La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2024 | FRANCE | N°22DA01942

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 22DA01942


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. M... O..., M. N... E..., Mme B... L..., M. K... P... et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler les décisions du 6 novembre 2019 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leurs recours formés contre les avis émis en décembre 2018 pour la régularisation, au titre de l'année 2014, des charges relatives à la fourniture en électricité des logements qui leur ont été concédés, et, d'autre part, de prononcer la décharge

du montant fixé par ces avis au titre de leur consommation d'électricité en 2014.



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... O..., M. N... E..., Mme B... L..., M. K... P... et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler les décisions du 6 novembre 2019 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leurs recours formés contre les avis émis en décembre 2018 pour la régularisation, au titre de l'année 2014, des charges relatives à la fourniture en électricité des logements qui leur ont été concédés, et, d'autre part, de prononcer la décharge du montant fixé par ces avis au titre de leur consommation d'électricité en 2014.

M. O..., M. E..., Mme L..., M. P..., Mme F..., Mme A... H... et M. D... I... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler les décisions du 2 juillet 2020 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leurs recours formés contre les avis émis en janvier 2020 pour la régularisation, au titre de l'année 2015, des charges relatives à la fourniture en électricité des logements qui leur ont été concédés, et, d'autre part, de prononcer la décharge du montant fixé par ces avis au titre de leur consommation d'électricité en 2015.

M. O..., M. E..., Mme L..., M. P..., Mme F..., Mme H... et M. I... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler les décisions du 9 juin 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté leurs recours formés contre les avis émis en décembre 2020 pour la régularisation, au titre de l'année 2016, des charges relatives à la fourniture en électricité des logements qui leur ont été concédés, et, d'autre part, de prononcer la décharge du montant fixé par ces avis au titre de leur consommation d'électricité en 2016.

Par trois jugements nos 1902794, 2001979 et 2102227 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2022, M. O..., M. E..., Mme L..., M. P..., Mme F..., Mme H..., M. I... et M. J... G..., représentés par Me Szymanski, demandent à la cour :

1°) d'annuler les jugements du 12 juillet 2022 ;

2°) d'annuler les décisions des 6 novembre 2019, 2 juillet 2020 et 9 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de mettre en conformité les installations techniques de la caserne, de sorte qu'ils puissent choisir leur fournisseur d'électricité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a méconnu les articles R. 242-1 et suivants du code de la consommation ;

- les régularisations litigieuses ont été effectuées dans les conditions prévues par la circulaire n° 102000 GEND/DSF/SDIL/2BR du 28 décembre 2011 qui est entachée d'incompétence ;

- cette circulaire méconnaît le principe de libre choix du fournisseur d'électricité, prévu à l'article L. 331-1 du code de l'énergie ;

- les attributaires de logements pour nécessité absolue de service sont des clients et des consommateurs au sens des dispositions des articles L. 331-1 et L. 344-2 du même code ;

- la circulaire du 28 décembre 2011 contrevient au principe de prohibition de la rétrocession d'électricité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle est présentée par M. G..., qui n'a pas présenté de recours administratif préalable obligatoire et n'a pas la qualité de partie en première instance ;

- le moyen tiré de ce que la circulaire est entachée d'un vice d'incompétence est irrecevable dès lors qu'il relève d'une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachent les moyens soutenus devant le tribunal administratif ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par Mme H... et M. I... et tend à l'annulation du jugement n° 1902794 du 12 juillet 2022, dès lors que ces deux requérants n'avaient pas la qualité de parties à cette instance devant le tribunal.

