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15/02/2024 | FRANCE | N°23DA00801

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23DA00801


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023 et un mémoire enregistré le 26 octobre 2023, la société Parc éolien du Balinot, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise et le préfet de la Somme ont rejeté sa demande d'autorisation environnementale portant sur l'implantation et l'exploitation de six éoliennes et deux postes de livraison ;



2°) de délivrer l'autori

sation environnementale sollicitée ;



3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux préfets de la Somme et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023 et un mémoire enregistré le 26 octobre 2023, la société Parc éolien du Balinot, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise et le préfet de la Somme ont rejeté sa demande d'autorisation environnementale portant sur l'implantation et l'exploitation de six éoliennes et deux postes de livraison ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux préfets de la Somme et de l'Oise de délivrer l'autorisation sollicitée, ou à titre infiniment subsidiaire de réexaminer la demande d'autorisation sollicitée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le projet ne porte pas atteinte aux paysages et aux sites et monuments, ni à la commodité du voisinage.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2023, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés et que le projet porte également atteinte à l'église de Tricot, à celle de Ravenel, ainsi qu'aux monuments historiques de Montdidier et à la commodité du voisinage, notamment au Frestoy-Vaux, à Rubescourt et à Assainvillers. Il soutient au surplus que le projet porte atteinte aux chiroptères.

Par un mémoire en défense et des pièces enregistrées le 8 décembre 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Elle reprend les moyens développés par le préfet de la Somme.

Des pièces produites par le préfet de la Somme, le 12 décembre 2023 ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 23 avril 2018 relatif à la réalisation du balisage des obstacles à la navigation aérienne

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Alexandra Rochard, représentant la société Parc éolien du Balinot et de M. B... A... représentant le préfet de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La société Parc éolien du Balinot a déposé, le 21 novembre 2018, une demande d'autorisation environnementale en vue de construire et d'exploiter six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes du Frestoy-Vaux et de Rubescourt. Par un arrêté du 6 mars 2023, les préfets de la Somme et de l'Oise ont refusé de délivrer cette autorisation. La société Parc éolien du Balinot demande l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté du 6 mars 2023 :

2. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. S'il ne mentionne pas depuis quels points de vue l'atteinte aux sites et monuments qui justifie le refus est significative, il permet néanmoins au pétitionnaire de comprendre les motifs de refus en détaillant en vingt-six points les éléments explicatifs de celui-ci. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

3. D'une part, aux termes de l'article L 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation environnementale, l'autorité préfectorale est tenue, sous le contrôle du juge, de délivrer l'autorisation sollicitée si les dangers ou inconvénients que présente cette installation peuvent être prévenus par les prescriptions particulières spécifiées par un arrêté d'autorisation.

4. L'arrêté du 6 mars 2023 a pour seul motif l'atteinte que porterait le projet à l'abbaye de Saint-Martin-aux-Bois ainsi qu'aux sites de la bataille de Matz.

5. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage ou à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

S'agissant de la qualité du site d'implantation du projet :

6. Le projet se situe sur le plateau picard offrant de larges vues sur un paysage agricole de cultures ouvertes de plein champ et comprenant de légers vallonnements. L'étude paysagère fait valoir que la zone d'implantation du projet comme l'aire d'étude rapprochée ne comprennent aucun paysage remarquable identifié dans l'inventaire des paysages de la Somme. De même les communes de Rubescourt et du Frestoy-Vaux n'ont aucune sensibilité notable à l'éolien d'après la cartographie établie par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France. Si ces documents n'ont aucune valeur normative, ils permettent d'identifier les enjeux territoriaux préalablement à l'étude d'un projet. L'étude paysagère souligne également que le projet apparaîtra dans le paysage environnant " avec une hauteur apparente peu significative et non pas en position de belvédère ". Dans ces conditions, le site qui ne fait l'objet d'aucune protection, ne présente pas d'intérêt paysager particulier.

