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30/01/2024 | FRANCE | N°22DA00844

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 22DA00844


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Etudes Méthodes et Stratégies (EMS) a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire n° 5515 émis le 17 janvier 2020 par le maire de la commune de Fécamp pour avoir paiement de la somme de 1 200 euros dans le cadre de l'exécution du marché de régie publicitaire municipale dont elle était titulaire, ainsi que la décision du 3 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Fécamp a décidé de ne pas renouveler ce marché, de condamne

r la commune de Fécamp à lui verser la somme de 50 000 euros, augmentée des intérêts au taux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etudes Méthodes et Stratégies (EMS) a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire n° 5515 émis le 17 janvier 2020 par le maire de la commune de Fécamp pour avoir paiement de la somme de 1 200 euros dans le cadre de l'exécution du marché de régie publicitaire municipale dont elle était titulaire, ainsi que la décision du 3 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Fécamp a décidé de ne pas renouveler ce marché, de condamner la commune de Fécamp à lui verser la somme de 50 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 3 mars 2020 et de mettre à la charge de la commune de Fécamp une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000981 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2022, la société EMS, représentée par Me Merll, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 5515 émis le 17 janvier 2020 par le maire de la commune de Fécamp pour avoir paiement de la somme de 1 200 euros dans le cadre de l'exécution du marché de régie publicitaire municipale dont elle était titulaire, ainsi que la décision du 3 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Fécamp a décidé de ne pas renouveler ce marché et de condamner la commune de Fécamp à lui verser la somme de 50 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 3 mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fécamp une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il rejette comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes du 17 janvier 2020, au motif qu'elles n'étaient pas accompagnées de la production de la décision attaquée prévue par les dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle a accompli des diligences pour se procurer ce titre de recettes et que le tribunal devait faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour demander à la commune de Fécamp de le produire ;

- l'application du marché de vente d'espaces publicitaire dans le cadre duquel ce titre de recettes a été émis doit être écartée, dès lors que ce marché est dépourvu de cause, en l'absence de stipulation prévoyant une rémunération du service rendu ;

- l'application de ce marché doit être écartée, dès lors que son consentement a été vicié du fait de l'absence déloyale de communication par la commune de certaines informations préalablement à sa passation ;

- le titre de recettes du 17 janvier 2020 est insuffisamment motivé ;

- la réalité de la créance que ce titre vise à recouvrer n'est pas établie ;

- la décision du 3 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Fécamp n'a pas reconduit le marché qui lui avait été attribué n'est pas justifiée ;

- le rejet de sa réclamation préalable tendant au versement d'une indemnité de 50 000 euros n'est pas motivé ;

- elle a subi, du fait de l'intervention de la décision du 3 mars 2002, un préjudice financier, correspondant aux frais engagés pour exécuter les prestations prévues au contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2023, la commune de Fécamp, représentée par Me Michel Tarteret, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de condamner la société EMS à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, une indemnité de 10 000 euros en raison du caractère abusif de la procédure, et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas motivée dès lors qu'elle se borne à reprendre en appel les moyens soulevés en première instance par la société EMS à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2020 ;

- les conclusions présentées par la société EMS en première instance, tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2020 et au versement de la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de cette décision sont irrecevable, faute de lien de connexité suffisant avec celles tendant à l'annulation du titre exécutoire du 17 janvier 2020 ;

- les moyens soulevés par la société EMS ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu, au 24 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Fécamp a confié à la société Etudes Méthodes et Stratégies (EMS) le lot n° 5 " vente d'espaces publicitaires " de son marché de " conception graphique, réalisation, impression, distribution de publication, contrat de prestations de services pour la vente des espaces publicitaires du magazine municipal, et de l'agenda municipal ". Le 17 janvier 2020, le maire de la commune de Fécamp a émis à destination de la société EMS un titre exécutoire pour avoir paiement de la somme de 1 200 euros correspondant à la redevance mise à la charge de la société EMS par ce marché. Par une lettre du 3 mars 2020, le maire de la commune de Fécamp a, en outre, décidé de ne pas reconduire le marché passé avec la société EMS. Celle-ci relève appel du jugement du 15 mars 2022, par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 17 janvier 2020 et de la décision du 3 mars 2020, ainsi qu'à la condamnation de la commune de Fécamp à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la non-reconduction du marché qui lui avait été attribué.

Sur la requête de la société EMS :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions de la société EMS tendant à l'annulation du titre exécutoire du 17 janvier 2020 :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". L'article R. 412-1 du même code dispose que : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) ".

3. Il résulte de ces dernières dispositions qu'une requête est irrecevable et doit être rejetée comme telle lorsque son auteur n'a pas, en dépit d'une invitation à régulariser ou, le cas échéant, lorsqu'il n'est pas statué par ordonnance, de la communication d'un mémoire lui opposant à ce titre une fin de non-recevoir, produit soit la décision attaquée, dont tient lieu la pièce justifiant de la date de dépôt de la demande faite à l'administration lorsqu'il s'agit d'une décision implicite de rejet d'une demande, soit, en cas d'impossibilité, tout document justifiant des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) / 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public compétent vaut notification de ladite ampliation. Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. / (...) / 6° Pour les créances d'un montant inférieur à 15 000 €, la mise en demeure de payer est précédée d'une lettre de relance adressée par le comptable public compétent / (...) ".

