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21/12/2023 | FRANCE | N°22DA02477

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 22DA02477


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le maire d'Elbeuf et le président de la métropole Rouen Normandie ont rejeté sa demande du 28 octobre 2019 tendant à la suppression ou à la modification des places de stationnement devant sa propriété et, d'autre part, de condamner la commune d'Elbeuf à lui verser la somme de 79 953,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à c

ompter de la date de réception de sa réclamation préalable, en réparation du préjudice qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le maire d'Elbeuf et le président de la métropole Rouen Normandie ont rejeté sa demande du 28 octobre 2019 tendant à la suppression ou à la modification des places de stationnement devant sa propriété et, d'autre part, de condamner la commune d'Elbeuf à lui verser la somme de 79 953,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la mise en œuvre de la procédure de péril ainsi que du préjudice anormal et spécial qu'il a subi en qualité de tiers à la voie publique.

Par un jugement n° 2000564 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision implicite par laquelle le maire d'Elbeuf a rejeté sa demande du 28 octobre 2019 tendant à la suppression ou à la modification des places de stationnement devant sa propriété. Il a également condamné la commune d'Elbeuf à verser la somme de 4 701,24 euros à M. B..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2020 et capitalisation un an plus tard puis à chaque échéance annuelle. Il a rejeté le surplus des demandes de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2022 et un mémoire enregistré le 20 mars 2023, M. B... représenté par Me Hélène Colliou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes ;

2°) de condamner la commune d'Elbeuf à lui verser la somme de 130 953,48 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable et assortie de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Elbeuf la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne vise pas les dispositions dont il fait application ;

- le jugement ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des fautes qu'il invoquait pour mettre en jeu la responsabilité de la commune ;

- la responsabilité de la commune est engagée pour carence dans l'exercice du pouvoir de police du maire, dès lors que ce dernier n'a pris aucune mesure pour assurer l'accès et le cheminement devant sa propriété ;

- la responsabilité de la commune est également engagée du fait de l'illégalité de péril visant sa propriété, cette décision ne respectant pas le principe du contradictoire, étant insuffisamment motivée, entachée d'incompétence négative et d'erreur de droit ;

- il a également fait l'objet d'une promesse non tenue de la part du maire ;

- la responsabilité de la commune est enfin engagée sans faute pour dommages de travaux publics ;

- il a subi des nuisances visuelles et pour accéder à sa propriété ;

- il a également subi une perte de loyer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, la commune d'Elbeuf, représentée par Me Sandrine Gillet, conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a condamné la commune à verser la somme de 4 701,24 euros à M. B... et à la mise à la charge de ce dernier de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le tribunal a statué ultra petita en assortissant la condamnation de la capitalisation des intérêts ;

- M. B... ne justifie d'aucun préjudice en lien direct avec la carence dans l'exercice du pouvoir de police ;

- M. B... ne peut se prévaloir à l'encontre de la commune d'une promesse non tenue par la métropole, outre qu'il n'allègue pas d'un préjudice indemnisable à ce titre ;

- l'arrêté de péril du 18 septembre 2019 était légal et ne saurait donc engager la responsabilité de la commune ;

- subsidiairement, l'appelant n'établit pas que le préjudice financier résulte de l'édiction de l'arrêté de péril.

Par un mémoire enregistré le 16 mars 2023, la métropole Rouen Normandie fait valoir qu'elle n'a pas d'observations sur la requête d'appel de M. B... qui est exclusivement dirigée contre la commune d'Elbeuf.

Les parties ont été informées que la cour était susceptible de fonder son jugement sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la majoration de la demande indemnitaire par rapport à la somme réclamée en première instance. Elles ont été invitées à faire valoir leurs observations.

Par une ordonnance du 19 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- l'arrêté du 15 janvier 2007 pris en application du décret 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Victoire Monange, représentant M. B....

Une note en délibéré présentée par M. B... a été enregistrée le 7 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation situé 77, rue de Neubourg, sur le territoire de la commune d'Elbeuf. Par un courrier du 28 octobre 2019, il a demandé au maire d'Elbeuf et au président de la métropole de supprimer les places de stationnement devant sa propriété ou à tout le moins de les déplacer en protégeant l'accès piéton par des plots. Parallèlement, par un arrêté de péril ordinaire du 18 septembre 2019, le maire d'Elbeuf a enjoint à M. B... de faire des travaux sur sa propriété. Par un courrier reçu le 3 février 2020, M. B... a formé une demande préalable auprès de la commune d'Elbeuf d'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis tant du fait de l'implantation de places de stationnement au droit de sa propriété que de l'illégalité de l'arrêté de péril du 18 septembre 2019. Il a ensuite saisi le tribunal administratif de Rouen tant de conclusions en excès de pouvoir d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 28 octobre 2019 que de conclusions indemnitaires. Par un jugement du 3 novembre 2022, le tribunal administratif a annulé la décision implicite par laquelle le maire d'Elbeuf a rejeté la demande de M. B... tendant à la suppression ou à la modification des places de stationnement devant sa propriété. Le tribunal a également condamné la commune d'Elbeuf à lui verser la somme de 4 701,24 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2020 et capitalisation le 5 février 2021 puis à chaque échéance annuelle. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires. Par la voie de l'appel incident, la commune d'Elbeuf demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée.