Par une ordonnance du 20 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de l'énergie ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. O..., M. E..., Mme L..., M. P..., Mme F..., Mme H... et M. I..., sous-officiers de la gendarmerie nationale, ont bénéficié d'une concession de logement par nécessité absolue de service à la caserne de Verberie (Oise) en 2014, 2015 et 2016 en ce qui concerne les cinq premiers et en 2015 et 2016 seulement en ce qui concerne les deux derniers. Ils ont été destinataires, entre décembre 2018 et décembre 2020, d'un avis de régularisation des charges d'occupation de leur logement pour les années 2014, 2015 et 2016. Estimant que le montant des charges liées à leur consommation électrique individuelle était surévalué, M. O..., M. E..., Mme L..., M. P... et Mme F..., pour les trois années précitées, et Mme H... et M. I... pour les années 2015 et 2016, ont contesté les avis de régularisation devant la commission de recours des militaires. Au vu de l'avis rendu par cette commission, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté leurs réclamations par des décisions des 6 novembre 2019, 2 juillet 2020 et 9 juin 2021 se rapportant, respectivement, aux dépenses d'électricité des années 2014, 2015 et 2016. M. O..., M. E..., Mme L..., M. P... et Mme F... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens afin d'obtenir l'annulation des décisions les concernant des 6 novembre 2019, 2 juillet 2020 et 9 juin 2021, ainsi que la décharge du montant fixé par les avis de régularisation au titre de leur consommation d'électricité au cours des trois années litigieuses. Mme H... et M. I... ont présenté les mêmes conclusions contre les décisions les concernant des 2 juillet 2020 et 9 juin 2021. Par trois jugements du 12 juillet 2022, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes. Par une même requête, M. O..., M. E..., Mme L..., M. P..., Mme F..., Mme H... et M. I..., auxquels s'est joint M. G..., relèvent appel de ces trois jugements.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance (...) ".

3. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés par les dispositions précitées de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice n'est pas ouvert aux personnes qui n'ont pas été en cause dans l'instance sur laquelle la décision qu'elles critiquent a statué. Ainsi que le soutient le ministre de l'intérieur et des outre-mer en défense, M. G... n'a été mis en cause dans aucune des trois instances engagées devant le tribunal administratif d'Amiens, et sur lesquelles ont statué les jugements attaqués du 12 juillet 2022. M. G... est donc sans qualité pour interjeter appel de ces trois jugements. De même, Mme H... et M. I... n'ont pas été mis en cause dans l'instance sur laquelle le tribunal administratif a statué par son jugement n° 1902794 du 12 juillet 2022. Ils sont donc également sans qualité pour faire appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 4145-2 du code de la défense : " Les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d'exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d'emploi et de logement en caserne ". Aux termes de l'article R. 2124-64 du code général de la propriété des personnes publiques : " Dans les immeubles dépendant de son domaine public, l'État peut accorder à ses agents civils ou militaires une concession de logement par nécessité absolue de service ou une convention d'occupation précaire avec astreinte, dans les conditions prévues au présent paragraphe ". Aux termes de l'article R. 2127-71 du même code : " Le bénéficiaire d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou d'une convention d'occupation précaire avec astreinte supporte l'ensemble des réparations locatives et des charges locatives afférentes au logement qu'il occupe, déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation, ainsi que les impôts ou taxes qui sont liés à l'occupation des locaux. Il souscrit une assurance contre les risques dont il doit répondre en qualité d'occupant ". Aux termes de l'article D. 2124-75 du même code : " Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ". Aux termes de l'article D. 2124-75-1 de ce code : " La gratuité du logement accordé en application de l'article D. 2124-75 s'étend à la fourniture de l'eau, à l'exclusion de toutes autres fournitures ".

5. En premier lieu, en l'absence de réglementation spécifique fixant les conditions de gestion des charges d'occupation des logements concédés, par nécessité absolue de service, aux personnels de tous grades de la gendarmerie nationale au sein de casernements ou de locaux annexés à ceux-ci, le ministre de l'intérieur et des outre-mer pouvait légalement faire application du pouvoir qui lui appartient de réglementer la situation de ces agents, placés sous ses ordres, afin de mettre en œuvre les dispositions précitées qui, si elles prévoient notamment que la gratuité du logement concédé s'étend à la fourniture de l'eau, excluent une telle gratuité pour toutes autres fournitures. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ministre de l'intérieur et des outre-mer était incompétent pour préciser, par la circulaire n° 102000/GEND/DSF/SDIL/2BR du 28 décembre 2011, la gestion des charges d'occupation en lien avec la consommation d'électricité.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-1 du code de l'énergie : " Tout client qui achète de l'électricité pour sa propre consommation ou qui achète de l'électricité pour la revendre a le droit de choisir son fournisseur d'électricité ". Aux termes de l'article L. 331-2 du même code : " Tout consommateur final d'électricité exerce le droit prévu à l'article L. 331-1 par site de consommation ".

