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18/01/2024 | FRANCE | N°19DA02567

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 19DA02567


Vu la procédure suivante :



Par un premier arrêt avant-dire droit du 1er juin 2021, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur la demande présentée par l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. B... E... et Mme A... E... épouse D..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des co

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Vu la procédure suivante :

Par un premier arrêt avant-dire droit du 1er juin 2021, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur la demande présentée par l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. B... E... et Mme A... E... épouse D..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Vattetot-sous-Beaumont et de Saint-Maclou-la-Brière, jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un second arrêt avant-dire droit du 27 avril 2023, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur la même demande, jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2023, la société Centrale éolienne La Briqueterie, représentée par la société d'avocats Kalliopé, a demandé la prorogation du délai de sursis à statuer pour permettre à l'Etat de produire une autorisation environnementale modificative.

Par un mémoire enregistré le 7 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime a demandé la prorogation du délai de sursis à statuer pour être en mesure de produire une autorisation environnementale modificative.

Par un courrier du 9 août 2023, la cour a accordé au préfet de la Seine-Maritime une prolongation de quatre mois du délai imparti pour produire un arrêté de régularisation.

Par des mémoires enregistrés les 2 novembre et 15 décembre 2023, la société Centrale éolienne La Briqueterie, représentée par la société d'avocats Kalliopé, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de chacun des requérants à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet de la Seine-Maritime a pris le 23 octobre 2023 un arrêté portant régularisation de son arrêté du 26 juillet 2019 ;

- les modifications apportées au projet par l'arrêté du 23 octobre 2023 n'ont pas un caractère substantiel justifiant une nouvelle demande d'autorisation environnementale ;

- le dossier de porter à connaissance n'est pas insuffisant ;

- le vice relevé au point 50 du second arrêt avant dire-droit de la cour du 27 avril 2023 portant sur les risques d'atteinte à la sécurité publique a été régularisé.

Par des mémoires enregistrés les 3 novembre et 14 décembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il a pris le 23 octobre 2023 un arrêté qui régularise le vice tenant au risque d'atteinte à la sécurité publique ;

- les moyens des requérants contestant la légalité de cet arrêté ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 11 décembre 2023 et 20 décembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. B... E... et Mme A... E... épouse D..., représentés par Me Sébastien Echezar, demandent à la cour :

- d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Vattetot-sous-Beaumont et de Saint-Maclou-la-Brière, ainsi que l'arrêté du 30 septembre 2022 et l'arrêté du 23 octobre 2023 portant régularisation de l'arrêté du 26 juillet 2019 ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la modification intervenue est substantielle, justifiant le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation environnementale ;

- l'étude de danger est incomplète ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation du risque pour la sécurité publique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Sébastien Echezar, représentant l'association Belle Normandie Environnement et autres, et de Me Chloé Daheron, représentant la société centrale éolienne la Briqueterie.

L'association Belle Normandie Environnement et autres a déposé une pièce lors de l'audience.

Une note en délibéré déposée par l'association Belle Normandie Environnement et autres a été enregistrée le 11 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Vattetot-sous-Beaumont et de Saint-Maclou-la-Brière.

2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ". Le 2° du I de l'article L. 181-18 permet au juge, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant-dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation. Ces dispositions peuvent trouver à s'appliquer que le vice constaté entache d'illégalité l'ensemble de l'autorisation environnementale ou une partie divisible de celle-ci. Rien ne fait par ailleurs obstacle à un sursis à statuer dans le cas où le vice n'affecte qu'une phase de l'instruction, dès lors que ce vice est régularisable. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l'autorisation attaquée. Cette régularisation implique l'intervention d'une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S'il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi.

3. Par son premier arrêt avant-dire droit du 1er juin 2021, la cour a considéré que le caractère suffisant de l'étude acoustique, des prescriptions visant à réduire les nuisances sonores et notamment du plan de bridage n'était pas établi. En conséquence, jugeant que ces illégalités pouvaient être régularisées par la réalisation d'une étude acoustique permettant d'apprécier l'impact sonore du parc projeté et de préciser les prescriptions et notamment le plan de bridage acoustique devant être mis en œuvre, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification de l'arrêt.