Sur l'étendue du litige :

2. Les parties ne demandent l'annulation du jugement qu'en tant qu'il condamne la commune d'Elbeuf à payer à M. B... la somme de 4 701,24 euros. L'annulation de la décision implicite par laquelle le maire d'Elbeuf a rejeté la demande du 28 octobre 2019 tendant à la suppression ou à la modification des places de stationnement devant la propriété de M. B... n'est donc pas en débat en cause d'appel et est devenue définitive.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / ... ".

4. Le jugement du tribunal administratif de Rouen vise notamment le code général des collectivités territoriales, le code de la construction et de l'habitation et le code de la route, et cite dans ses motifs, les dispositions des différents textes dont il fait application. Par suite le moyen tiré de ce que le jugement méconnait les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ne visant pas précisément les textes dont il fait application doit être écarté, d'autant que l'appelant ne précise pas quelles dispositions le jugement aurait omis de viser.

5. En deuxième lieu, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire en réplique de première instance, enregistré le 8 septembre 2021. Par suite, la commune d'Elbeuf n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par le jugement contesté, a décidé la capitalisation des intérêts.

6. En troisième lieu, M. B... a évoqué,outre l'illégalité fautive de l'arrêté de péril plusieurs fautes dans sa demande de première instance, à savoir, , la carence dans le pouvoir de police, l'illégalité fautive du refus de déplacer un ouvrage public et la promesse non tenue. Ces fautes sont en lien avec l'implantation des places de stationnement devant son immeuble ainsi qu'avec l'illégalité de la procédure de péril. Le requérant s'est également placé sur le terrain de la responsabilité sans faute. Il demandait l'indemnisation des travaux et frais engagés à la suite de l'arrêté de péril, ainsi que celle des loyers non perçus du fait du départ des locataires, résultant selon lui de la procédure de péril. Il invoquait également des nuisances visuelles et des difficultés d'accès à sa propriété. Le jugement a retenu l'illégalité fautive de l'arrêté de péril, a indemnisé M. B... pour les travaux et frais engagés en raison de l'arrêté de péril et a considéré que le préjudice résultant de loyers non perçus n'était pas établi. Le tribunal ne s'est donc pas prononcé sur l'ensemble des causes de responsabilité invoquées devant lui et tenant selon M. B... à l'implantation des places de stationnement devant sa propriété. Il ne s'est pas non plus prononcé sur les préjudices résultant selon M. B... de cette implantation. M. B... est donc fondé à soutenir que le jugement est irrégulier dans cette mesure.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions indemnitaires présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen résultant de l'implantation des places de stationnement devant sa propriété. Il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions des parties.

Sur les dommages résultant de l'implantation de places de stationnement devant la propriété de M. B... :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. " et aux termes de l'article L. 2213-2 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / (...) / 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains ; /(...) ". Les décisions prises par le maire à ce titre ne doivent toutefois pas avoir pour effet de porter atteinte à la liberté d'accès aux immeubles riverains et à leur desserte.

9. Aux termes du I de l'article R. 417-10 du code de la route : " Tout véhicule à l'arrêt ou en stationnement doit être placé de manière à gêner le moins possible la circulation. " et aux termes de l'article R. 417-11 du même code : " I.-Est considéré comme très gênant pour la circulation publique l'arrêt ou le stationnement : / (...) / 8° D'un véhicule motorisé à l'exception des engins de déplacement personnel motorisés et des cycles à pédalage assisté : /a) Sur les trottoirs, à l'exception des motocyclettes, tricycles à moteur et cyclomoteurs ; (...) ".

