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18/01/2024 | FRANCE | N°22DA00973

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 22DA00973


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, et des mémoires, enregistrés les 9 mai 2023 30 juin 2023, le 7 septembre 2023, le 15 septembre 2023, le 24 novembre 2023 et le 1er décembre 2023, la société Auchan Hypermarché, représentée par la SELARL Letang Avocat, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2022 par lequel le maire de Dieppe a accordé à la société SAS Dieppedis un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un drive de cinq pistes pour un

e emprise au sol de 589 m², 24 avenue Normandie Sussex à Dieppe ;



2°) de mettre à...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, et des mémoires, enregistrés les 9 mai 2023 30 juin 2023, le 7 septembre 2023, le 15 septembre 2023, le 24 novembre 2023 et le 1er décembre 2023, la société Auchan Hypermarché, représentée par la SELARL Letang Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2022 par lequel le maire de Dieppe a accordé à la société SAS Dieppedis un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un drive de cinq pistes pour une emprise au sol de 589 m², 24 avenue Normandie Sussex à Dieppe ;

2°) de mettre à la charge de la société Dieppedis une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) n'ont pas été régulièrement convoqués ;

- l'article L. 752-21 du code de commerce a été méconnu, la société pétitionnaire n'ayant pas suffisamment pris en compte l'avis du 4 octobre 2021 de la Commission nationale, le projet modifié n'apportant aucun changement par rapport au projet initial ;

- le pétitionnaire a commis une fraude en présentant des pièces erronées à la CNAC ;

- le dossier était incomplet en ce qui concerne l'étude des flux de circulation ;

- la société pétitionnaire n'a pas déposé de permis de construire modificatif, démontrant ainsi qu'elle n'entendait pas modifier son permis initial ;

- le projet, dans son exécution, ne respecte pas l'avis de la CNAC ;

- le projet ne répond pas aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs, au regard de plusieurs des critères associés à ces objectifs, tels qu'ils sont fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires, enregistrés les 13 février 2023, 9 juin 2023 10 juillet 2023, 4 décembre 2023 et 15 décembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Dieppedis, représentée par Me Jean Courrech, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Auchan Hypermarché ;

2°) de mettre à la charge de la société Auchan Hypermarché la somme de 3 000 euros à verser à la société Dieppedis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 février 2023, le 1er juin 2023, le 28 juin 2023, le 6 juillet 2023, le 11 octobre 2023 et le 4 décembre 2023, la commune de Dieppe, représentée par Me Henri Abecassis, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Auchan ;

2°) de mettre à la charge de la société Auchan Hypermarché la somme de 5 000 euros à verser à la commune de Dieppe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen tiré des modifications du projet en l'absence de permis de construire modificatif a été soulevé par la société dans deux mémoires du 7 septembre 2023 et du 15 septembre 2023 et est donc irrecevable en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme et que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

La Commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces enregistrées le 12 mai 2023 et le 30 novembre 2023 qui ont été régulièrement communiquées.

La procédure a été communiquée à la société Thimont qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Elise Danzé, représentant la société Auchan hypermarché, de Me Fanny Morisseau, représentant la société Dieppedis et de Me Licia Bosco Damous représentant la commune de Dieppe.

Une note en délibéré présentée par la société Auchan Hypermarché, a été enregistrée le 22 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige

1. La SAS Dieppedis a déposé le 6 juillet 2020 une demande de permis de construire valant autorisation d'aménagement commercial pour créer à Dieppe, 24 avenue Normandie Sussex, un service de drive de cinq pistes d'une emprise au sol de 589 m². La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Nord a émis le 29 octobre 2020 un avis favorable au projet. Saisie par les sociétés Auchan Hypermarché et Thimont, concurrentes de la SAS Dieppedis, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis défavorable au projet le 4 mars 2021. Le 11 octobre 2021, la SAS Dieppedis a, de nouveau, au titre de l'article L. 752-21 du code du commerce, saisi la CNAC qui a émis un avis favorable, le 10 février 2022. Le 8 mars 2022, le maire de la commune de Dieppe a accordé le permis sollicité. La société Auchan Hypermarché demande l'annulation de ce permis en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / (...) 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / (...) 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / (...) 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / (...) 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / (...) 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la CNAC ont été destinataires simultanément le 26 janvier 2022 à 10H49, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 10 février 2022, au cours de laquelle celle-ci devait examiner le projet en litige. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La société gestionnaire de l'application www.e-convocations.com certifie que les convocations ont bien été transmises de façon simultanée à l'ensemble des destinataires. Il ressort de la capture d'écran issue de la plate-forme de téléchargement que les dossiers inscrits à la séance de la Commission du 10 février 2022 ont été mis à disposition des membres le 3 février 2022, ce qu'atteste également le secrétariat de la commission. Le compte-rendu de la réunion du 10 février 2022 fait mention de la présence de huit membres de la Commission nationale et ne fait état d'aucune difficulté de convocation ou de téléchargement des pièces. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le moyen tiré de l'existence d'un vice dans la procédure de convocation devant la Commission nationale doit être écarté.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de demande :

4. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable : " I. - La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / (...) / 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / (...) / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / (...) ".

