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06/02/2024 | FRANCE | N°23DA00911

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 06 février 2024, 23DA00911


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) en date du 25 février 2021 rejetant son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 17 décembre 2020 de la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest (CLAC) lui refusant le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent privé de sé

curité.



Par un jugement n° 2101759 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) en date du 25 février 2021 rejetant son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 17 décembre 2020 de la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest (CLAC) lui refusant le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent privé de sécurité.

Par un jugement n° 2101759 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision attaquée et a enjoint au CNAPS de renouveler la carte professionnelle d'agent privé de sécurité de M. A... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, le CNAPS, représenté par Me Yves Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter la requête présentée par M. A... en première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que retient le jugement attaqué, la décision du 25 février 2021 de la CNAC mentionne, outre les deux condamnations pénales du 13 janvier 2015 et du 24 mai 2016, d'autres comportements ou agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes mœurs, à savoir : une mise en cause le 23 mai 2012 pour des faits de conduite d'un véhicule malgré l'annulation judiciaire du permis de conduire et une mise en cause le 18 septembre 2012 pour des faits de conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis de conduire ;

- contrairement à ce que retient le jugement attaqué, seule la condamnation du 24 mai 2016 prononcée par le tribunal correctionnel de Rouen a été exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... mais celle du 13 janvier 2015 prononcée par le tribunal correctionnel de Rouen y figure toujours ;

- contrairement à ce que retient le jugement attaqué, le comportement de M. A... est manifestement incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité ; en effet, les fait qui lui sont reprochés sont établis ; ils remontent à seulement 4 et 6 ans à la date de la décision contestée ; ils ne présentent pas un caractère isolé car ils ont été commis dans un laps de temps très restreint ; leur effacement, exclusion ou non-inscription sur le bulletin n° 2, ce qui n'est en l'occurrence le cas que pour une seule des deux condamnations prononcées à l'encontre de M. A..., ne s'oppose pas à ce qu'il en soit tenu compte ; l'ancienneté de M. A... dans la profession est sans incidence sur l'appréciation de la compatibilité des faits qui lui sont reprochés avec l'exercice des activités privées de sécurité ;

- dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation et qu'ils en ont, pour ce motif, prononcé l'annulation ; par suite, il y a lieu pour la cour d'annuler le jugement attaqué ;

- aucun des autres moyens que M. A... a soulevé en première instance n'est fondé ; sa requête doit dès lors être rejetée ; il se réfère à cet égard aux arguments qu'il avançait en défense dans ses écritures devant le tribunal administratif de Rouen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, M. A..., représenté par la SELARL Emmanuelle Bourdon-Céline Bart, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 1 000 euros soit mis à la charge du CNAPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les faits de 2012 qui lui sont reprochés n'existent pas ; ceux de 2015 sont anciens, isolés et ont été effacés du bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; la condamnation du 23 mai 2016 n'a pas davantage été inscrite sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; une condamnation qui n'est pas inscrite sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ne saurait justifier un refus de délivrance d'une carte professionnelle d'agent privé de sécurité ; ces faits avaient en tout état de cause déjà été portés à la connaissance de la CLAC en 2018 qui avait alors considéré qu'ils ne s'opposaient pas au maintien de sa carte professionnelle ; depuis, aucun fait répréhensible ni aucune condamnation ne peut lui être reproché ; son comportement ne peut, dès lors, pas être regardé comme contraire à l'honneur et à la probité et comme portant atteinte à la sécurité publique et à celle des personnes ; en outre, alors qu'il a toujours travaillé dans le secteur de la sécurité privée, n'y a rencontré aucune difficulté et ne dispose d'aucune autre qualification ni diplôme, la décision contestée aurait pour effet de l'empêcher totalement de travailler et de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille nombreuse.

Par ordonnance du 31 octobre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2023 à 12 heures.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 9 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Anmol Khan, représentant le CNAPS.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce la profession d'agent privé de sécurité et dispose à cet effet d'une carte professionnelle, délivrée en dernier lieu par les services du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) le 16 avril 2015. Il en a sollicité le renouvellement le 18 novembre 2020. Par une délibération du 17 décembre 2020, la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Ouest du CNAPS a refusé de faire droit à sa demande. Par une délibération du 25 février 2021, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du CNAPS a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par M. A... et confirmé le refus opposé à sa demande de renouvellement de sa carte professionnelle. Par un jugement n° 2101759 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen, sur requête de M. A..., a prononcé l'annulation de la délibération du 25 février 2021 et a enjoint au CNAPS de renouveler la carte professionnelle d'agent privé de sécurité de M. A... dans un délai de deux mois. Le CNAPS relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (...), pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, (...), que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / (...) / Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. / La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3°. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a commis, le 23 avril 2012, des faits de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points, pour lesquels il a été condamné, par ordonnance pénale du 13 janvier 2015 du tribunal correctionnel de Rouen, à une amende de 350 euros et à l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière. S'ils n'ont pas donné lieu à poursuites et condamnations, l'enquête administrative diligentée par le CNAPS dans le cadre de l'instruction de sa demande a mis en évidence que M. A..., qui n'apporte aucun élément de preuve contraire, s'était, à la même époque, fait défavorablement connaître des forces de l'ordre pour des faits comparables les 23 mai 2012 et 18 septembre 2012. En outre, il a de nouveau commis, le 23 décembre 2015, des faits de conduite d'un véhicule sans permis, de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points et de prise de nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui, pour lesquels il a été condamné, par un jugement du 23 mai 2016 du tribunal correctionnel de Rouen, à 90 jours-amende de 10 euros ainsi qu'à une peine d'un mois d'emprisonnement délictuel avec sursis.