4. Le préfet de la Seine-Maritime a pris le 30 septembre 2022 un arrêté portant régularisation de l'arrêté du 26 juillet 2019.

5. Par son second arrêt avant-dire droit du 27 avril 2023, la cour a considéré que la société pétitionnaire avait régularisé le vice tenant au caractère insuffisant de l'étude acoustique et des prescriptions visant à réduire les nuisances sonores. Elle a cependant jugé que la distance entre les éoliennes E3 et E4 et les réseaux, notamment l'oléoduc d'hydrocarbures appartenant au réseau des oléoducs de défense commune relevant de l'OTAN qui traverse la commune de Vattelot-sous-Beaumont, était inférieure à celle exigée par les prescriptions techniques de la société Trapil, qui gère cet oléoduc, et que le projet d'autorisation modifié présentait un risque d'atteinte à la sécurité publique. En conséquence, jugeant que cette illégalité pouvait être régularisée par l'édiction d'une décision modificative au vu d'une demande établissant que l'éolienne E3 et le déplacement de l'éolienne E4 ne portaient pas atteinte à la sécurité des installations gérées par la société Trapil, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt.

6. A la suite de cet arrêt et après avoir obtenu une prolongation de quatre mois du délai imparti pour produire un arrêté de régularisation, le préfet de la Seine-Maritime a pris, le 23 octobre 2023, un nouvel arrêté portant régularisation de son arrêté du 26 juillet 2019, sur la base du dossier porté à sa connaissance le 5 juin 2023 par la société Centrale éolienne La Briqueterie prévoyant de modifier les coordonnées d'implantation de trois éoliennes du parc qu'elle envisage d'exploiter sur les communes de Saint-Maclou-la Brière et Vattetot-sous-Beaumont. Les requérants demandent l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2023, en plus de celle de l'arrêté du 26 juillet 2019 et de l'arrêté du 30 septembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

En ce qui concerne la nature de la modification contenue dans l'arrêté du 23 octobre 2023 :

8. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. /En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. /L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". Aux termes de l'article R. 181-46 de ce code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : /1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; /2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; /3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. /La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. -L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 5 c. de l'instruction du gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l'appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres : " (...) A titre indicatif, on peut généralement considérer, en l'absence de sensibilité particulière par ailleurs, que : / un déplacement du mât à l'intérieur de la surface de survol des pales de l'éolienne en plaine agricole relève d'une modification notable (...).

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la modification consiste principalement à déplacer les éoliennes E3 et E4 respectivement de 52 et 78 mètres par rapport aux points initiaux et que ce déplacement aboutit à resserrer le périmètre occupé par le projet, tout en conservant l'aspect général du parc. La modification en cause ne constitue donc pas une extension du projet telle que visée au 1° de l'article R.181-46 du code de l'environnement.

10. En deuxième lieu, elle ne peut davantage être regardée comme relevant du 2° de ce même article, alors que les seuils quantitatifs et les critères n'ont pas été fixés par l'arrêté annoncé par ce 2°. L'instruction du gouvernement précitée dont se prévalent les requérants n'a pas de valeur réglementaire et ne saurait se substituer à cet arrêté. Au demeurant, si cette instruction " vise à fournir des éléments d'appréciation du caractère substantiel de la modification d'un projet ", elle contient des indications qui " sont (...) à considérer comme des lignes directrices à appliquer dans le cadre d'une analyse détaillée de chaque cas particulier et non comme des critères à appliquer automatiquement (sauf cas prévus comme tels par la réglementation et décrits au point 3, à savoir une augmentation du nombre de mâts (pour les mâts de plus 50 mètres), une augmentation de puissance de plus de 20 MW (pour les mâts entre 12 et 50 mètres), ou une augmentation de la hauteur des éoliennes conduisant à passer d'une hauteur de mât inférieure à 50 m à une hauteur supérieure à 50 m) ". La modification de l'autorisation en litige, qui consiste à déplacer certaines éoliennes, ne fait pas partie des cas dans lesquels les indications fournies par l'instruction du gouvernement doivent être regardées comme des critères à appliquer automatiquement. Enfin, si cette instruction indique que le " déplacement du mât à l'intérieur de la surface de survol des pales de l'éolienne en plaine agricole relève d'une modification notable ", il ne saurait en être déduit que le déplacement du mât en dehors de cette aire constitue nécessairement une modification substantielle, alors que l'instruction précise qu'" en ce qui concerne les autres types de modification, le caractère substantiel de la modification sera apprécié au cas par cas sur la base des éléments d'appréciation transmis dans le cadre du dossier de modification ".