S'agissant de l'atteinte à l'abbaye de Saint-Martin-aux-Bois :

7. L'abbaye de Saint-Martin-aux-Bois est classée monument historique depuis 1840 et constitue le centre d'un site patrimonial remarquable au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine. Toutefois, le projet est situé à près de 9 kilomètres de l'abbaye. Depuis le monument, le projet n'est pas visible compte tenu des murs qui l'entourent et des masques végétaux. Si le projet est covisible avec le monument, son éloignement, l'écrin végétal dans lequel se situe le monument, la présence d'autres parcs éoliens également distants et la présence plus rapprochée d'une ligne électrique haute tension rendent l'atteinte du projet peu significative comme le démontrent tant les photomontages réalisés dans le cadre de l'étude paysagère que celui annexé au rapport de l'inspection des installations classées qui donnait d'ailleurs un avis favorable à l'autorisation du projet.

8. Par ailleurs, le balisage des éoliennes est imposé par l'arrêté du 23 avril 2018 relatif à la réalisation du balisage des obstacles à la navigation aérienne pour des motifs de sécurité aérienne et il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de l'éloignement du projet par rapport au monument ainsi que de la synchronisation du balisage que celui-ci porte atteinte, comme le soutient l'arrêté, à la " belle sérénité nocturne de l'abbaye " et comme le font valoir à nouveau les préfets de la Somme et de l'Oise en défense, ni d'ailleurs à la tranquillité des habitants situés alentour.

9. Dans ces conditions, les préfets de l'Oise et de la Somme ne sont pas fondés à rejeter la demande au motif que le parc éolien, constituant selon les termes de l'arrêté en cause, une " armée de cotons tiges géants à tête lumineuse clignotante ", porte atteinte au monument et au site de Saint-Martin-aux-Bois.

S'agissant de l'atteinte aux lieux mémoriels associés à la bataille de Matz (juin 1918) :

10. L'arrêté ne précise pas les sites où le projet porterait une atteinte aux lieux de mémoire de la première guerre mondiale. Il résulte de l'étude paysagère que les éoliennes apparaissent peu visibles depuis la nécropole nationale de Méry-la-Bataille, située à environ 6 kilomètres du projet. L'étude qualifie l'impact du projet, qui vient s'implanter dans le prolongement de parcs éoliens existants, hors de l'axe principal du site, de faible tant depuis ce cimetière qu'en direction de celui-ci. Le cimetière militaire allemand de Dompierre et la nécropole nationale de Dompierre sont situés à plus de 3 kilomètres du projet et sont insérés dans un environnement très boisé qui masque le projet. Il s'ensuit que les préfets de l'Oise et de la Somme ne sont pas non plus fondés à rejeter la demande de la société Parc éolien du Balinot au motif que ce projet porterait atteinte aux lieux de mémoire de la première guerre mondiale.

En ce qui concerne les autres motifs invoqués en défense :

11. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. La seule communication du mémoire faisant valoir un autre motif que celui ayant initialement fondé la décision en litige met à même la partie adverse de présenter ses observations sur la substitution de cet autre motif au motif initial. Il appartient alors au juge, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

12. Dans leurs mémoires en défense, les préfets de la Somme et de l'Oise évoquent l'atteinte à d'autres monuments que ceux mentionnés dans l'arrêté du 6 mars 2023 et demandent également que les motifs de l'atteinte à la commodité du voisinage et de l'atteinte aux chiroptères soient substitués au motif de l'atteinte aux monuments et aux sites.

S'agissant de l'atteinte aux autres monuments :

13. En premier, lieu, le préfet de la Somme soutient en défense que le projet porte atteinte à l'église de Tricot dont le chœur et le transept sont classés au titre des monuments historiques. Il résulte toutefois de l'étude paysagère que le projet n'est pas visible depuis ce monument. Si en revanche, le projet est visible depuis le sud de Tricot, en arrière-plan du bourg et de l'église, il est situé à plus de 5 kilomètres du monument. D'autres éoliennes apparaissent également en arrière-plan et d'autres éléments anthropiques tels un château d'eau ou une ligne électrique composent ce paysage. L'étude paysagère conclut à un impact modéré du projet. Dans ces conditions, l'atteinte à l'église de Tricot n'apparaît pas significative.

14. En deuxième lieu, l'église de Ravenel, également classée monument historique est située à 11,8 kilomètres du projet. A cette distance, l'atteinte portée au monument n'apparaît pas significative même si le préfet fait valoir que, depuis le sud-ouest du village, le clocher apparaît avec en arrière-plan, une ligne d'éoliennes dont celles du projet. L'étude d'impact conclut d'ailleurs à un impact modéré. Dans ces conditions, l'atteinte à l'église de Ravenel n'apparaît pas significative.

