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20/02/2024 | FRANCE | N°22DA02555

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 20 février 2024, 22DA02555


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat mixte " Artois Valorisation " (SMAV) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 février 2020 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de remboursement au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et d'enjoindre à l'Etat de lui reverser la somme de 819 251,06 euros correspondant au FCTVA au titre de son activité de collecte.



Par un jugement n° 2004101 du 11 octobre

2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 5 février 2020 du préfet du P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte " Artois Valorisation " (SMAV) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 février 2020 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de remboursement au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et d'enjoindre à l'Etat de lui reverser la somme de 819 251,06 euros correspondant au FCTVA au titre de son activité de collecte.

Par un jugement n° 2004101 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 5 février 2020 du préfet du Pas-de-Calais et a enjoint à ce préfet de procéder, dans un délai de trois mois, au versement des sommes dues dans le cadre du FCTVA au titre des investissements réels exposés dans l'intérêt de l'activité de collecte du SMAV en 2015, 2016 et 2017, déduction faite des sommes perçues par ce dernier au titre de ses droits à déduction auprès de l'administration fiscale pour les années 2016 et 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- si les activités de collecte du SMAV sont exclues du champ de la récupération à la TVA et si ses activités de traitement et de valorisation sont, elles, assujetties à la TVA, ces activités sont complémentaires et indissociables l'une de l'autre et ne relèvent pas de secteurs d'activités distincts au sens du I de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts ;

- au regard des coefficients de déduction calculés par les services fiscaux au titre des années 2015 à 2018, les activités de traitement et de valorisation des déchets ne peuvent pas être regardées comme des activités accessoires de l'activité de collecte ;

- le fait que les résultats des activités de collecte, d'une part, et de traitement et de valorisation, d'autre part, soient comptabilisés dans des comptes et budgets séparés ne suffit pas à regarder ces activités comme relevant de secteurs d'activités distincts ;

- il s'ensuit que les dépenses d'investissement engagées par le SMAV au titre de ses activités de collecte doivent être regardées comme l'ayant été au profit d'un même secteur d'activités, partiellement assujetti à la TVA, sans que les activités assujetties présentent un caractère purement accessoire ;

- ces dépenses n'étaient dès lors pas éligibles au FCTVA en application des dispositions de l'article R. 1615-2 du code général des collectivités territoriales et c'est à tort que le jugement attaqué a retenu le contraire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 août 2023 et 17 octobre 2023, le SMAV, représenté par Me Joseph Bensimon, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête d'appel et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui reverser la somme de 661 034,06 euros correspondant au FCTVA au titre de son activité de collecte.

Il fait valoir que les dépenses litigieuses n'ont été engagées que pour les seuls besoins d'une activité de collecte non assujettie à la TVA ; elles ne servent pas aux activités de traitement et de valorisation ; elles ouvrent donc droit au FCTVA ; les activités de collecte des déchets et celles de traitement et de valorisation ne peuvent être regardées comme relevant d'un même secteur d'activités ; il n'existe aucun risque de double récupération ; c'est, dès lors, à raison que le jugement attaqué a annulé la décision du 5 février 2020 du préfet du Pas-de-Calais refusant l'éligibilité des dépenses au FCTVA.

Par une lettre du 18 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période au cours de laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience et que l'instruction pourrait être close à partir du 2 novembre 2023 sans information préalable.

Une ordonnance portant clôture de l'instruction immédiate a été prise le 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte " Artois Valorisation " (SMAV) s'est vu confier par ses membres, à compter de l'année 2013, une activité de collecte des déchets ménagers, outre son activité de traitement et de valorisation des déchets qu'il exerçait déjà. Par un courrier du 15 juillet 2019, le SMAV a adressé au préfet du Pas-de-Calais un état déclaratif en vue de bénéficier du versement de la somme qu'il estimait lui être due dans le cadre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) au titre des dépenses d'investissement effectuées de 2015 à 2017 pour les besoins de son activité de collecte des déchets. Par un courrier du 5 février 2020, ce préfet a rejeté sa demande. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement n° 2004101 du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par le SMAV, a annulé cette décision et a enjoint à l'Etat de verser dans un délai de trois mois au SMAV les sommes qui lui étaient dues. Par la voie de l'appel incident, le SMAV demande, quant à lui, à la cour de réformer l'injonction prononcée par le tribunal et d'enjoindre à l'Etat de lui verser directement la somme de 661 034,06 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales comprennent les dotations ouvertes chaque année par la loi et destinées à permettre progressivement le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d'investissement ainsi que sur leurs dépenses d'entretien des bâtiments publics et de la voirie payées à compter du 1er janvier 2016 et sur leurs dépenses d'entretien des réseaux payées à compter du 1er janvier 2020. / (...) ". Aux termes de l'article R. 1615-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne figurent pas au nombre des dépenses réelles d'investissement ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les dépenses concernant les immobilisations utilisées pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, sauf si elles sont exclues du droit à déduction de cette taxe par application du 2 de l'article 273 du code général des impôts ; / (...) ". Aux termes de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l'application du droit à déduction. / Il en va de même pour les secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. / (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que pour être éligible au FCTVA, la dépense réelle d'investissement doit en principe concerner uniquement des immobilisations qui ne sont pas utilisées pour la réalisation d'opérations imposables. Toutefois, lorsque des immobilisations sont utilisées concurremment pour la réalisation d'opérations soumises et non soumises à la TVA, les dépenses d'investissement les concernant peuvent ouvrir droit aux attributions du FCTVA, dans la limite de la fraction pour laquelle la TVA n'a pas été déduite intégralement, dès lors que l'activité soumise à la TVA pour laquelle ces biens sont utilisés demeure très accessoire. Pour l'application de ces principes, une activité économique ne saurait être qualifiée d'accessoire si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la TVA est due. En outre, l'appréciation de l'éligibilité des investissements au FCTVA s'effectue dans le cadre des secteurs d'activité distincts, déterminés dans les conditions prévues à l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts. A cet égard, doivent être regardées comme relevant de secteurs d'activité distincts, des productions qui mettent en œuvre des cycles distincts d'opérations, effectués avec un personnel, des matériaux et des techniques propres à chacun d'eux.

