterait aucune modification substantielle à l'avis qui avait été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont le projet a fait l'objet, l'information du public sur le nouvel avis pourra prendre la forme d'une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l'article R. 122-7 du code de l'environnement.

95. Pour permettre la régularisation de ce vice de procédure, il y a lieu de surseoir à statuer, en application du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pendant un délai de huit mois ou, si une enquête publique complémentaire doit être organisée, pendant un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt. La pétitionnaire informera la cour des diligences effectuées et, avant l'expiration du délai applicable, lui transmettra une autorisation de régularisation.

Sur la demande de suspension de l'exécution de l'autorisation :

96. Aux termes du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".

97. En l'espèce, eu égard à la nature du vice à régulariser et dès lors qu'en l'état de l'instruction, le projet ne présente pas des risques suffisamment caractérisés d'atteinte aux espèces protégées et qu'il ne présente pas non plus de risques d'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, il n'y a pas lieu de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'autorisation litigieuse.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l'association Société historique de Soissons et autres dans les conditions prévues aux points 92 à 95 du présent arrêt.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'association Société historique de Soissons et autres sur le fondement du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement sont rejetées.

Article 3 : Tous droits et conclusions des parties sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Société historique de Soissons, l'association pour la protection de l'environnement du village de Saint-Pierre-Aigle, l'association Soissonnais 14-18, Mme O... J..., M. G... C..., M. P... K..., M. D... F..., Mme H... F..., M. Q... M..., M. I... N..., M. E... A..., la société WPD Energie 21 n°16, au préfet de l'Aisne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience publique du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA00700 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00700
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BCTG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22da00700 ?
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