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20/02/2024 | FRANCE | N°23DA00941

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 20 février 2024, 23DA00941


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2205951 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Li

lle a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205951 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mai 2023, 8 août 2023 et 19 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Marion Vergnole, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa demande de titre de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ayant une dette de 27 000 dollars, elle ne pourrait faire face au coût des soins psychiatriques aux Etats-Unis, lieu où les troubles ont pris naissance ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a noué des liens amicaux en France et est isolée dans son pays d'origine, ses grands-parents étant décédés et ses parents n'acceptant pas son orientation sexuelle ;

- la décision est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle excipe de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle excipe de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle excipe de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés, et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par courrier enregistré le 18 juin 2023, Mme B... a, en application de la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.

Le dossier médical de Mme B... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 22 juin 2023 et l'OFII a présenté des observations qui ont été enregistrées le 26 juillet 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- et les observations de Me Ségolène Normand substituant Me Marion Vergnole, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante américaine née le 14 décembre 1997, est entrée en France le 17 août 2019 sous couvert d'un visa étudiant expirant le 1er août 2020. Le 22 avril 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 25 mars 2022, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par la requête susvisée, Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée. Les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation personnelle par le préfet du Nord doivent donc être écartés.

Sur le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis du collège médical de l'OFII, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis 29 juillet 2021, que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

6. Il ressort du dossier médical de Mme B... et des observations de l'OFII que l'intéressée connaît notamment des troubles liés à un stress post-traumatique sévère et un trouble panique et présente des symptômes dépressifs, ce qui nécessite un suivi psychiatrique régulier et un traitement médicamenteux, et produit plusieurs justificatifs médicaux de son état. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments produits par l'OFII, que le suivi psychiatrique et les traitements requis sont disponibles aux Etats-Unis. Si Mme B... fait valoir qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier du traitement approprié, compte tenu de son coût ainsi que de son endettement personnel, l'OFII fait valoir que la quasi-totalité de la population est couverte par des assurances maladie privées, et qu'il existe subsidiairement une couverture " Medicaid " pour les personnes ayant de faible revenus, disponible dans l'Etat de New York dont la requérante est originaire. Si Mme B... fait valoir la discrimination des personnes transgenre qui limiterait son accès aux soins, elle se borne à faire état d'éléments généraux, alors que l'OFII apporte des éléments établissant au contraire une meilleure formation des médecins à cet égard aux Etats-Unis qu'en France. Si Mme B... fait enfin valoir que ce sont des agressions subis aux Etats-Unis qui sont à l'origine d'une part de ses troubles actuels, elle n'établit pas que cette circonstance constituerait effectivement un obstacle à ce qu'elle puisse y bénéficier du traitement approprié. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait commis une erreur de droit et méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme B... est présente en France de façon régulière depuis 2019, date à laquelle elle s'est vu délivrer son premier titre de séjour en qualité d'étudiante. Si elle justifie par plusieurs attestations avoir noué des relations amicales en France, elle est célibataire, sans enfant et sans emploi. Si elle soutient être isolée dans son pays d'origine parce que ses grands-parents sont décédés et ses parents la rejettent, elle n'y est pas dépourvue d'autres attaches familiales, puisque y résident sa sœur et son frère, avec lesquels elle est régulièrement en contact et qui constituent " un très bon étayage " aux termes du compte-rendu médical du 6 janvier 2021. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions et de la durée de son séjour en France, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressée, le préfet du Nord n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour contre l'obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".

11. Comme il a été dit aux points 5 et 6, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'obligation faite à Mme B... de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme B....

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de celle fixant le pays de destination.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. D'une part, la situation médicale de Mme B..., ainsi qu'il a été dit précédemment, ne justifie pas son maintien sur le territoire français. D'autre part, si elle fait valoir qu'elle a déjà été victime d'agression sexuelle et physique dans son pays d'origine et que ses parents l'ont rejetée, elle n'apporte pas d'élément de nature à établir qu'elle fait l'objet de menaces personnelles, réelles et actuelles d'être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour aux Etats-Unis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination, sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

20. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. En l'espèce, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet a motivé expressément sa décision prise à l'encontre de Mme B... au regard des quatre critères figurant à l'article L. 612-10 précité, relevant qu'elle " est entrée récemment en France, soit en août 2019 ; qu'elle ne fait état d'aucune attache privée et familiale sur le territoire français ; qu'elle n'établit pas être dépourvue de liens privés et familiaux dans son pays d'origine ; qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi il y a lieu de prononcer à l'encontre de Mme A... B... une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an ". Le moyen tiré du défaut de motivation sera donc écarté.

21. En outre, la décision litigieuse atteste de la prise en compte par le préfet du Nord, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, de l'ensemble des critères prévus par la loi au vu de la situation de l'intéressée. Au regard de ces motifs, qui ne sont pas entachés d'inexactitude, et en l'absence de circonstances humanitaires qui justifieraient que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, le préfet du Nord a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, ni méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 612-8, prononcer à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

22. Par ailleurs, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment des motifs développés au point 8, le préfet du Nord n'a pas non plus porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Au vu de l'ensemble de la situation de Mme B..., le préfet du Nord n'a pas non plus entaché sa décision d'interdiction temporaire de retour sur le territoire d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marion Vergnole.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La première vice-présidente de la cour,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA00941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00941
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : VERGNOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23da00941 ?
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