7. L'administration a fixé le montant des charges d'électricité dues par les requérants en faisant application des principes prescrits par la circulaire précitée du 28 décembre 2011, relative à la gestion des charges d'occupation au sein de la gendarmerie. Cette circulaire a été publiée le 23 janvier 2013 sur le site internet relevant du Premier ministre, alors prévu au premier alinéa de l'article 1er du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, dont les dispositions ont été reprises depuis à l'article R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration. En application du point 1.3 " principes généraux " de la circulaire du 28 décembre 2011, les charges imputables à l'Etat et aux parties prenantes individuelles que sont les occupants des logements concédés par nécessité absolue de service doivent être strictement séparées et individualisées, et sont, autant que faire se peut, calculées en fonction d'éléments objectifs tels que la consommation réelle. En application du point 4.4.1 de la même circulaire, les dépenses collectives d'électricité des équipements de ventilation mécanique contrôlée, de chaufferie (étincelle chaudière, sous-station, etc.) et de climatisation collective sont supportées par le budget de fonctionnement de la formation administrative. En revanche, " les dépenses d'électricité liées à des appareils individuels appartenant aux occupants restent à la charge de ces derniers. / Dans les cas où il existe une facturation collective d'électricité pour l'usage domestique des logements (alimentation des appareils domestiques appartenant aux occupants), le coût TTC de l'énergie (y compris toute prime fixe liée à la prestation fournie) et de l'abonnement au compteur (TTC) est réparti au prorata des consommations d'électricité relevées de chacun ".

8. Les requérants, qui indiquent avoir la qualité de client et de consommateur final au sens des articles L. 331-1 et L. 344-1 à L. 344-3 du code de l'énergie, soutiennent que les mentions précitées du point 4.4.1 de la circulaire du 28 décembre 2011 méconnaissent les dispositions de l'article L. 331-1 précité, dont résulte que tout consommateur a le droit de choisir librement son fournisseur d'électricité. Toutefois, la circulaire, qui rappelle, conformément à l'article D. 2124-75-1 du code général de la propriété des personnes publiques, que les dépenses d'électricité résultant de la consommation personnelle des agents doivent rester à leur charge, se borne à fixer les conditions dans lesquelles les intéressés assument cette charge lorsque ces dépenses donnent lieu à une facturation collective, en l'absence d'installations techniques permettant un abonnement individuel auprès d'un fournisseur, et n'a pas pour objet en tant que telle d'imposer une telle facturation collective en refusant la possibilité de choisir librement ce fournisseur. A cet égard, s'il résulte de l'instruction que les logements mis à disposition des gendarmes affectés à la caserne de la Verberie sont regroupés dans un ensemble immobilier pourvu d'un unique compteur utilisé pour la facturation à l'administration de la totalité de l'électricité qui y est consommée, il n'est pas contesté que chacun des logements est pourvu d'un compteur divisionnaire libre d'accès permettant, sous réserve le cas échéant de travaux d'adaptation, un accès personnel au réseau électrique et le choix d'un autre fournisseur que celui de l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la circulaire du 28 décembre 2011 méconnaît les dispositions de l'article L. 331-1 du code de l'énergie doit être écarté.

9. En troisième lieu, en se bornant à invoquer un " principe de prohibition de la rétrocession d'électricité " qui résulterait de " la loi instituant le monopole de la distribution d'électricité ", alors qu'il ressort des termes mêmes de l'article L. 331-1 du code de l'énergie qu'un client a la possibilité d'acheter de l'électricité pour la revendre, les requérants ne démontrent pas en quoi les mentions du point 4.4.1 de la circulaire seraient illégales en ce qu'elles prévoient, en cas de facturation collective, une répartition des dépenses d'électricité au prorata des relevés individuels de consommation.

10. En dernier lieu, si les requérants invoquent une méconnaissance des articles R. 242-1 et suivants du code de la consommation, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. O..., M. E..., Mme L..., M. P..., Mme F..., Mme H..., M. I... et M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. M... O... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : D. BureauLe président de la formation de jugement,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 22DA01942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01942
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SZYMANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22da01942 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award