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23/01/2024 | FRANCE | N°23DA01075

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 janvier 2024, 23DA01075


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pour une durée d'une année.



Par un jugement n° 2205689 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.




Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, M. A... B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pour une durée d'une année.

Par un jugement n° 2205689 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Olivier Cardon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travail à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et d'effacer son nom des fichiers SIS et FPR ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué émane d'une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé en fait et en droit, faute d'avoir été motivé au regard des stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il a été rendu après consultation de la commission du titre de séjour qui était irrégulièrement composée, qui n'a pas désigné un interprète en langue taki et si ses propos prononcés devant la commission ont été traduits par sa cousine, il n'a pas donné son accord pour que celle-ci procède à une telle traduction ;

- ses propos n'ayant pas été retranscrits dans le procès-verbal de la commission du titre de séjour, il a été privé du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union Européenne ;

- le préfet n'a pas sérieusement examiné sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;

- sa présence en France ne représente pas une menace actuelle à l'ordre public ;

- l'arrêté est contraire aux articles L. 423-7, L. 423-8 et L. 611-3, 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est contraire aux stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son isolement au Surinam ;

- la décision portant interdiction de retour d'une durée d'an est contraire aux articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, le préfet du Nord demande à la cour de rejeter la requête et s'en remet aux moyens soulevés devant le tribunal administratif de Lille.

Par une ordonnance du 27 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de Me Clémence Troufléau, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant surinamais né le 1er février 1983, est entré en France le 27 février 2016. Le 15 novembre 2019, il a sollicité du préfet du Nord la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 21 juin 2022, le préfet du Nord lui en a refusé la délivrance, l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an. Il relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'appelant soulève à nouveau en appel, de manière identique, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté, du défaut de motivation de celui-ci et des vices affectant la procédure de consultation de la commission du titre de séjour et il n'apporte pas d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges aux points 2 à 6 du jugement attaqué. Par suite, il y a lieu, par adoption de ces motifs, de les écarter.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Par ailleurs, l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives ne s'attache qu'aux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire des jugements définitifs et statuent sur le fond de l'action publique. Une décision rendue en dernier ressort présente à cet égard un caractère définitif, même si elle peut encore faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou est effectivement l'objet d'un tel pourvoi et si, par suite, elle n'est pas irrévocable. Une juridiction administrative ne commet donc pas d'erreur de droit en se fondant sur un arrêt d'une cour d'appel judiciaire qui a l'autorité de chose jugée alors même qu'il fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B..., le préfet du Nord a précisé que l'intéressé avait commis plusieurs infractions inscrites au fichier de traitement d'antécédents judiciaires et avait été condamné le 19 août 2016 par le tribunal correctionnel d'Arras à une peine d'emprisonnement de deux années pour des faits commis le 11 juillet 2016 de trafic de stupéfiants et d'importation en contrebande. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il a été condamné le 25 novembre 2021 par le tribunal correctionnel de Rennes à une peine d'emprisonnement de trois années pour avoir commis, entre le 1er novembre 2019 et le 20 janvier 2020, des faits d'acquisition et de trafic de stupéfiants en récidive, et que cette condamnation a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Rennes. Compte tenu de la gravité et du caractère répétitif des faits que M. B... a commis, qui sont récents, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation en considérant que sa présence en France représente actuellement une menace à l'ordre public. Dès lors, l'autorité administrative a pu légalement rejeter, pour ce seul motif, sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français. En outre, la circonstance que M. B... se soit pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif apprécie son droit au séjour au regard des faits pour lesquels il a été condamné dès lors que cette décision est définitive, sans qu'il puisse, par ailleurs, utilement invoquer la présomption d'innocence. Pour les mêmes motifs, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a insuffisamment examiné sa demande. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est père de trois enfants mineurs de nationalité française issus de sa relation avec une ressortissante française et qu'il vit en France en situation irrégulière depuis le mois de février 2016. S'il produit quelques photographies le montrant en compagnie de ses trois enfants ainsi que des attestations précisant qu'il s'occupe d'eux et que leur mère est venue lui rendre visite en détention, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir qu'il contribuerait effectivement à leur entretien et à leur éducation, ainsi que l'a estimé la commission du titre de séjour dans son avis du 15 mars 2022 après avoir entendu l'intéressé. En outre, s'il l'allègue, M. B... n'établit pas être dans une situation d'impécuniosité telle que la condition relative à la contribution financière à l'entretien de ses enfants ne devrait pas être retenue, dès lors que le couple perçoit plus de 2 600 euros d'allocations versées par la caisse d'allocations familiales du Nord comme le précise le certificat du 13 juillet 2022. Dans ces conditions, alors même que M. B... entretient des liens affectifs avec les six enfants de sa compagne, eu égard à la gravité des faits qu'il a commis, le préfet du Nord n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations citées au point 5.

7. En quatrième lieu, M. B... n'établissant pas, comme il vient d'être dit, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord, en édictant la mesure d'éloignement attaquée, a méconnu leur intérêt supérieur, protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il appartient à une catégorie d'étrangers ne pouvant pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement en vertu du 5 ° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'ils sont parents d'enfants français.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B... soutient qu'il risque d'être isolé en cas de retour au Surinam, une telle circonstance, à la supposer fondée, ne peut pas être qualifiée de risque inhumain ou dégradant au sens des stipulations précitées. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En sixième lieu, aux termes de L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

10. Eu égard à la situation de M. B..., telle qu'exposée aux points 4 et 6, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant d'édicter à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et en fixant sa durée à une année. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En dernier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'étant pas fondés, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination, octroyant un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, et en tout état de cause, il n'appartient pas à la cour de procéder à l'effacement d'un fichier des données relatives aux infractions commises une personne.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la cour

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA01075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01075
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;23da01075 ?
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