11. En troisième lieu, la société pétitionnaire a communiqué à l'appui de son dossier de " porter à connaissance " des études acoustique, écologique et paysagère complémentaires. Les nouveaux photomontages, dont certains ont été réalisés à proximité des habitations, démontrent que le déplacement des éoliennes est peu perceptible sur le plan visuel. Si la nouvelle étude acoustique a révélé un possible dépassement des seuils réglementaires en période nocturne, le plan de bridage a été ajusté en conséquence pour respecter les seuils d'émergence réglementaires. Dans ces conditions, alors qu'elles ont précisément pour objet de remédier à un risque identifié dans l'arrêt avant-dire droit du 27 avril 2023 d'atteinte à la sécurité publique, les modifications actées dans l'arrêté du 23 octobre 2023 ne sont pas, contrairement à ce que prétendent les requérants, de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement.

12. Il suit de là que les modifications ne présentent pas un caractère substantiel mais seulement un caractère notable. Dès lors, en considérant que la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale n'était pas requise, le préfet n'a pas fait une inexacte appréciation des dispositions de l'article L.181-14 du code de l'environnement précitées.

En ce qui concerne l'insuffisance des éléments d'appréciation portés à la connaissance du préfet de la Seine-Maritime :

13. Aux termes de l'article R. 181-46 du code de l'environnement : " (...) II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. (...) ".

14. En premier lieu, il résulte de l'arrêt avant-dire droit du 27 avril 2023 que la cour a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude de dangers en considérant que " à la date de l'arrêté initial, la société pétitionnaire avait été informée par un courrier de la société Trapil que son réseau ne serait pas affecté par la construction du parc éolien. Cette information ainsi qu'une carte localisant le réseau Trapil se trouvaient dans le dossier de demande d'autorisation initiale. Si, dans le cadre de la procédure de régularisation [ayant abouti à l'arrêté du 30 septembre 2022], la société Trapil a signalé, dans un courrier du 24 juin 2022, que de nouvelles prescriptions techniques devaient être respectées, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles étaient déjà en vigueur à la date de l'arrêté d'autorisation du 26 juillet 2019 ". Par suite, et conformément aux principes exposés au point 7, les requérants ne peuvent utilement invoquer un moyen qui a déjà été écarté par la cour à l'égard de l'arrêté du 26 juillet 2019 et de l'arrêté du 30 septembre 2022.

15. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le dossier de " porter à connaissance " communiqué en juin 2023 par la société pétitionnaire au préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas comporté l'ensemble des éléments d'appréciation nécessaires à l'édiction de l'arrêté du 23 octobre 2023.

16. D'une part, l'étude de dangers a été réalisée sur la base d'un raisonnement scientifique, en application de calculs mathématiques, conformément au guide technique d'élaboration de l'étude de dangers dans le cadre des parcs éoliens de mai 2012, qui ne détaille que cinq scenarii de risques- effondrement de l'éolienne, chute de glace, chute d'éléments de éolienne, projection de pales ou de fragments de pales et projection de glace - sans envisager l'hypothèse de la projection d'une pale faisant une rotation supplémentaire sur l'extrémité ayant touché le sol. Par ailleurs, si ce guide indique comme raisonnable une distance d'effet de 500 mètres pour la prise en compte des projections de pales ou de fragments de pales dans le cadre des études de dangers des parcs éoliens, il précise que " dans l'accidentologie française rappelée en annexe, la distance maximale relevée et vérifiée par le groupe de travail précédemment mentionné pour une projection de fragment de pale est de 380 mètres par rapport au mât de l'éolienne. On constate que les autres données disponibles dans cette accidentologie montrent des distances d'effet inférieures. ". La distance d'effet peut ainsi être réduite ou augmentée sur la base d'une étude spécifique réalisée en fonction, notamment, de la situation du terrain d'implantation des éoliennes, de leurs emplacements et dimensions et de la vitesse maximale de rotation des pales.