4. En l'espèce, le préfet du Pas-de-Calais, pour opposer un refus à la demande présentée par le SMAV, a estimé que les investissements dont ce dernier se prévalait devaient être regardés comme étant utilisés pour la réalisation d'opérations soumises partiellement à la TVA et par suite inéligibles au FCTVA en application des dispositions précitées du 1° de l'article R. 1615-2 du code général des collectivités territoriales, dès lors que le SMAV exerce, outre ses activités de collecte de déchets qui ne sont en elles-mêmes pas soumises à la TVA, des activités de traitement et de valorisation qui sont, elles, soumises à TVA et qui, eu égard à l'importance des coefficients de déduction par ailleurs utilisés par les services de la direction générale des finances publiques, ne présentent pas un caractère très accessoire. Ce faisant, le préfet du Pas-de-Calais a donc estimé que les activités de collecte des déchets, d'une part, et celles de traitement et de valorisation, d'autre part, constituaient un seul et même secteur d'activité au sens et pour l'application des dispositions citées au point précédent.

5. Toutefois, si les activités de collecte des déchets et celles de traitement et de valorisation sont complémentaires l'une de l'autre, elles peuvent être exercées par des opérateurs différents, avec un personnel, des équipements et des techniques propres à chacun d'eux. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que, avant le 1er janvier 2013, la collecte des déchets ménagers dans le ressort territorial du SMAV était directement assurée par les membres constitutifs de ce syndicat mixte, lesquels bénéficiaient d'ailleurs de versements du FCTVA au titre des dépenses d'investissement engagées dans ce cadre. En outre, le SMAV fait valoir sans être utilement contredit sur ce point que, depuis qu'il a pris en charge les activités de collecte à compter du 1er janvier 2013, il y affecte des installations et moyens matériels propres, qui ne sont pas utilisés dans le cadre de l'exercice de ses autres activités de traitement et de valorisation. Les activités de collecte des déchets et celles de traitement et valorisation répondent également à un cadre réglementaire et fiscal distinct. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent le préfet du Pas-de-Calais et le ministre de l'intérieur et des outre-mer, les activités de collecte des déchets exercées par le SMAV, d'une part, et ses activités de traitement et de valorisation, d'autre part, doivent être regardées comme constituant des secteurs d'activité distincts. Par suite, l'éligibilité au FCTVA de ses dépenses d'investissement doit être examinée dans le cadre de chacun de ces secteurs d'activité.

6. En l'occurrence, il est constant, au regard notamment des états de dépenses produits par le SMAV, que les dépenses d'investissement dont il s'est prévalu dans sa demande adressée en 2019 ont été exposées dans le seul intérêt du service de collecte des déchets ménagers. Ce service est financé par la perception d'une taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères et n'est donc pas assujetti à la TVA. Il s'ensuit que les investissements litigieux ne peuvent être regardés comme étant utilisés pour la réalisation d'opérations soumises, même partiellement, à la TVA et que le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait donc refuser, pour ce motif, la demande présentée par le SMAV au titre du FCTVA. Dès lors, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 5 février 2020 du préfet du Pas-de-Calais.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'exécution du jugement attaqué implique nécessairement que le préfet du Pas-de-Calais procède au versement des sommes dues dans le cadre du FCTVA au titre des investissements réels exposés par le SMAV dans le cadre exclusif de son activité de collecte en 2015, 2016 et 2017, déduction faite des sommes perçues par le même syndicat au titre de ses droits à déduction pour les années 2016 et 2017 auprès de l'administration fiscale. En revanche, les éléments produits par le SMAV, en première instance comme en appel, ne permettent pas de déterminer de manière certaine le montant de la somme due, le SMAV ayant lui-même produit des estimations fluctuantes au cours de la procédure. Dès lors, les premiers juges ont à raison renvoyé à cet effet le SMAV devant le préfet du Pas-de-Calais et il n'y a pas lieu pour la cour de réformer l'injonction qu'ils ont prononcée. Les conclusions incidentes présentées en ce sens par le SMAV doivent, par suite, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du SMAV sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au syndicat mixte " Artois Valorisation ".

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa première vice-présidente de la cour,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA02555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02555
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CABINET ALTRA CONSULTING

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22da02555 ?
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