10. Aux termes de l'article 1-3 de l'arrêté du 15 janvier 2007 pris en application du décret 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics : " Les caractéristiques techniques destinées à faciliter l'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des équipements et aménagements relatifs à la voirie et aux espaces publics sont les suivantes : / (...) / La largeur minimale du cheminement est de 1,40 mètre libre de mobilier ou de tout autre obstacle éventuel. Cette largeur peut toutefois être réduite à 1,20 mètre en l'absence de mur ou d'obstacle de part et d'autre du cheminement. ".

11. M. B... a demandé au maire d'Elbeuf par courrier du 23 avril 2019 de supprimer les trois places de stationnement sur le trottoir au droit de sa propriété et d'installer des plots pour garantir l'accès à celle-ci. Le rapport des services techniques de la commune d'Elbeuf du 22 février 2021 constate une distance de 139 centimètres entre la façade de M. B... et la ligne blanche marquant la limite du stationnement. Toutefois, les photographies produites tant dans ce constat que par M. B... démontrent qu'un candélabre d'éclairage public est situé entre la façade et cet emplacement de stationnement, ce qui ne permet pas le respect des dispositions de l'arrêté du 15 janvier 2007. Par ailleurs, d'autres photographies, y compris parues dans la presse, établissent également que des véhicules peuvent stationner en débordant de l'emplacement matérialisé au sol et en gênant ainsi l'accès à la propriété de M. B.... Il résulte de ces éléments que le maire d'Elbeuf a fait preuve de carence dans l'exercice de son pouvoir de police. Par ailleurs, en refusant le déplacement des places de stationnement et en n'assurant pas le libre accès de M. B..., propriétaire riverain à la voie publique, la commune d'Elbeuf a également engagé sa responsabilité.

12. En second lieu, par courrier du 18 décembre 2019, le maire d'Elbeuf a informé M. B... que la métropole Rouen Normandie allait mettre en place du mobilier urbain au droit de sa propriété " afin de matérialiser le cheminement et permettre la circulation piétonne ". S'il est constant qu'aucun mobilier urbain n'a été mis en place par cet établissement public intercommunal, M. B... ne saurait se prévaloir d'une promesse de la commune à son égard puisque seule la métropole Rouen Normandie aurait pris un tel engagement. M. B..., qui ne dirige ses conclusions que contre la commune d'Elbeuf, n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune à raison d'une promesse non tenue.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

13. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. M. B... établit ainsi qu'il a été dit au point 11 que l'accès à sa propriété était gêné par l'aménagement de places de stationnement devant celle-ci. Il est donc fondé à rechercher la responsabilité de la commune, gardienne de l'ouvrage public constitué par l'aménagement de ces places sous réserve de démontrer le caractère grave et spécial de son préjudice.

En ce qui concerne le préjudice visuel et la gêne dans l'accès à la propriété :

14. M. B... fait état d'un préjudice visuel. Toutefois, la façade de sa maison donnant sur la voie publique, il n'est pas anormal qu'elle ouvre des vues sur la circulation et le cas échéant sur des voitures en stationnement, alors qu'en tout état de cause, des véhicules peuvent stationner de l'autre côté de la rue. En outre, l'appelant n'établit pas que la situation ait évolué depuis l'acquisition de son bien, le 21 novembre 2017 et donc qu'il ignorait à la date de son achat l'existence de stationnements au droit de sa façade. Au surplus, il ne produit aucun chiffrage de ce préjudice. Cette demande d'indemnisation doit donc être rejetée.

15. M. B... demande également à être indemnisé du préjudice résultant de la gêne occasionnée pour accéder à sa propriété. Toutefois, il ne justifie pas qu'il ait occupé sa maison et ait lui-même subi ce préjudice, et s'il indique qu'il a loué sa maison, il ne produit aucune attestation de ses locataires sur le préjudice qu'ils auraient subi pour accéder à leur logement. Cette demande d'indemnisation, d'ailleurs non chiffrée, doit donc être rejetée.

16. En tout état de cause, M. B... n'établit pas non plus le caractère grave et spécial des préjudices résultant de l'aménagement de places de stationnement devant son immeuble.

Sur les dommages résultant de l'arrêté de péril ordinaire :

En ce qui concerne la responsabilité :

17. La contestation d'un arrêté de péril ordinaire relève du plein contentieux. Toutefois, pour apprécier si l'illégalité fautive d'un tel arrêté a engagé la responsabilité du maire, le juge apprécie la légalité de cet arrêté à la date où le fait générateur de la créance est constitué. En l'espèce, l'arrêté du 18 septembre 2019 a produit ses effets dès son entrée en vigueur jusqu'à l'arrêté de mainlevée de péril du 18 décembre 2019. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable : " Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. /... ".