5. La société requérante soutient que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet car il ne comprend pas d'étude des flux de circulation. Toutefois, le dossier déposé devant la CNAC fait état d'une étude de marché réalisée en 2020 par le bureau d'études Polygone sur la base de comptages effectués en 2017. La société pétitionnaire indique, sur la base de cette étude, que le trafic journalier sur la route départementale 154 à deux fois deux voies qui dessert le site du projet est de 20 899 véhicules. Elle précise que le seuil de gêne pour ce type de voies est de 25 000 véhicules par jour et que le seuil de saturation se situe à 45 000 véhicules par jour. Elle ajoute que le flux supplémentaire induit par le projet devrait être de 180 véhicules par jour, soit une augmentation de moins d'un pour cent du trafic. Dès lors, la société Dieppedis a produit tous les éléments nécessaires à l'évaluation des flux journalier. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce et la réalisation d'un bardage en bois :

6. Aux termes de cet article: " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial. ".

7. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un projet soumis à permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale fait l'objet d'un avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) pour un motif de fond, une nouvelle demande d'autorisation de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à raison d'un nouveau projet sur le même terrain ne peut être soumise, pour avis, à une commission d'aménagement commercial que pour autant que le pétitionnaire justifie que sa demande comporte des modifications en lien avec la motivation de l'avis antérieur de la CNAC. Il en découle qu'il appartient à la commission d'aménagement commercial saisie de ce nouveau projet de vérifier que cette condition préalable est satisfaite et, seulement dans l'hypothèse où elle l'est, de procéder au contrôle qui lui incombe du respect des autres exigences découlant du code de commerce, y compris, s'agissant des exigences de fond, de celles dont il avait été antérieurement estimé qu'elles avaient été méconnues ou dont il n'avait pas été fait mention dans l'avis de la CNAC.

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet a fait l'objet d'un avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 mars 2021 au motif que l'insertion architecturale et paysagère était insuffisante et que le projet entrainait une imperméabilisation des sols trop importante. Le 11 octobre 2021, la pétitionnaire a présenté une nouvelle demande ayant le même objet.

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, que dans son dossier modifié, la société Dieppedis a annoncé reprendre significativement la façade principale et que les plans transmis dans le cadre de l'instruction du dossier à la Commission nationale en janvier 2022 comprennent une extension du bardage en bois des façades et notamment de l'auvent et de la façade principale. Par ailleurs, le projet modifié prévoit ainsi une hausse globale de la surface perméable de 2 531 m², l'implantation de 18 arbres, une hausse globale de la superficie des espaces verts qui passera de 6 à 12% de la superficie totale. Il ressort donc de ces éléments que le dossier modifié a pris en compte le premier avis de la Commission nationale pour améliorer l'insertion architecturale et paysagère du projet, alors que le terrain d'assiette supporte une concession automobile inoccupée et est très peu végétalisé. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-21 doit donc être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ". Si la société appelante soutient que le dossier de permis de construire déposé en mairie de Dieppe ne comprenait pas les modifications de façades prévues dans le dossier de revoyure examiné par la Commission nationale d'aménagement commercial et qu'aucune demande de permis modificatif n'a été déposée depuis la délivrance du permis du 8 mars 2022, ce moyen qui a trait à la régularité du permis de construire en tant qu'autorisation de construire ne peut être invoqué en application des dispositions précitées par la société requérante, concurrente de la société pétitionnaire et le contenu du dossier de demande de permis de construire en tant qu'autorisation d'urbanisme est sans influence sur l'avis de la Commission nationale qui statue au vu du dossier spécifique constitué pour la demande d'autorisation d'exploitation commerciale en application du code de commerce. Au demeurant, une telle circonstance, si elle est avérée, a pour seul effet d'obliger le cas échéant la société pétitionnaire à déposer une demande de permis modificatif.

11. En troisième lieu, si la société Auchan soutient que la SAS Dieppedis n'a nullement l'intention de respecter l'avis de la Commission nationale comme le démontreraient les travaux en cours, ce moyen a trait à l'exécution même du permis de construire et est donc sans incidence sur sa légalité, outre qu'il n'est pas établi que les travaux soient achevés. Dès lors ce moyen doit être écarté comme inopérant.

