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15/02/2024 | FRANCE | N°22DA02499

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 22DA02499


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la délibération du 21 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Retz-en-Valois a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, ensemble la décision rejetant son recours gracieux, et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe en zone agricole l'intégralité de la parcelle cadastrée ZE 41 à Dommiers.



Par un jugement

n°2004005 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a sursis à statuer pendant un délai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la délibération du 21 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Retz-en-Valois a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, ensemble la décision rejetant son recours gracieux, et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe en zone agricole l'intégralité de la parcelle cadastrée ZE 41 à Dommiers.

Par un jugement n°2004005 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a sursis à statuer pendant un délai de six mois en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme afin que soit régularisé le vice de procédure tiré de l'insuffisance du dossier d'enquête publique.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Bertrand Rabourdin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2022 ;

2°) d'annuler cette délibération du 21 février 2020 en tant qu'elle classe en zone agricole la parcelle cadastrée ZE 41 à Dommiers ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Retz-en-Valois la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport de présentation est entaché d'insuffisances sur la délimitation des zones agricoles ;

- le règlement en tant qu'il classe en zone agricole la parcelle ZE 41 n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le règlement en tant qu'il classe en zone agricole la parcelle ZE 41 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2023, la communauté de communes Retz-en-Valois, représentée par Me Charlie Zerna, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 novembre 2023, l'instruction a été close avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Charlie Zerna, représentant la communauté de communes Retz-en-Valois.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 21 février 2020, le conseil de la communauté de communes Retz-en-Valois a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. Saisi par M. B..., le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement du 4 octobre 2022, sursis à statuer pendant un délai de six mois en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme afin que soit régularisé le vice de procédure tiré de l'insuffisance du dossier d'enquête publique. M. B... interjette appel de ce jugement.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration (...) de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / (...) / 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'avant de faire usage du pouvoir qu'il tient de l'article L. 600-9 et de surseoir à statuer pour permettre la régularisation éventuelle d'un vice entachant la légalité d'un plan local d'urbanisme, il appartient au juge de constater qu'aucun des autres moyens soulevés n'est fondé et d'indiquer, dans le jugement avant-dire droit par lequel il sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi, pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.

4. L'auteur du recours contre le plan local d'urbanisme peut contester devant le juge d'appel ce jugement avant-dire droit en tant qu'il écarte comme non-fondés certains de ses moyens et également en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Toutefois, à compter de la délibération régularisant le vice relevé, les conclusions dirigées contre le jugement avant-dire droit en tant qu'il met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme sont privées d'objet.

5. L'auteur du recours contre le plan local d'urbanisme peut également contester devant le juge d'appel le bien-fondé de ce jugement avant dire droit en invoquant, contre la délibération ayant approuvé ce plan, des moyens nouveaux, différents de ceux soulevés devant les premiers juges, à la condition, sauf s'ils sont d'ordre public, que ces moyens se rattachent à une cause juridique invoquée en première instance et devant le juge d'appel avant l'expiration du délai d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement avant dire droit :

En ce qui concerne le rapport de présentation :

6. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir (...) le règlement (...) ". Aux termes de l'article R. 151-2 du même code : " Le rapport de présentation comporte les justifications de : / (...) / 4° La délimitation des zones prévues par l'article L. 151-9 (...) ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones (...) agricoles et forestières à protéger (...) ". Aux termes de l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

7. En l'espèce, le rapport de présentation indique, en son point 2.8.4.1, que les zones agricoles " regroupent des zones aujourd'hui cultivées ou dont la qualité agronomique des sols est à valoriser " et qu'elles " accueillent également le bâti agricole ayant vocation à se développer ". Le même rapport précise que ces zones " occupent plus de 75% du territoire avec plus de 30 000 hectares et sont donc majoritaires sur le territoire de la communauté de communes " et qu'elles ont été délimitées en tenant compte des objectifs, notamment énoncés dans le projet d'aménagement et de développement durables, de préservation des espaces agricoles, de protection de leur " fonctionnalité économique " et de limitation de l'étalement urbain.

8. Ces éléments, qui ne se bornent pas à rappeler les dispositions précitées de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme, justifient avec une précision suffisante les critères de délimitation des zones agricoles sur le territoire de la communauté de communes Retz-en-Valois. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les auteurs du plan local d'urbanisme n'étaient pas tenus de justifier dans le rapport de présentation le classement zonal de chaque parcelle du territoire et il ne ressort pas des pièces du dossier que, par son objet ou ses effets, le classement de la parcelle litigieuse aurait dû faire l'objet d'une mention particulière dans le rapport de présentation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de ce rapport doit être écarté.

En ce qui concerne la cohérence avec le projet de d'aménagement et de développement durables :

9. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

10. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision.

11. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables définit quatre orientations principales, à savoir " consolider l'attractivité du territoire en respectant son armature naturelle ", " agir sur la qualité urbaine, en s'appuyant sur le patrimoine local et en renforçant les équipements ", " concevoir un habitat de qualité et qui réponde aux besoins en logements d'une intercommunalité multipolarisée ", " poursuivre le développement d'une offre de déplacements, en cohérence avec l'objectif de développement durable du territoire ".

13. Au titre de la première orientation, le projet fixe comme objectif de " modérer la consommation de l'espace " en limitant, en dehors de Villers-Cotterêts, " les extensions urbaines à destination d'habitat à environ 20 hectares pour la construction d'environ 300 logements " et " les extensions urbaines à destinations d'activité à environ 16 hectares ". Au titre de la même orientation, le projet prévoit de " maintenir l'emprise des espaces agricoles " et de " prendre en compte les continuités des espaces agricoles ". En outre, au titre de la troisième orientation, le projet fixe comme objectif de " prioriser le développement dans l'enveloppe urbaine ", en " mobilisant les dents creuses et divisions parcellaires à hauteur d'environ 113 hectares " hors de Villers-Cotterêts. A cet égard, le projet définit, au sein de " l'armature territoriale ", des " pôles relais " où une " croissance modérée " de la population est recherchée.

14. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée ZE 41 à Dommiers, d'une superficie de près de 36 hectares, consiste en des terrains agricoles cultivés et non bâtis à la date de la délibération attaquée, s'ouvrant au nord et à l'ouest sur d'autres vastes parcelles agricoles. Il est vrai que la parcelle litigieuse est bordée au sud-est par un ensemble de trois habitations individuelles édifiées le long de la rue de la Fontaine des Hutins et que, sur l'alignement opposé de cette voie, d'autres habitations du même type sont implantées. Toutefois, l'ensemble de ces constructions sont situées à la périphérie du centre urbain de ce village dans une zone présentant une faible densité urbaine. Si d'autres habitations sont implantées le long de la même voie plus à l'est, celles-ci sont entourées de vastes jardins et n'appartiennent pas au centre urbain.

15. Par suite, eu égard à la localisation et à la consistance de la parcelle litigieuse, les auteurs du règlement du plan local d'urbanisme ont entendu, en la classant en zone agricole, préserver des terres agricoles et donner la priorité au développement urbain de Dommiers au sein de l'enveloppe urbaine existante. Il ressort en outre des pièces du dossier que ce classement en zone agricole ne fera pas obstacle au développement urbain de ce village, qui, en tant que " pôle relais ", doit rester " modéré " et sera assuré par la création au nord-est d'une zone 1AU-A5 destinée à accueillir 18 logements dans le cadre d'une opération d'aménagement et de programmation. Dans ces conditions, le classement de la parcelle litigieuse en zone agricole est cohérent avec les objectifs, pris globalement, du projet d'aménagement et de développement durables. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne le classement de la parcelle cadastrée ZE 41 à Dommiers :

16. Ainsi qu'il a été dit, la parcelle cadastrée ZE 41 à Dommiers, d'une superficie de près 36 hectares, consiste en des terres agricoles cultivées. Il est vrai que, sur une photographie aérienne datée de 1956, deux constructions modestes et à l'affectation indéterminée étaient édifiées sur cette parcelle à proximité de la rue de la Fontaine des Hutins et que, sur une autre photographie aérienne, datée de 2005, une unique construction, également modeste et sans usage déterminé, était située sur le même emplacement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, depuis au moins 2009, la parcelle litigieuse ne supporte plus de construction.

17. En outre, si la parcelle cadastrée ZE 41 est desservie par les réseaux, elle n'est bordée que sur une partie de sa limite est par un groupe de trois habitations individuelles, tandis qu'elle s'ouvre au nord et à l'ouest sur de vastes parcelles agricoles. Si quelques habitations sont également implantées sur l'alignement opposé de la rue de la Fontaine des Hutins, celles-ci sont, dans ce tronçon de cette voie, peu nombreuses et ne constituent pas un tissu urbain dense. Dans ces conditions et en cohérence avec les objectifs précités du projet de développement et d'aménagement durables, les auteurs du plan local d'urbanisme ont pu classer, sans erreur manifeste d'appréciation, la parcelle litigieuse dans son intégralité en zone agricole.

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement avant dire droit attaqué, le tribunal administratif a, d'une part, écarté comme non fondés les moyens tirés de l'insuffisance du rapport de présentation et d'une erreur manifeste d'appréciation dans le classement de la parcelle ZE 41 et, d'autre part, sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme afin que soit régularisée l'incomplétude du dossier d'enquête publique.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes Retz-en-Valois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

20. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros à la communauté de communes Retz-en-Valois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la communauté de communes Retz-en-Valois en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté de communes Retz-en-Valois.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02499 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02499
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : ZERNA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22da02499 ?
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