18. Le rapport établi le 9 juillet 2019 par les services techniques de la commune d'Elbeuf indique que " l'essentage du mur extérieur [de l'immeuble de M. B...] présente de multiples dégradations générant des infiltrations d'eau, lesquelles compromettent la stabilité de la structure porteuse du mur. De plus, cette infiltration peut provoquer des moisissures à l'intérieur de l'habitation ". Ce constat se borne à cette seule remarque sans aucun élément justifiant ce diagnostic autre qu'une simple photographie peu probante du pignon de la propriété. En particulier, aucune preuve de la gravité des infiltrations d'eau n'est apportée. M. B... a été informé par courrier du maire du 25 juillet 2019, qu'à la suite de ce constat, une procédure de péril ordinaire était susceptible d'être engagée. Le 31 juillet 2019, M. B... a indiqué que sa propriété était parfaitement habitable et qu'il allait engager des travaux de ravalement de son mur pignon. Le maire a pris ensuite un arrêté de péril, le 18 septembre 2019. Si le constat d'huissier établi à la demande de M. B..., le 6 novembre 2019 fait état de l'ancienneté des ardoises constituant le revêtement du mur pignon, de l'absence de certaines ardoises et de la présence de morceaux d'ardoises sur le toit voisin, ces éléments ne suffisent pas à démontrer que l'état de la propriété de M. B... présentait un risque pour la stabilité du bâti ou pour la sécurité de ses occupants. Au contraire, les services techniques ont proposé le 13 décembre 2019 la levée de l'arrêté de péril, alors que seulement les deux tiers des travaux d'essentage avaient été menés à bien, démontrant ainsi que ces travaux n'étaient pas indispensables à la mise en sécurité du bâtiment. La commune n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que sa responsabilité était engagée en raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 18 septembre 2019.

En ce qui concerne les préjudices résultant de l'arrêté de péril :

S'agissant des travaux :

19. M. B... justifie qu'il a engagé des travaux pour un montant de 4 624,49 euros à la suite de l'arrêté illégal du 18 septembre 2019. S'il a spontanément répondu lors de la procédure contradictoire préalable à l'arrêté qu'il allait engager des travaux de ravalement, la réalisation en urgence de travaux non programmés et portant sur l'ensemble du mur pignon lui ont causé un préjudice. Toutefois, le constat d'huissier précité démontre par ailleurs que l'état de la couverture du pignon de son immeuble était dégradé. Par suite, compte tenu de la vétusté du bien et de l'amélioration que ces travaux ont apportée à l'immeuble, alors que ces travaux pour partie nécessaires à la conservation du bien ont néanmoins dus être engagés en urgence, l'indemnisation du préjudice en résultant doit être évaluée à la somme de 2 312,25 euros.

20. Par ailleurs, M. B... demande l'indemnisation du constat d'huissier qu'il a fait établir. Ce constat est utile à la solution du litige. Il y a lieu de condamner la commune à verser la somme de 338,99 euros à ce titre.

En ce qui concerne les loyers :

21. Si M. B... produit, pour la première fois en appel, une attestation du 13 novembre 2022 de son locataire qui indique qu'il a été informé de la procédure de péril et qu'il a en conséquence quitté les lieux le 31 juillet 2019, outre qu'il réclame quarante-deux mois de loyer alors que la levée de l'arrêté de péril est intervenue en décembre 2019, M. B... ne justifie pas que sa propriété ait été effectivement louée en juillet 2019, le dernier bail de location produit couvrant la période du 1er avril au 30 juin 2018, ni qu'il ait perçu un loyer, le dernier paiement de la société locataire datant de mars 2019. Dans ces conditions, l'appelant ne justifie pas de la réalité de son préjudice de perte de loyers.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Elbeuf doit être condamnée à payer à M. B... la somme de 2 651,24 euros, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la majoration des conclusions de M. B....

Sur les intérêts et leur capitalisation :

23. M. B... a droit à ce que l'indemnité de 2 651,24 euros qui lui est accordée soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2020, date de la réception de sa demande préalable par la commune d'Elbeuf.

24. M. B... a également demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire en réplique enregistré le 8 septembre 2021. A cette date, une année entière d'intérêts était due. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande de capitalisation à compter du 8 septembre 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais de l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée à ce titre par la commune d'Elbeuf.

26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande présentée par M. B... sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2000564 du 3 novembre 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé

Article 2 : La commune d'Elbeuf est condamnée à verser à M. B... la somme de 2 651,24 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2020. Les intérêts échus à la date du 8 septembre 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune d'Elbeuf et à la métropole Rouen Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

2

No22DA02477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02477
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP EMO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22da02477 ?
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