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01/02/2024 | FRANCE | N°23DA00776

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 23DA00776


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, la société Extension du parc éolien du Douiche, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet de la Somme et du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il a refusé une autorisation environnementale pour les éoliennes E 4 et E 7 ;



2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour ces deux éoliennes ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Somme et au préfet du Pas-d

e-Calais de délivrer l'autorisation pour ces deux éoliennes, ou à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, la société Extension du parc éolien du Douiche, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet de la Somme et du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il a refusé une autorisation environnementale pour les éoliennes E 4 et E 7 ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour ces deux éoliennes ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Somme et au préfet du Pas-de-Calais de délivrer l'autorisation pour ces deux éoliennes, ou à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre à ces autorités préfectorales de réexaminer la demande d'autorisation pour ces deux éoliennes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'étude d'impact ne présente pas d'insuffisances dans son analyse des enjeux pour les chiroptères ;

- le projet n'a pas d'impact significatif sur les chiroptères ;

- le projet a mis en œuvre de manière correcte, la séquence " éviter-réduire-compenser ".

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2023, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il soutient également que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- l'arrêté du 23 avril 2007 modifié fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Manon Boenec, représentant la société Extension du parc éolien du Douiche.

Une note en délibéré présentée par Me Antoine Guiheux a été enregistrée 19 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société Extension du parc éolien du Douiche a déposé le 3 octobre 2018 une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de neuf éoliennes et de quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Fins, d'Equancourt et d'Heudicourt dans le département de la Somme et de Neuville-Bourjonval dans le département du Pas-de-Calais. Le projet a été soumis à enquête publique puis à l'avis des commissions départementales de la nature, des paysages et des sites de la Somme et du Pas-de-Calais. Le délai d'instruction de la demande a été prolongé jusqu'au 12 juillet 2021. Saisie par la société, la cour a annulé la décision implicite de rejet née à l'issue de ce délai par un arrêt du 24 novembre 2022 et a enjoint aux préfets de la Somme et du Pas-de-Calais de statuer sur la demande de la société dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt. Par un arrêté du 1er mars 2023, les préfets de la Somme et du Pas-de-Calais ont autorisé sept éoliennes du projet et ont refusé les éoliennes E 4 et E 7. La société Extension du parc éolien du Douiche demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il a refusé les éoliennes E 4 et E 7.

Sur l'insuffisance de l'étude d'impact :

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 181-16 du code de l'environnement : " Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. ". Aux termes du I de l'article R. 122-5 du même code : " Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. ".

3. Le dossier de demande comprenait une étude chiroptérologique de cent-vingt pages, réalisée à partir de douze sorties d'inventaire menées sur un cycle biologique complet et de quinze points d'écoute répartis sur l'ensemble de la zone d'implantation potentielle. Ces points d'écoute au sol étaient complétés par une mesure en altitude réalisée au moyen d'un mat. Ce mat était implanté entre les secteurs centre et ouest de la zone d'implantation potentielle qui comprend trois secteurs distincts et non contigus. Les trois secteurs se situent dans des zones agricoles de grandes cultures sans boisement même si elles comptent quelques haies. L'étude conclut donc que les enjeux pour les chauves-souris étaient faibles sur ces terrains. Le mat d'écoute, situé dans un espace comparable à ceux où vont s'implanter les éoliennes, n'a d'ailleurs permis que de relever 15 contacts en un an. L'avis de la mission régionale de l'Autorité environnementale du 6 février 2020, ne comporte aucune critique, contrairement à ce qu'affirme la défense, de la méthodologie d'écoutes mise en œuvre par l'étude. Dans ces conditions, compte tenu du caractère limité des enjeux, l'absence de mesures en hauteur à proximité des éoliennes E 4 et E 7 n'est pas de nature à caractériser une absence de proportion entre l'étude d'impact et les enjeux du site d'implantation. Ce motif ne peut donc pas fonder le refus de ces deux éoliennes.

Sur l'atteinte aux chiroptères :

4. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, (...), soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

5. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'une installation classée, l'autorité préfectorale est tenue, sous le contrôle du juge, de délivrer l'autorisation sollicitée si les dangers ou inconvénients que présente cette installation peuvent être prévenus par les prescriptions particulières spécifiées par un arrêté d'autorisation.

6. L'ensemble des espèces de chauves-souris est protégé par l'arrêté interministériel du 23 avril 2007. Les campagnes d'écoute ont permis de recenser la présence de six espèces de chauves-souris sur la zone d'implantation potentielle. Si l'étude estime que la sensibilité des espèces à l'éolien est faible, elle minimise la protection de la pipistrelle au motif qu'il s'agirait d'une espèce commune. L'avis de la mission régionale de l'Autorité environnementale fait néanmoins valoir que cette espèce protégée a vu ses effectifs s'effondrer ces dernières années. L'étude souligne que la zone constituée d'espaces agricoles de grandes cultures présente peu d'enjeux pour les chiroptères. Toutefois, l'éolienne E 4 se situe à 80 mètres en bout de pale d'une haie et l'éolienne E 7 à 150 mètres d'une haie et à 200 mètres d'un boisement. Ces deux éoliennes sont localisées dans des zones à enjeux modérés pour les chauves-souris. Si la société soutient qu'une étude naturaliste démontre une forte diminution de la présence des chauves-souris dès qu'on s'éloigne de plus de cinquante mètres des aérogénérateurs, l'étude a relevé 83 contacts à proximité du site de l'éolienne E 4 et 143 contacts au niveau de la lisière boisée à proximité du site d'E 7. L'étude établit également qu'un axe de déplacement existe au sud de l'éolienne E 7, depuis le boisement le long de la haie. La société a exclu dans l'étude de son implantation, une variante avec un plus grand nombre d'éoliennes. Elle a également exclu des implantations dans des zones à enjeux forts pour les chiroptères et a choisi un modèle d'éoliennes d'une hauteur de seulement149,3 mètres. Toutefois, elle n'apporte aucun élément pour justifier l'impossibilité d'éloigner les éoliennes E 4 et E 7 des éléments boisés et des haies, que recommandait pourtant la mission régionale de l'Autorité environnementale dans son avis précité. Dans ces conditions, compte tenu de la réévaluation de l'enjeu pour la pipistrelle commune par rapport à celui retenu par l'étude d'impact et compte tenu des contacts à proximité des éoliennes E 4 et E 7, l'atteinte aux chiroptères apparaît significative, malgré le plan de bridage proposé. Les préfets étaient donc fondés à refuser l'autorisation de ces deux éoliennes pour ce motif qui justifie à lui seul le rejet de cette demande.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Extension du parc éolien du Douiche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les préfets de la Somme et du Pas-de-Calais ont refusé l'autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes E 4 et E 7. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fins de délivrance, d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Extension du parc éolien du Douiche est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Extension du parc éolien du Douiche, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, aux préfets de la Somme et du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00776 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00776
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23da00776 ?
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