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18/01/2024 | FRANCE | N°22DA01434

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 22DA01434


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Cevep a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le maire de Gisors a rejeté sa demande d'abrogation du règlement local de publicité approuvé par une délibération du 18 décembre 2018 du conseil municipal et, d'autre part, les articles 3.1.1 et 4.1.1 de ce règlement en tant qu'ils interdisent les publicités à plat et scellées au sol sur les " axes sensibles ", ses articles 3.1.2, 3.1.3, 4.1.2 et 4.1.

3, ainsi que son lexique en tant qu'il définit le " mobilier urbain ".



Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cevep a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le maire de Gisors a rejeté sa demande d'abrogation du règlement local de publicité approuvé par une délibération du 18 décembre 2018 du conseil municipal et, d'autre part, les articles 3.1.1 et 4.1.1 de ce règlement en tant qu'ils interdisent les publicités à plat et scellées au sol sur les " axes sensibles ", ses articles 3.1.2, 3.1.3, 4.1.2 et 4.1.3, ainsi que son lexique en tant qu'il définit le " mobilier urbain ".

Par un jugement n°2100427 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, la société Cevep, représentée par Me Kevin Holterbach, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 mai 2022 ;

2°) d'annuler cette décision implicite du maire de Gisors ;

3°) d'abroger la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Gisors a approuvé son règlement local de publicité ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gisors la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'a pas été régulièrement signée ;

- le règlement local de publicité établit une discrimination illégale ;

- il porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- il ne comporte pas de mesures transitoires suffisantes.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2023, la commune de Gisors, représentée par Me Philippe Huon, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Cevep de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 juin 2023, l'instruction a été close avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Julien Hau substituant Me Kévin Holterbach, représentant la société Cevep, et Me Sandrine Garceries, représentant la commune de Gisors.

Une note en délibéré déposée par la commune de Gisors a été enregistrée le 26 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 9 janvier 2021, reçu le 13 janvier 2021, la société Cevep a demandé au maire de Gisors d'abroger le règlement local de publicité approuvé par une délibération du 18 décembre 2018 du conseil municipal. Le silence gardé par le maire sur cette demande pendant un délai de deux mois a fait naître le 13 mars 2021 une décision implicite de rejet. La société Cevep a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, cette décision implicite et, d'autre part, les articles 3.1.1 et 4.1.1 de ce règlement en tant qu'ils interdisent les publicités à plat et scellées au sol sur les " axes sensibles ", ses articles 3.1.2, 3.1.3, 4.1.2 et 4.1.3, ainsi que son lexique en tant qu'il définit le " mobilier urbain ". Par un jugement du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. La société Cevep interjette appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celle-ci est revêtue de la signature de la présidente de la formation de jugement, également rapporteure, de l'assesseur le plus ancien et de la greffière. Cette minute satisfait ainsi aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures manuscrites est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il ressort de ses écritures que l'appelante ne conteste le jugement attaqué qu'en tant que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Gisors a refusé de convoquer le conseil municipal aux fins d'abroger le règlement local de publicité.

En ce qui concerne le cadre juridique :

S'agissant de la police de la publicité :

5. Aux termes de l'article L. 581-14 du code de l'environnement : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la métropole de Lyon ou, à défaut, la commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10. / Sous réserve des dispositions des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-13, le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national (...) ".

6. Ces dispositions permettent au règlement local de publicité de définir une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l'affichage, qui leur permet notamment d'interdire dans ces zones toute publicité ou certaines catégories de publicité en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés.

7. Dès lors que les dispositions d'un règlement local de publicité sont susceptibles d'affecter l'activité économique de l'affichage, la circonstance qu'elles ont pour objectif la protection du cadre de vie n'exonère pas l'autorité investie des pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces dispositions en recherchant si elles ont été prises compte tenu de cet objectif, de cette liberté et de ces règles, et si ces dispositions en ont fait, en les combinant, une exacte application.

S'agissant des pouvoirs du maire :

8. Aux termes de l'article L. 581-14-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement local de publicité est élaboré, révisé ou modifié conformément aux procédures d'élaboration, de révision ou de modification des plans locaux d'urbanisme définies au titre V du livre Ier du code de l'urbanisme, à l'exception des dispositions relatives à la procédure de modification simplifiée prévue par l'article L. 153-45 et des dispositions transitoires du chapitre IV du titre VII du code de l'urbanisme (...) ".

9. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme (...) est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8 ". Aux termes de l'article L. 153-8 du même code : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de : / (...) / 2° La commune lorsqu'elle n'est pas membre d'un tel établissement public (...) ". Aux termes de l'article R. 153-19 du même code : " L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le conseil municipal (...) ".

10. Aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-10 du même code : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ".

11. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du règlement local de publicité qu'il a approuvé, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion de ce conseil. Le maire ne peut pas légalement prendre une telle décision si les dispositions dont l'abrogation est sollicitée sont légales. Dans l'hypothèse inverse, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer l'abrogation des dispositions illégales.

En ce qui concerne l'office du juge de l'excès de pouvoir :

12. En raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Cette contestation peut prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de faits postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".

13. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.

14. Les règles énoncées ci-dessus trouvent également à s'appliquer lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire refuse de convoquer le conseil municipal aux fins d'abroger les dispositions du règlement local de publicité.

En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :

15. Aux termes de l'article 1.2 du règlement local de publicité approuvé par la délibération du 18 décembre 2018 du conseil municipal de Gisors : " Quatre zones de publicité réglementées sont instituées couvrant l'ensemble du territoire de la commune de Gisors. / (...) / 1.2.2 La zone de publicité réglementée n°2 (ZR2) - habitation et équipements en agglomération : / cette zone (...) concerne l'intégralité des secteurs agglomérés dont le bâti a une vocation principale d'habitat hors ZR1. Elle comprend donc les extensions directes du centre ancien, les zones d'habitat collectif, les zones d'habitat pavillonnaire et les équipements culturels et sportifs. / 1.2.3. La zone de publicité réglementée n°3 (ZR3) - activité en agglomération : / cette zone (...) regroupe les secteurs à forte vocation commerciale, de services, artisanale et industrielle dont les bâtiments ont, en majorité, une architecture adaptée à ce type d'activités ".

16. Au sein des zones réglementées n°2 et n°3, les articles 3.1.1 et 4.1.1 du règlement local de publicité interdisent sur les " axes sensibles " les " publicités à plat et scellée au sol ". Ces axes sont clairement identifiés sur le " plan de zonage " et comprennent une partie des voies suivantes : " D10, D14B, route de Paris, rue de la Libération, D15B (dont rue François Cadennes et rue de Dieppe), D181 (rue du faubourg Cappeville, rue Albert Forcinal), D981 ". Comme le précise le règlement, cette interdiction de publicité s'applique sur l'emprise de ces voies et sur " une bande de 30 m de part et d'autre de l'axe de la voirie considérée ". Par exception, les articles 3.1.1 et 4.1.1 autorisent, au sein des axes sensibles, l'affichage de publicités sur le " mobilier urbain " dans la limite de deux mètres carrés en zone réglementée n°2 et de huit mètres carrés en zone réglementée n°3.

17. Le lexique annexé au règlement local de publicité définit le mobilier urbain recevant de la publicité comme " toute installation ayant fait l'objet d'une convention avec la commune, implantée sur le domaine public, présentant un caractère d'intérêt général et répondant aux dispositions des articles R. 581-42 à R. 581-47 du code de l'environnement ".

18. Par ces installations, le lexique mentionne " les abris destinés au public (abris voyageurs notamment) ", " les kiosques à journaux et autres kiosques à usage commercial édifiés sur le domaine public ", " les colonnes porte-affiches ne pouvant supporter que l'annonce de spectacles ou de manifestations culturelles ", " les mâts porte-affiches ne pouvant comporter plus de deux panneaux situés dos à dos et présentant une surface maximale unitaire de 2 mètres carrés utilisable exclusivement pour l'annonce de manifestations économiques, sociales, culturelles ou sportives ", " le mobilier urbain destiné à recevoir des informations non publicitaires à caractère général ou local, ou des œuvres artistiques, ne pouvant supporter qu'à titre accessoire une publicité commerciale de la même surface total que celle réservée à ces informations et œuvres (planimètres par exemple) ".

S'agissant du moyen tiré d'une atteinte au principe d'égalité :

19. Il est vrai que les dispositions précitées des articles 3.1.1 et 4.1.1 du règlement local de publicité, telles qu'éclairées par son lexique, n'autorisent, sur les axes dits " sensibles " au sein des zones réglementées n°2 et 3, la publicité à plat ou scellée au sol que sur le " mobilier urbain " et à la condition que cette installation de publicité fasse " l'objet d'une convention avec la commune ".

