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15/02/2024 | FRANCE | N°23DA00006

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23DA00006


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et la SELARL Geodia Conseils ont demandé au tribunal administratif de Rouen :



1°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 19 mars 2020 par lequel le maire de Vernon a décidé que le terrain de M. A... ne pouvait faire l'objet d'une division en vue de la création d'un lot à bâtir, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux adressé le 18 juin 2020 ;



2°) d'enjoindre au maire de Vernon de leur dé

livrer un certificat d'urbanisme opérationnel positif ou, subsidiairement, d'instruire à nouveau la demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et la SELARL Geodia Conseils ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 19 mars 2020 par lequel le maire de Vernon a décidé que le terrain de M. A... ne pouvait faire l'objet d'une division en vue de la création d'un lot à bâtir, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux adressé le 18 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre au maire de Vernon de leur délivrer un certificat d'urbanisme opérationnel positif ou, subsidiairement, d'instruire à nouveau la demande.

Par un jugement n° 2004051 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à leur demande, annulé le certificat d'urbanisme négatif du 19 mars 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux adressé le 18 juin 2020 et enjoint à la commune de réexaminer la demande de M. A... et de la SELARL Geodia Conseils.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023 et des mémoires enregistrés les 19 et 27 janvier 2023 et 28 septembre 2023, la commune de Vernon, représentée par le cabinet Richer et associés droit public, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... A... et de la SELARL Geodia Conseils ;

3°) de mettre à la charge de M. B... A... et de la SELARL Geodia Conseils la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité : en premier lieu, il méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure et le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une part, en tenant compte de la note en délibéré produite par M. B... A... et la SELARL Geodia Conseils, sans la lui avoir communiquée, d'autre part, en n'ayant pas tenu compte de sa propre note en délibéré ; en second lieu, il est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- l'arrêté en litige est légal : il est d'abord suffisamment motivé en fait et en droit ; ensuite, compte tenu de l'atteinte que porterait le projet aux espaces verts avoisinants, la commune ne pouvait que refuser le certificat d'urbanisme en application des articles UD 1.1 et UD 13.4 du PLU.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, M. B... A... et la SELARL Geodia Conseils, représentés par Me Quentin André, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Vernon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est propriétaire d'un terrain situé 40 rue Sainte Catherine à Vernon, cadastré section AW nos 108 et 282, d'une superficie de 1 135 m². Le 14 janvier 2020, la SELARL Geodia Conseils a déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel auprès des services de la commune en vue de la création d'un lot à bâtir sur ce terrain. Par un certificat d'urbanisme du 19 mars 2020, le maire de Vernon a déclaré l'opération projetée non réalisable. M. A... et la SELARL Geodia Conseils ont demandé l'annulation de ce certificat d'urbanisme opérationnel négatif ainsi que de la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé le 18 juin 2020. Par un jugement du 10 novembre 2022 rendu sous le n° 2004051, dont la commune de Vernon interjette appel, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à leur demande, annulé le certificat d'urbanisme négatif du 19 mars 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux adressé le 18 juin 2020 et enjoint à la commune de réexaminer la demande de M. A... et de la SELARL Geodia.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la commune de Vernon fait grief au jugement attaqué d'avoir visé une note en délibéré produite le 21 octobre 2022 par M. B... A... et la SELARL Geodia Conseils, sans la lui avoir communiquée, et de ne pas avoir fait mention de la note en délibéré qu'elle-même a produite à cette date, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et du respect de son droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. B... A... et la SELARL Geodia n'ont transmis aucune note en délibéré au tribunal administratif de Rouen mais que la commune de Vernon en a fait parvenir une à la date du 21 octobre 2022, qui n'a pas été communiquée.

4. D'une part, en imputant à une autre partie l'origine de la note en délibéré qu'il a visée, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur qui présente un caractère matériel, nonobstant l'absence de mise en œuvre de la procédure de rectification d'erreur matérielle, et qui n'a, en tout état de cause, pas eu d'influence sur la régularité du jugement.

5. D'autre part, dès lors que le tribunal n'entendait pas soumettre au débat contradictoire la note en délibéré produite par la commune - qui ne comportait aucune circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge n'aurait pu ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni aucune circonstance de droit nouvelle ou que le juge aurait dû relever d'office -, il n'avait pas à en analyser le contenu, ni à la communiquer aux autres parties.

6. La commune de Vernon n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure et son droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus.

7. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'auraient commise les premiers juges en ce qui concerne le caractère naturel de la parcelle d'assiette du projet relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif de Rouen :

S'agissant du moyen tiré du défaut de motivation :

8. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. (...) ". Aux termes de l'article R. 410-14 de ce code : " Dans les cas prévus au b de l'article L. 410-1, lorsque la décision indique que le terrain ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, ou lorsqu'elle est assortie de prescriptions, elle doit être motivée. ".