15. En troisième lieu, si certaines des éoliennes du projet sont visibles depuis l'église Saint-Sépulcre de Montdidier et si l'éolienne E3 est également visible depuis l'église Saint-Pierre de la même ville, elles sont situées à 4,6 kilomètres de ces monuments pour la plus proche d'entre elles. Au surplus, d'autres parcs éoliens sont également visibles depuis l'église Saint-Sépulcre. Par ailleurs depuis les vues sur Montdidier, le projet est certes visible comme d'autres parcs éoliens mais il ne vient nullement concurrencer les clochers de ces églises et de l'hôtel de ville qui constituent la silhouette caractéristique de cette ville.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme n'est pas fondé à soutenir que la demande de la société Parc éolien du Balinot devait être rejetée en raison de son atteinte aux monuments protégés.

S'agissant de la commodité du voisinage :

17. L'aire d'étude du projet comporte 15 parcs construits, 3 autorisés et 7 en cours d'instruction. Il en résulte une grande sensibilité à l'éolien des lieux de vie situés à proximité du projet. Le projet réduit l'angle de respiration maximum qui passe de 134° à 106° à Rubescourt, de 136 à 127° au Frestoy-Vaux et reste inchangé à 145° à Assainvillers. Le projet augmente également l'indice d'occupation des horizons qui atteint 128,5° à Rubescourt contre 56° auparavant, 115° au Frestoy-Vaux contre 104° et 122,5° contre 106° à Assainvillers. Toutefois, ces indices théoriques doivent être confirmés par une analyse concrète prenant en compte la configuration particulière des lieux et les obstacles visuels localement implantés, tels la végétation ou le bâti, qui sont susceptibles de réduire les effets de saturation effectivement subis.

18. En premier lieu, si le projet n'est pas visible depuis le centre des parties habitées de la commune de Rubescourt, étant totalement masqué par le bâti et si sa grande visibilité en sortie sud est compensée par le caractère très ouvert et plat du paysage et par la mesure de réduction proposée consistant en des plantations de haies, les éoliennes E2 et E5 sont extrêmement visibles depuis l'entrée ouest de cette commune, l'éolienne E2 surplombant le clocher de l'église et l'éolienne E5 en arrière-plan de celui-ci, ayant le même rapport d'échelle que ce clocher. L'étude paysagère conclut d'ailleurs à un impact fort depuis ce point de vue.

19. En deuxième lieu, si le projet est également très visible depuis les franges sud du Frestoy-Vaux, le motif éolien est déjà présent depuis ce point de vue, les parcs existants étant même plus proches de l'église et l'importance de ce motif vient s'inscrire en arrière-plan d'un paysage de culture de plein champ qui ne comprend pas d'élément remarquable. Par suite, même si l'étude paysagère conclut à un impact très fort, ce point de vue ne caractérise pas une atteinte significative à la commodité du voisinage. En revanche, depuis les franges Est des parties habitées, l'éolienne E6 vient dominer un paysage constitué par une allée d'arbres reliant la mairie à l'église sur un horizon dépourvu de toute autre éolienne. Si l'éolienne E4 est également visible depuis ce point de vue, elle est très largement masquée par des éléments boisés. Enfin, si l'ensemble du parc est également visible en se plaçant sur la gauche de la perspective constituée par la double allée d'arbres reliant la mairie à l'église, il n'est pas visible depuis le parvis au milieu de cette perspective qui fixe le regard. Toutefois, la prégnance de l'éolienne E6, à proximité de lieux de vie, dans un environnement marqué par l'importance du motif éolien, constitue une atteinte significative à la commodité du voisinage, qui justifie le refus de cet aérogénérateur.

20. En troisième lieu, si le projet est très visible depuis les sorties sud et est d'Assainvillers, il s'inscrit dans un paysage de plateau ouvert qui ne présente pas de caractère particulier. Si le projet apparaît également depuis le point de vue à l'est du village, dominer l'habitat isolé constitué par la ferme du moulin, il est nettement en arrière-plan par rapport à celle-ci dont les abords immédiats sont protégés par un écrin boisé.