20. Toutefois, la conclusion d'une telle convention ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de n'autoriser, sur ces axes sensibles, l'implantation de mobilier urbain que sur le seul domaine public appartenant à la commune de Gisors, à l'exclusion de celui appartenant à d'autres personnes publiques. A cet égard, il ressort du rapport de présentation que la commune de Gisors a notamment entendu appliquer les dispositions litigieuses à l'affichage de publicité sur le mobilier urbain implanté " le long des voies dont la commune n'est pas le gestionnaire (routes départementales par exemple) ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré d'une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie :

21. Il ressort des pièces du dossier et notamment des articles 3.1.1 et 4.1.1 du règlement local de publicité que les " axes sensibles ", dont l'emprise foncière est définie de manière précise et restrictive au sein des zones réglementées n°2 et 3, correspondent à des voies très fréquentées, situées en " entrée de ville " et qui, selon le rapport de présentation, " constituent la première image de la commune pour les personnes en transit ". Par les dispositions contestées, les auteurs du plan local de publicité ont ainsi poursuivi l'objectif de préserver la qualité du cadre de vie communal, en tenant compte des caractéristiques particulières de ces axes sensibles.

22. En outre, si la publicité à plat et scellée au sol est interdite sur ces axes sensibles, alors que ces derniers présentent, comme le soutient l'appelante, un fort intérêt commercial pour les sociétés d'affichage, les dispositions précitées des articles 3.1.1 et 4.1.1 n'édictent pas d'interdiction générale et absolue, mais autorisent sur ces axes les publicités à plat et scellée au sol à la condition qu'elles soient affichées sur un " mobilier urbain " dans les conditions rappelées ci-dessus, en proportionnant la surface d'affichage de ce mobilier selon les caractéristiques des zones n°2 et 3. Ces dispositions assurent ainsi, de manière proportionnée, une maîtrise de l'affichage de la publicité sur les axes sensibles, conformément à l'objectif mentionné au point précédent.

23. Enfin, si l'appelante soutient que les dispositions applicables en dehors des axes sensibles sont trop restrictives, elle ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations, alors que, d'une part, la zone réglementée n°1 couvre " le centre ancien (...) concentrant l'essentiel du patrimoine architectural de Gisors " et que, d'autre part, dans les zones réglementées n°2 et 3, la publicité à plat et scellée au sol est autorisée, hors axes sensibles, sur le mobilier urbain implanté sur le " domaine public " ou, à défaut, dans le respect de règles de densité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté du commerce et de l'industrie doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance des mesures transitoires :

24. Aux termes de l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date ". Aux termes de l'article L. 221-5 du même code : " L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause (...) ".

25. Aux termes de l'article L. 221-6 du même code : " Les mesures transitoires mentionnées à l'article L. 221-5 peuvent consister à : / 1° Prévoir une date d'entrée en vigueur différée des règles édictées ; / 2° Préciser, pour les situations en cours, les conditions d'application de la nouvelle réglementation ; / 3° Enoncer des règles particulières pour régir la transition entre l'ancienne et la nouvelle réglementation ".

26. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Gisors a approuvé son règlement local de publicité prévoit que ses dispositions entrent en vigueur après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de leur transmission au préfet de l'Eure. La même délibération édicte des mesures transitoires aux termes desquelles " les publicités et préenseignes conformes aux réglementations antérieures auront deux ans pour se mettre en conformité avec les dispositions du RLP en vigueur et les enseignes six ans ".

27. Si l'appelante soutient que des mesures transitoires complémentaires auraient dû être édictées, dès lors que le territoire de Gisors n'était couvert par aucun règlement local de publicité avant celui litigieux, elle ne produit toutefois pas d'élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations, notamment sur les inconvénients qui résulteraient, pour les intérêts publics ou privés, des conditions d'entrée en vigueur du règlement, alors que, d'une part, le projet de règlement a fait l'objet d' " ateliers de concertation " dès 2017 puis d'une enquête publique du 8 octobre au 7 novembre 2018, à laquelle a d'ailleurs participé l'Union de la publicité extérieure, et que, d'autre part, la nouvelle réglementation ne s'appliquera pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur conformément aux dispositions précitées de l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance des mesures transitoires doit être écarté.

28. En l'absence de changement de circonstance, il résulte de tout ce qui précède que la société Cevep n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Gisors a refusé de convoquer le conseil municipal aux fins d'abroger le règlement local de publicité.

Sur les conclusions aux fins d'abrogation :

29. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les conclusions tendant à l'abrogation du règlement local de publicité doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Gisors, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la société Cevep et non compris dans les dépens.

31. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cevep le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Gisors au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Cevep est rejetée.

Article 2 : La société Cevep versera une somme de 2 000 euros à la commune de Gisors en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cevep et à la commune de Gisors.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01434

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01434
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : HOLTERBACH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22da01434 ?
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