4. Si les infractions routières commises en 2012 avaient plus de huit ans d'ancienneté à la date de la délibération contestée, leur réitération le 23 décembre 2015 est intervenue dans le délai de validité de la dernière carte professionnelle dont M. A... a demandé le renouvellement. La condamnation pénale de M. A... pour des faits comparables moins d'un an auparavant n'a ainsi pas suffi à ce qu'il amende son comportement. Les faits nouvellement commis le 23 décembre 2015 révèlent même au contraire une aggravation de celui-ci dès lors que les nouvelles infractions routières relevées à son encontre ont été associées à la prise du nom d'un tiers pouvant entrainer des poursuites pénales contre lui. Conformément aux dispositions du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, la circonstance que les peines prononcées à son encontre pour ces nouveaux faits n'aient pas été inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ne s'oppose pas à ce que le CNAPS en tienne compte dans le cadre de l'appréciation de la compatibilité de son comportement avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. En outre, si la CLAC Ouest, informée de cette dernière condamnation dès 2018, a par une délibération du 6 mars 2019 maintenu à titre exceptionnel à M. A... le bénéfice de la carte professionnelle dont il était titulaire jusqu'à sa date d'expiration, cette circonstance ne s'oppose pas à ce que le CNAPS puisse considérer que les infractions dont il s'est rendu coupable font obstacle au renouvellement de celle-ci.

5. Aussi, et alors qu'il est constant qu'à la date à laquelle la CNAC a statué, le bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... comportait la condamnation prononcée à son encontre le 13 janvier 2015, celle-ci n'en ayant été retirée que par une ordonnance du 3 février 2023 du tribunal judiciaire de Rouen, la réitération des infractions routières dont M. A... s'avère être coutumier et leur aggravation pendant la durée de validité de la dernière carte professionnelle dont il était titulaire révèlent un comportement transgressif, incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité, qui impose un strict respect des lois et règlements en vigueur. La CNAC n'a dès lors pas commis d'erreur d'appréciation en se fondant sur ce motif pour refuser le renouvellement de la carte professionnelle de M. A... en application des 1° et 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Il s'ensuit que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler la délibération contestée du 25 février 2021.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.

7. En premier lieu, la délibération attaquée du 25 février 2021 mentionne, s'agissant du jugement du tribunal correctionnel de Rouen du 24 mai 2016, qu'il a condamné M. A... à " un mois d'emprisonnement délictuel ". La circonstance que cette délibération ne précise pas que cette peine était assortie d'un sursis n'est, contrairement à ce que soutient M. A..., pas de nature à caractériser une erreur de fait. Au demeurant, cette précision n'aurait exercé aucune influence sur l'appréciation des faits à l'origine de la condamnation et leur compatibilité avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Dès lors, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.

8. En deuxième lieu, et comme il a été dit plus haut, la circonstance que les condamnations prononcées à l'encontre de M. A... les 13 janvier 2015 et 23 mai 2016 n'auraient pas été inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ou qu'elles en auraient été effacées ne s'oppose pas à ce qu'il soit tenu compte des faits auxquels elles se rapportent pour refuser, au titre du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, la délivrance ou le renouvellement de la carte professionnelle d'agent privé de sécurité. Dès lors, le moyen tiré de ce que le CNAPS a inexactement appliqué les dispositions de la loi en refusant le renouvellement de la carte professionnelle du requérant doit être écarté.

9. En troisième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il travaille sans interruption dans le secteur de la sécurité privée depuis près de vingt ans, qu'il ne dispose pas d'autres qualifications ou diplômes qui lui permettraient de se reconvertir professionnellement et que l'interruption de ses activités professionnelles serait susceptible d'être extrêmement préjudiciable à sa situation personnelle et familiale, ces circonstances étant sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Dès lors, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération de la CNAC du 25 février 2021. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter les conclusions de M. A... à fin d'annulation de cette délibération ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que le CNAPS demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. A... soient mises à la charge du CNAPS, qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101759 du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A... et du CNAPS présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au conseil national des activités privées de sécurité et à M. B... A....

Délibéré après l'audience publique du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA00911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00911
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23da00911 ?
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