17. D'autre part, il ressort de l'étude vibratoire réalisée le 17 janvier 2023, à la demande de la société Trapil, complétant et mettant ainsi à jour l'étude de dangers, qu'en cas de renversement d'éolienne et de projection de pales, la distance maximale de projection de pale entraînant une vibration ayant un impact sur l'oléoduc se situe à 243 mètres. Les requérants ne remettent pas sérieusement en cause cette distance en se bornant à souligner son écart avec la distance moyenne de 500 mètres. Ils ne contestent pas non plus sérieusement la validité de l'accord donné par la société Trapil au recul de l'éolienne E4 à une distance minimale de 268 mètres de l'oléoduc en se bornant à souligner l'absence de date du courriel formalisant cet accord et le défaut de qualité de son auteur, alors que le courriel, qui fait suite à une série d'échanges avec un chef de projet de la société Neoen, répond à sa demande du 17 février 2023, que son auteur est " responsable section lignes Trapil " et que ce courriel mentionne la date du 21 février 2023.

18. Il n'est ainsi pas démontré que le préfet n'aurait pas bénéficié de tous les éléments d'appréciation nécessaires avant de prendre son arrêté du 23 octobre 2023.

En ce qui concerne la régularisation du vice tenant au risque d'atteinte à la sécurité publique :

19. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques (...). "

20. Il résulte de l'instruction que les modifications des coordonnées d'implantation de trois éoliennes, dont les éoliennes E3 et E4, ont été régulièrement validées par la société Trapil, ainsi que cela a été dit au point 17 du présent arrêt. D'une part, contrairement à ce qu'allèguent les requérants, la société Trapil n'a pas exigé que les éoliennes soient éloignées de l'oléoduc à une distance équivalente à quatre fois leur hauteur en bout de pales mais a seulement préconisé la réalisation d'une étude de risque en cas d'implantation à une distance inférieure. D'autre part, les requérants n'établissent pas le caractère insuffisant de la nouvelle distance de recul des éoliennes E3 et E4 par rapport à l'oléoduc, actée dans l'arrêté préfectoral du 23 octobre 2023, alors que l'éolienne E4 a été déplacée de 78 mètres vers le nord-ouest et se situe désormais à 272 mètres de l'oléoduc, conformément au minimum de 268 mètres posé par la société Trapil, et que l'éolienne E3, dont la distance avec l'oléoduc n'était pas problématique, a été reculée de celui-ci de 52 mètres également vers le nord-ouest " pour respecter un espacement suffisant entre ces 2 éoliennes, à la fois dans un souci de cohérence paysagère mais également pour éviter les effets de sillage entre les 2 éoliennes ". Enfin, si le nouvel emplacement des éoliennes ne permet toujours pas aux avions de surveillance de la société Trapil de survoler l'oléoduc et d'effectuer des inspections allant jusqu'à 215 mètres de part et d'autre de la canalisation, cette distance a été présentée seulement comme un maximum dans les courriers de la société Trapil qui a déclaré, dans le courriel du 21 février 2023, s'accommoder, en l'espèce, d'une distance inférieure.

21. Dans ces conditions, les modifications intervenues dans le cadre de la procédure de régularisation permettent d'établir le respect des prescriptions techniques posées par la société Trapil en matière de distance de sécurité par rapport à l'oléoduc et, par voie de conséquence, d'assurer la prévention des dangers pour la sécurité publique. Le vice tenant à ce que l'arrêté initial portait atteinte à la sécurité publique, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, doit donc être regardé comme régularisé.

22. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. B... E... et Mme A... E... épouse D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés des 26 juillet 2019, 30 septembre 2022 et 23 octobre 2023.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

24. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes exposées par la société Centrale éolienne La Briqueterie au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. E... et Mme E... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Centrale éolienne La Briqueterie au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société centrale éolienne La Briqueterie, à l'association Belle Normandie Environnement, à l'association société Pays de Caux, à M. B... E..., à Mme C... E... épouse D... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°19DA02567 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02567
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT - ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;19da02567 ?
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