5. Tout titre de recette exécutoire comprend quatre volets dont le premier, formant bulletin de perception permettant de suivre le recouvrement de la créance, est adressé au comptable public, le deuxième est annexé au compte de gestion de la collectivité locale, le troisième, formant avis des sommes à payer, est adressé au débiteur et constitue l'ampliation visée par les dispositions, citées au point précédent, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, et le quatrième, formant bulletin de liquidation, est conservé par l'ordonnateur.

6. En l'espèce, malgré la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fécamp dans son mémoire en défense, reçu le 6 février 2021 par la société EMS, qui a disposé d'un délai suffisant pour y répondre, celle-ci n'a pas produit l'avis des sommes à payer, valant ampliation du titre de recettes du 17 janvier 2020 dont elle demandait l'annulation, mais s'est bornée à présenter la lettre de relance du 27 février 2020 qui lui a été adressée par le comptable public. Ce document, visant à rappeler à la société EMS son obligation de régler la somme de 1 200 euros dont elle était rendue redevable par le titre de recettes contesté, préalablement à l'engagement de poursuites en vue du recouvrement forcé de cette somme, ne peut être regardé comme constituant l'acte attaqué au sens des dispositions précitées de l'article R. 412-1 du code de justice administrative. La société EMS, qui ne justifie pas davantage avoir accompli les diligences nécessaires pour obtenir la communication du titre de recettes du 17 janvier 2020, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction pour en demander la production à la commune de Fécamp. Enfin, la production par la société EMS, seulement en cause d'appel, de l'avis des sommes à payer qui lui a été adressé le 17 janvier 2020, constitutif de la décision attaquée, n'est pas de nature à régulariser l'irrecevabilité résultant du défaut de production de cette décision devant le tribunal conformément aux dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative. Par suite, en rejetant comme irrecevables, au regard de ces dispositions, les conclusions de la société EMS tendant à l'annulation du titre de recettes du 17 janvier 2020, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité sur ce point.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 mars 2020 présentées par la société EMS :

7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevables les conclusions de la société EMS tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2020, par laquelle le maire de la commune de Fécamp a décidé de ne pas reconduire le marché qui lui avait été attribué, au motif que cette décision avait le caractère, non d'une résiliation, mais d'une décision de non-renouvellement du marché prise en exécution des stipulations contractuelles, et dont les conditions d'adoption sont seulement susceptibles d'être contestées à l'appui de conclusions indemnitaires. La société appelante ne conteste pas l'irrecevabilité qui lui a ainsi été opposée par le jugement attaqué mais se bonne à soulever devant la cour des moyens relatifs à la validité de la décision du 3 mars 2020, qui sont, par suite, inopérants. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en appel par la commune de Fécamp, la société EMS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2020.

En ce qui concerne les conclusions de la société EMS tendant au versement d'une indemnité de 50 000 euros :

8. Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevables, au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, les conclusions indemnitaires présentées devant lui par la société EMS, au motif que celle-ci ne justifiait pas avoir adressé à la commune de Fécamp une demande préalable tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant selon elle de l'illégalité de la décision du 3 mars 2020. La société EMS ne conteste pas l'irrecevabilité qui lui a ainsi été opposée par le jugement attaqué mais se borne à soulever en appel des moyens tirés de ce que la responsabilité de la commune de Fécamp est engagée à raison de l'illégalité de la décision du 3 mars 2020 et de l'existence d'un préjudice financier résultant de cette décision, qui sont, par suite, inopérants. Il s'ensuit que la société EMS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Fécamp à lui verser une indemnité de 50 000 euros.

Sur les conclusions de la commune de Fécamp tendant à la condamnation de la société EMS à lui verser une somme de 10 000 euros :

9. D'une part, le prononcé d'une amende pour recours abusif sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative relève d'un pouvoir propre du juge et ne peut être demandé par les parties. D'autre part, il ne ressort ni de la teneur des écritures et des éléments produits par la société EMS en appel, ni des circonstances dans lesquelles elle a saisi la cour contre le jugement du 15 mars 2022, sans interjeter appel contre le jugement n° 2002642 du 22 mars 2022 rejetant comme non fondées ses conclusions indemnitaires également présentées dans une autre instance, que sa requête constitue un abus de droit. Par suite, en admettant même que les conclusions de la commune de Fécamp tendant à la condamnation de la société EMS à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative tendent, en réalité, à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du caractère abusif de l'appel formé par la société EMS, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par la société EMS devant la cour soient mis à la charge de la commune de Fécamp qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société EMS une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Fécamp au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EMS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Fécamp tendant à la condamnation de la société EMS à lui verser une somme de 10 000 euros sont rejetées.

Article 3 : La société EMS versera à la commune de Fécamp une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etudes Méthodes et Stratégies (EMS) et à la commune de Fécamp.

Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

Le président de la formation de jugement,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 22DA00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00844
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL AXIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22da00844 ?
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