12. En quatrième lieu, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit que le dossier soumis à l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial contiendrait, contrairement à ce que soutient la société appelante, des informations erronées notamment en ce qui concerne les modifications du volet architectural ainsi que du volet relatif à la perméabilité des sols. Par suite, le moyen tiré de la fraude doit être écarté.

En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères prévus à l'article L. 752-6 du code de commerce :

13. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable : " I. L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

14. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

15. Le projet consiste à créer, sur le site d'une ancienne concession automobile, un " drive " à l'enseigne " Leclerc " ainsi qu'un service de location de véhicules implanté jusque-là auprès de l'hypermarché " Leclerc " situé sur la commune de Martin-Eglise, à 4 mn du projet. Il prend place en entrée de ville de Dieppe dans une zone commerciale à environ 2 km du centre-ville. Le projet ayant pour objet, du fait de sa fonction, le retrait des achats au moyen d'un véhicule automobile, il est par nature difficilement localisable en centre-ville. Il vient résorber une friche commerciale, dans une zone commerciale déjà existante et va contribuer à l'animation de la vie urbaine. Il ne compromet pas l'objectif de préservation du centre urbain.

16. Il ressort des pièces du dossier que le projet a pour vocation d'attirer principalement une clientèle véhiculée. La circonstance que le terrain d'assiette ne prévoit pas de voie spécialisée pour les modes de circulation " doux " ne saurait ainsi caractériser une insuffisance significative du projet qui demeure accessible à ce mode de circulation. De plus, si la desserte du site par les transports en commun est faible, un réseau de bus proposant un service de transport en commun sur demande existe à proximité du projet. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la voie de desserte du projet ne pourrait pas absorber les flux de circulation supplémentaires, y compris pendant la période estivale.

17. Il n'est ainsi pas établi que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire énoncé par l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant du développement durable :

18. Pour satisfaire à l'impératif d'insertion paysagère, le projet de " revoyure " prévoit la mise en place, sur le bâtiment existant, d'un bardage en bois à claire-voie. Par ailleurs, le projet permet, ainsi qu'il a été dit, la réhabilitation d'une friche très peu végétalisée, et prévoit une hausse de la superficie des espaces verts par rapport à l'existant, même si cette surface reste modeste, ainsi que la plantation de 18 arbres. La pétitionnaire prévoit également l'augmentation de la surface perméable du site en mettant en place un revêtement perméable sur l'ensemble des places de stationnement et des pavés drainants sur la voie de circulation faisant ainsi passer le taux de perméabilité des sols de 6% à 33%. Il ressort en outre des pièces du dossier que la rétention des éléments polluants est prévue. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, le projet ne prévoit pas une artificialisation supplémentaire des sols.

18. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du projet modifié que la SAS Dieppedis détaille avec suffisamment de précision les mesures qui seront mises en place pour assurer l'isolation thermique du bâtiment ainsi qu'une utilisation effective des énergies renouvelables notamment par la mise en place de panneaux photovoltaïques.

19. Il n'est ainsi pas établi que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif de développement durable énoncé par l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de la protection des consommateurs :

20. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le projet se situe sur une zone ayant connu des phénomènes d'inondations, il est toutefois précisé dans le plan de prévention des risques naturels de la vallée des Arcques que le site est en zone remblayée et que le terrain ne présente pas de ruissellement. En outre, les risques d'inondation ne représenteront un aléa fort qu'à l'horizon 2100. Enfin, le projet comprend un étage permettant l'accueil des clients et des personnels en cas d'inondation.

21. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les camions de livraison accèderont au site par une voie différente des clients de l'établissement et que leurs flux ne se croisent pas. Si la société Auchan Hypermarché se prévaut du risque existant sur la voie publique, elle n'apporte aucun élément permettant d'étayer ses allégations et n'établit pas l'existence de risques particuliers pour la sécurité des usagers du site ou des voies de desserte, alors que les pièces du dossier démontrent une visibilité depuis les accès du site.

22. Il n'est ainsi pas établi que le projet, qui contribue à la diversification de l'offre commerciale, serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif de protection des consommateurs énoncé par l'article L. 752-6 du code de commerce.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SELARL Dieppedis, et de la commune de Dieppe, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que demande la société Auchan Hypermarché au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

24. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Auchan Hypermarché, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros à verser à la société Dieppedis et une somme identique à verser à la commune de Dieppe.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Auchan Hypermarché est rejetée.

Article 2 : La société Auchan Hypermarché versera la somme de 2 000 euros à la SELARL Dieppedis et la somme de 2 000 euros à la commune de Dieppe au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Hypermarché, à la SELARL Dieppedis, à la commune de Dieppe, à la société Thimont et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience publique du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA00973 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00973
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL HENRI ABECASSIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22da00973 ?
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