9. Le certificat d'urbanisme opérationnel attaqué précise que les dispositions d'urbanisme applicables au terrain sont celles issues du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme (PLU) de Vernon approuvé le 21 octobre 2016, mentionne le droit de préemption urbain simple et les servitudes d'utilité publique qui s'y exercent et indique les équipements publics existants, les taxes et contributions éventuellement dues ainsi que les observations et prescriptions particulières émises par les collectivités, établissements publics et services gestionnaires des réseaux. Il indique que le terrain ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée, au motif que " le projet s'inscrit dans un îlot urbain où les jardins et espaces boisés situés à l'arrière des maisons d'habitation de la rue Sainte Catherine composent, en partie centrale de l'îlot, un vaste ensemble d'espaces verts. La création d'un lot à bâtir à l'arrière de la parcelle située au 40, rue Sainte Catherine aurait pour conséquence de porter atteinte à cet ensemble d'espace vert, qui constitue un élément essentiel de l'environnement paysager existant ". Cependant, ces mentions ne permettent pas d'identifier précisément la ou les dispositions du règlement du PLU dont le maire a fait application, ni de comprendre qu'il faisait référence à l'article UD 1.1 de ce règlement. Dans ces conditions, le certificat d'urbanisme ne répond pas aux exigences de motivation en droit imposées par les dispositions précitées de l'article R. 410-14 du code de l'urbanisme.

S'agissant de la substitution de motifs demandée par la commune de Vernon en première instance :

10. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. En affirmant que la méconnaissance de l'article UD 1.1 du PLU sert de fondement au certificat d'urbanisme litigieux, la commune doit être regardée comme ayant demandé en première instance une substitution de motifs.

12. Aux termes de l'article UD 1.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Vernon : " Sont interdits : / 1.1 Les constructions et établissements qui sont de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants. ". Ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, la légalité de la décision attaquée doit être appréciée par rapport à ces dispositions du PLU, le juge exerçant alors un contrôle normal sur le respect de ces dispositions. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère des lieux avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte au caractère des lieux de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité des lieux sur lesquels la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ceux-ci.

13. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet est située en zone UD du PLU, constituée de " tissu résidentiel à dominante pavillonnaire ", comportant des " quartiers peu denses, très aérés ", mais à l'écart de la " trame verte " que les auteurs du PLU ont instaurée pour les préserver. Cette parcelle et celles qui la jouxtent ne bénéficient pas d'une protection particulière dans le PLU qui n'a pas identifié le " vaste ensemble d'espaces verts " visé par le certificat d'urbanisme parmi les éléments du paysage ou les secteurs à protéger au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. En se bornant à faire valoir que les jardins et espaces boisés situés à l'arrière des maisons d'habitation de la rue Sainte Catherine constituent un élément essentiel de l'environnement paysager existant et à joindre des photographies démontrant que la parcelle d'assiette du projet et les parcelles voisines disposent d'arbres et d'un jardin, la commune ne justifie pas en quoi le projet serait de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants. Il suit de là que l'article UD 1.1 du règlement du PLU n'est pas de nature à fonder le certificat d'urbanisme négatif attaqué. La demande de substitution de motif ne saurait donc être accueillie.

En ce qui concerne la substitution de motifs demandée par la commune de Vernon en appel :

14. En affirmant que le projet méconnaît les dispositions de l'article UD 13.4 du PLU, la commune doit être regardée comme demandant en appel une nouvelle substitution de motifs.

15. Aux termes de l'article UD 13.4 du règlement du PLU de Vernon : " Les plantations existantes doivent être maintenues en bon état de conservation. Cependant, l'abattage d'arbres est autorisé s'il est indispensable à l'implantation des constructions ou à l'établissement d'un accès. Tout abattage d'arbre doit donner lieu à une compensation sur le terrain à raison d'un arbre planté pour un arbre abattu. L'arbre planté sera, à terme, de même gabarit que l'arbre abattu. Les aires de stationnement ouvertes au public doivent être plantées à raison d'un arbre pour cinq places. (...) ".

16. En se bornant à faire valoir que les jardins et espaces boisés situés à l'arrière des maisons d'habitation de la rue Sainte Catherine constituent un élément essentiel de l'environnement paysager existant et à joindre des photographies démontrant que la parcelle d'assiette du projet et les parcelles voisines disposent d'arbres et d'un jardin, la commune ne justifie pas en quoi le projet ne permettrait pas de respecter les dispositions de l'article UD 13.4 du PLU. La demande de substitution de motifs présentée en appel ne saurait donc être accueillie.

17. Il résulte de ce qui précède que la commune de Vernon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 19 mars 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux adressé le 18 juin 2020 et a enjoint à la commune de réexaminer la demande de M. A... et de la SELARL Geodia Conseils.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Vernon, qui est la partie perdante à la présente instance, voie accueillies ses conclusions en remboursement de ses frais d'instance.

19. Il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge de la commune de Vernon la somme de 1 000 euros à verser à M. B... A... et à la SELARL Geodia Conseils au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Vernon est rejetée.

Article 2 : La commune de Vernon versera à M. B... A... et à la SELARL Geodia Conseils la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Vernon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vernon, à M. B... A... et à la SELARL Geodia Conseils.

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00006 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00006
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET RICHER ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23da00006 ?
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