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14/11/2023 | FRANCE | N°22DA00919

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 14 novembre 2023, 22DA00919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) pompes funèbres Sotty Robert a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté d'agglomération du Boulonnais (CAB) a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la société d'économie mixte (SEM) Prestations Funéraires Intercommunales (PFI) du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse

immédiatement ses activités de pompes funèbres et d'enjoindre à la CAB d'y procéder. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) pompes funèbres Sotty Robert a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté d'agglomération du Boulonnais (CAB) a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la société d'économie mixte (SEM) Prestations Funéraires Intercommunales (PFI) du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres et d'enjoindre à la CAB d'y procéder.

Par un jugement n° 1904719 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 27 octobre 2022, la SARL pompes funèbres Sotty Robert, représentée par Me Olivier Grimaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 13 avril 2019 par laquelle la CAB a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres ;

3°) d'enjoindre à la CAB, à titre principal, de céder ses actions dans la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais ou, à titre subsidiaire, de modifier ses statuts afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres, dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la CAB et de la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la participation de la CAB au sein de la SEM PFI lui permet, de façon détournée, d'exercer des compétences en matière de prestations funéraires qu'elle ne détient pas, ce qui constitue un abus de droit ;

- la structuration du capital social de la SEM PFI est décorrélée de son chiffre d'affaires dès lors que la CAB détient les deux-tiers de son capital et n'exerce pas la compétence relative aux prestations funéraires.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre et 10 novembre 2022, la SEM Prestations intercommunales du Boulonnais, représentée par Me Philippe Nugue, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a tiré de l'intention du législateur un lien de corrélation entre la structuration du capital d'une SEM et la structuration de son activité, à titre subsidiaire de confirmer le jugement ;

3°) de mettre à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le tribunal a jugé à tort que la participation au capital d'une SEM par une commune doit être proportionnée à la part de l'activité de la société qui relève des compétences propres de cette collectivité, ce qui ne résulte pas des dispositions législatives en vigueur ;

- les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, la communauté d'agglomération du Boulonnais, représentée par Me Michel Aaron, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande présentée par la société pompes funèbres Sotty Robert devant le tribunal était irrecevable dès lors qu'elle n'a pas qualité à agir, faute de démontrer que l'exercice de l'activité funéraire de la SEM lui serait préjudiciable ;

- les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les conclusions de Me Christel Schwing, représentant la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert, de Me Anthony Alaimo, représentant la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais et de Me Clara Pesalfini, représentant la communauté d'agglomération du Boulonnais.

Considérant ce qui suit :

1. La CAB a créé avec plusieurs partenaires privés, le 4 février 2011, la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais, dont l'objet était la création et la gestion d'un crématorium. Celui-ci a été exploité à compter du mois de février 2013. A la suite de plusieurs augmentations de capital entre 2014 et 2016, cinq communes de l'agglomération boulonnaise sont devenues actionnaires de la SEM. Parallèlement, à compter du mois de mars 2015, la société Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais a développé une activité de pompes funèbres générales en sus de l'exploitation du crématorium. La société Pompes Funèbres Sotty Robert a demandé à la CAB, par courrier du 28 janvier 2019, reçu le 13 février suivant, soit de céder ses parts dans la SEM, soit d'en modifier les statuts, pour abandonner cette activité de pompes funèbres générales. Du silence gardé par l'administration durant deux mois est née une décision implicite de rejet. La société Pompes Funèbres Sotty Robert relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales : " Les assemblées délibérantes des communes, (...) et de leurs groupements peuvent, à l'effet de créer des sociétés d'économie mixte locales mentionnées à l'article L. 1521-1, acquérir des actions ou recevoir, à titre de redevance, des actions d'apports, émises par ces sociétés. / Les prises de participation sont subordonnées aux conditions suivantes : / (...) 2° Les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants ; / 3° La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires. (...) ".

3. Il résulte notamment de ces dispositions qu'une collectivité ou un groupement de collectivité peut légalement détenir des actions dans une société d'économie mixte qui a un objet pour partie étranger à ses compétences, à la condition que cet objet concoure à l'exercice d'une compétence d'une des autres collectivités ou groupements de collectivités actionnaires. En revanche, il ne résulte ni des ces dispositions, ni des travaux parlementaires préalables à l'élaboration de la loi précitée que la participation au capital d'une commune ou d'un groupement de communes devrait être proportionnée à la part de l'activité de la société qui relève de ses propres compétences.

4. Il ressort des statuts de la SEM Prestations funéraires du Boulonnais que cette société est, d'une part, chargée de gérer un crématorium, compétence détenue par la CAB, et d'autre part d'assurer des prestations funéraires, compétence détenue par les communes actionnaires en vertu de l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, la participation de la CAB au capital de la SEM, qui ne révèle aucun " abus de droit ", ne méconnaît pas les dispositions citées au point 2.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la CAB en défense, que la SARL pompes funèbres Sotty Robert n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la CAB a refusé de céder ses parts dans la SEM Prestations funéraires Intercommunales du Boulonnais et de modifier ses statuts. Par ailleurs, et compte tenu de ce qui vient d'être dit, il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel incident de la SEM.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des intimés qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pompes Funèbres Sotty Robert le versement tant à la CAB qu'à la société Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais d'une somme de 2 000 euros, chacune, au titre de ce même article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert est rejetée.

Article 2 : La SARL Pompes Funèbres Sotty Robert versera à la communauté d'agglomération du Boulonnais et à la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert, à la communauté d'agglomération du Boulonnais et à la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais.

Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : T. SorinLa greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00919
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARLU PHILIPPE NUGUE AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-11-14;22da00919 ?
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