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23/01/2024 | FRANCE | N°23DA01018

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 janvier 2024, 23DA01018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300106 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui déliv

rer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un déla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300106 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que M. B... a omis de porter à sa connaissance la présence en France de ses parents et de son frère mineur, et n'est pas entré sur le territoire national avec un visa de long séjour dans le but de suivre des études sur le territoire national.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Djehanne Elatrassi-Diome, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable un an, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à M. B..., celui-ci ayant renoncé au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il émane d'un signataire incompétent ;

- la décision de refus de séjour n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 27 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er juillet 2000, est entré en France au cours du mois de septembre 2017. Le 15 octobre 2022, il a demandé son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel il a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur les moyens retenus par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, , sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté du 8 décembre 2022, les premiers juges ont estimé que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus en retenant, d'une part, que M. B... dispose d'attaches familiales importantes en France, caractérisées par la présence de ses parents, son père bénéficiant d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée le 2 mars 2022, de son frère mineur et par le fait qu'il vit en couple avec un ressortissante française à laquelle il est uni par un pacte civil de solidarité et d'autre part, que l'intéressé justifie de ses efforts d'intégration par l'accomplissement d'activités bénévoles associatives et par sa scolarisation en troisième année de licence " Analyse économique et financière " au sein du Conservatoire national des Arts et Métiers. Le préfet de la Seine-Maritime, qui ne conteste pas la matérialité de ces faits, déplore que M. B... ait omis de les porter à sa connaissance dans sa demande de délivrance d'un titre de séjour. A supposer même que cette demande, qui n'a pas été produite au dossier, ne comprenait pas ces différents éléments, une telle lacune ne prive pas le demandeur de la possibilité de bénéficier d'un titre de séjour s'il remplit les conditions posées par les dispositions et stipulations citées au point 2. En outre, M. B... ayant sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne rend pas opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 du même code tenant à la détention d'un visa de long séjour, le préfet de la Seine-Maritime ne peut utilement soutenir que l'intéressé est entré en France en étant démuni de ce visa.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 8 décembre 2022 et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... :

5. Le présent arrêt, qui rejette l'appel formé par le préfet de la Seine-Maritime, n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles qui ont été ordonnées par le jugement du 9 mai 2023. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. B... dans la présente instance.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à M. A... B....

Délibéré après l'audience publique du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°23DA01018 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01018
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;23da01018 ?
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