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06/02/2024 | FRANCE | N°22DA01536

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 06 février 2024, 22DA01536


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 69 144,03 euros, au titre du préjudice de retraite subi du fait de son absence d'affiliation aux caisses de retraite dans l'exercice de son mandat sanitaire entre 1983 et 1989.



Par un jugement n° 2003047 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 32 162,84 euros au titre de la période all

ant de 1987 à 1989 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.



Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 69 144,03 euros, au titre du préjudice de retraite subi du fait de son absence d'affiliation aux caisses de retraite dans l'exercice de son mandat sanitaire entre 1983 et 1989.

Par un jugement n° 2003047 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 32 162,84 euros au titre de la période allant de 1987 à 1989 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022, M. A... B..., représenté par la SCP Yves Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 69 144,03 euros, sauf à parfaire, au regard notamment d'une éventuelle modification à intervenir du taux de rachat des cotisations sociales, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2015 et sous déduction de la provision d'un montant de 32 162,84 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en s'abstenant de déclarer son activité auprès des organismes de retraite du régime général et du régime complémentaire, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité qui est à l'origine d'un préjudice de retraite ;

- la circonstance qu'il détenait entre 1983 et 1986 un mandat sanitaire à titre provisoire ne fait pas obstacle à l'indemnisation de son préjudice ;

- il exerçait ses missions de contrôle vétérinaire à titre libéral et non à titre de salarié de ses associés ;

- il a droit au versement, d'une part, des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'Etat pour la période allant du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1989 et, d'autre part, au versement des pensions de retraite au titre de la période comprise entre le 1er février 2012 et la date de versement par l'Etat de la somme précédente.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour de rejeter la requête et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 6 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., vétérinaire libéral, a exercé à titre accessoire des missions de prophylaxie collective animale pour le compte de l'Etat. Par lettre du 5 novembre 2015, il a demandé au directeur départemental chargé de la protection des populations de la préfecture de la Seine-Maritime de l'indemniser du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation par l'Etat à la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) au titre des salaires qu'il aurait perçus dans l'exercice de son mandat sanitaire entre 1982 et 1989. L'Etat n'a pas contesté le principe de sa responsabilité et lui a proposé, par lettre du 2 juin 2017, de procéder à une évaluation de son préjudice en prenant en compte les salaires versés entre 1987 et 1989. M. B..., estimant que cette proposition ne couvrait pas l'intégralité de son préjudice, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser une provision de 69 144,03 euros. Par une ordonnance du 29 janvier 2019, le juge n'a fait droit qu'en partie à cette demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 32 162,84 euros à titre de provision sur la base des salaires perçus entre 1987 et 1989. M. B... relève appel du jugement n° 2003047 du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 32 162,84 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, en vertu des dispositions de l'article 215-8 du code rural issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, reprises jusqu'à l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 relative à la modernisation des missions des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, puis, en substance, à l'article L. 203-11 de ce code : " Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale. Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 1990 ". Jusqu'à cette date, les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat. A ce titre, l'Etat avait l'obligation, dès la date de prise de fonction, d'assurer leur immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'IRCANTEC en application des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie.

3. D'autre part, aux termes de l'article 309 du code rural dans sa rédaction en vigueur du 19 avril 1955 au 24 juin 1989 : " Tout vétérinaire ou docteur vétérinaire désirant exercer sa profession est tenu, dans le mois qui suit son établissement, de faire enregistrer, sans frais, son diplôme à la préfecture de son département et au greffe du tribunal de grande instance de son arrondissement. L'enregistrement du diplôme doit être obligatoirement suivi, dans le délai de six mois, de la production d'un certificat d'inscription au tableau de l'ordre des vétérinaires. (...). ". Aux termes de l'article 309-1 du même code, dans sa version en vigueur du 17 juin 1971 au 24 juin 1989 : " Par dérogation aux dispositions législatives en vigueur et notamment aux articles 309 et 340 du présent code, (...) les élèves des écoles nationales vétérinaires pourvus d'une attestation établissant qu'ils ont subi avec succès les examens de fin de troisième année de ces écoles sont autorisés, dans les conditions définies par le présent article et les articles suivants, ainsi que par les règlements pris pour leur exécution, à pratiquer la médecine et la chirurgie des animaux en qualité d'assistants de vétérinaires ou de docteurs vétérinaires exerçant régulièrement cette médecine et cette chirurgie. / Doit être considéré comme assistant pour l'application du présent article et de l'article suivant celui qui soigne, en dehors de la présence mais sous l'autorité d'un vétérinaire ou d'un docteur vétérinaire, des animaux de la clientèle de celui-ci, lequel continue à assurer la gestion de son cabinet. ".

4. Pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par M. B... en ce qu'elle concerne les années antérieures à 1987, l'administration a considéré qu'il exerçait, alors, un mandat sanitaire à titre provisoire en qualité d'assistant vétérinaire sur le fondement d'un arrêté ministériel du 21 décembre 1982 et qu'il ne pouvait pas être regardé comme un agent public exerçant des missions pour le compte de l'Etat.

5. Il résulte de l'instruction que M. B... a été inscrit pour la première fois au tableau de l'ordre des vétérinaires le 14 octobre 1987 et que cette inscription est, en vertu des dispositions précitées de l'article 309 du code rural, un préalable à l'exercice de la profession de vétérinaire. En outre, les dispositions de l'article 309-1 du même code précisent que les assistants vétérinaires, s'ils peuvent pratiquer la médecine et la chirurgie des animaux, demeurent sous l'autorité d'un vétérinaire ou d'un docteur vétérinaire et n'interviennent que sur les animaux de la clientèle du vétérinaire. Ainsi, M. B... était placé, jusqu'à son inscription au tableau de l'ordre des vétérinaires le 14 octobre 1987, sous l'autorité des Dr ... et ... et ne pouvait pas être regardé dans une situation de subordination à l'égard de l'Etat, sans qu'aient d'incidence son inscription en qualité de travailleur indépendant à compter du 1er juillet 1982 auprès de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et du Régime social des indépendants (RSI) et la passation d'une convention de cession de droits d'un cabinet vétérinaire le 18 mai 1982. Si l'appelant produit des déclarations fiscales pour les années en litige mentionnant la perception de salaires et de revenus provenant d'une activité libérale, il n'établit pas que ces salaires auraient été versés par l'Etat ni que celui-ci aurait dû verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie. Par suite, faute d'avoir exercé un mandat sanitaire en qualité de vétérinaire avant le 14 octobre 1987, M. B... ne saurait réclamer le bénéfice d'une indemnisation complémentaire à la provision dont il a bénéficié.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à indemniser son préjudice. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience publique du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

Le rapporteur,

G. VandenbergheLa présidente de chambre,

M.P. ViardLa greffière,

A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA01536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01536
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22da01536 ?
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