21. Il résulte de tout ce qui précède que compte-tenu de leur forte visibilité à proximité des lieux habités ou dans des perspectives caractéristiques de ces lieux et de la forte occupation théorique des horizons encore renforcée par le projet, les éoliennes E2, E5 et E6 portent une atteinte significative à la commodité du voisinage à Rubescourt et au Frestoy-Vaux. La substitution de ce motif de refus est donc justifiée partiellement, pour ces trois éoliennes.

S'agissant de l'atteinte aux chiroptères :

22. Si le bois du Balinot se situe au milieu de la zone d'implantation du projet, il résulte de l'étude d'impact que parmi les cinq variantes étudiées, celle retenue implante les éoliennes dans des secteurs à enjeux faibles et à risque de mortalité faible pour les chiroptères. Si l'éolienne E5 est à 164 mètres en bout de pale d'un boisement et l'éolienne E1 à 165 mètres, l'étude d'impact conclut à un risque de collision faible à modéré pour ces deux éoliennes. Par ailleurs, la société pétitionnaire propose des mesures de réduction du risque notamment par la mise en place d'un plan de bridage, trente minutes avant le coucher du soleil et jusqu'à trente minutes après le lever de soleil entre mi-avril et mi-octobre. Ces mesures permettent d'atteindre un niveau d'impact faible pour les éoliennes E1 et E5 pour les deux espèces susceptibles d'être mises en danger par ces machines, la pipistrelle commune et la sérotine commune. Les préfets de la Somme et de l'Oise ne sont donc pas fondés à demander que le motif de l'atteinte aux chiroptères soit substitué à celui retenu par l'arrêté du 6 mars 2023.

23. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 6 mars 2023 doit être annulé en tant qu'il refuse d'autoriser la construction et l'exploitation des éoliennes E1, E3 et E4.

Sur la délivrance de l'autorisation et l'injonction :

24. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation soumise à autorisation environnementale en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

25. Aucun autre motif que ceux écartés précédemment n'étant invoqué et eu égard aux motifs d'annulation retenus au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale relative à la construction et l'exploitation des aérogénérateurs E1, E3 et E4 sur le territoire des communes de Rubescourt et du Frestoy-Vaux, d'autre part, en la renvoyant devant les préfets de la Somme et de l'Oise pour que soient fixées les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enfin, en enjoignant à l'autorité administrative de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

26. En vue de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire de l'autorisation et l'information des tiers, il est enjoint aux maires de Rubescourt et du Frestoy-Vaux et aux préfets de la Somme et de l'Oise de procéder dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt aux mesures de publicité prescrites par l'article R.181-44 du code de l'environnement, à savoir un affichage du présent arrêt dans les mairies de Rubescourt et du Frestoy-Vaux pendant une durée minimum d'un mois, une publication sur le site internet des services de l'Etat du département de la Somme et du département de l'Oise pendant une durée minimale de quatre mois et un envoi de l'arrêt par les préfets aux conseils municipaux et aux autorités locales qui ont été consultées.

Sur les frais liés à l'instance :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Parc éolien du Balinot sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 6 mars 2023 des préfets de la Somme et de l'Oise est annulé en tant qu'il refuse d'autoriser les éoliennes E1, E3 et E4.

Article 2 : L'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation des éoliennes E1, E3 et E4 sur le territoire des communes de Rubescourt et du Frestoy-Vaux est accordée à la société Parc éolien du Balinot.

Article 3 : La société Parc éolien du Balinot est renvoyée devant les préfets de la Somme et de l'Oise pour que soient fixées les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Article 4 : Il est enjoint aux préfets de la Somme et de l'Oise de fixer les prescriptions mentionnées à l'article 3 dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Les préfets de la Somme et de l'Oise et les maires de Rubescourt et du Frestoy-Vaux procèderont aux mesures de publicité prévues à l'article R.181-44 du code de l'environnement dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Parc éolien du Balinot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien du Balinot, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et aux préfets de la Somme et de l'Oise.

Copie en sera adressée aux communes de Rubescourt et du Frestoy-Vaux

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur

Signé : D. PerrinLa présidente de 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et aux préfets de la Somme et de l'Oise, chacun en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00801 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00801
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23da00801 ?
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