Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier Philippe Pinel lui a notifié la décision de la licencier pour inaptitude physique, à l'issue d'un préavis de deux mois, et la décision du 25 juillet 2019 par laquelle il a prononcé son licenciement pour inaptitude physique avec effet au 7 août 2019.
Par un jugement n° 1903143 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Alain Gravier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier Philippe Pinel lui a notifié la décision de la licencier pour inaptitude physique ;
3°) d'annuler la décision du 25 juillet 2019 par laquelle la même autorité a prononcé son licenciement pour inaptitude physique ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier Philippe Pinel de prononcer sa réintégration et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Philippe Pinel le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de ce que le médecin du travail n'était pas compétent pour constater la consolidation de sa blessure et que seul était compétent le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de la sécurité sociale n'est pas inopérant ;
- la procédure définie à l'article 17-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 a été méconnue et " il faudra ajouter l'atteinte aux règles du reclassement selon que l'avis d'inaptitude à toutes fonctions est justifié ou non " ;
- le salarié victime d'un accident du travail ne doit pas pouvoir être licencié pendant le temps de l'arrêt relatif à l'arrêt de travail ; en l'espèce, la décision de licencier date du 6 juin 2019, et est réitérée le 25 juillet 2019, alors que la fin de l'arrêt de travail est le 31 juillet 2019, et a été reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie comme se poursuivant jusqu'au 30 novembre 2019 ; ainsi, même en tenant compte de la date d'effet au 7 août 2019, elle était en arrêt pour accident du travail et ne pouvait être licenciée avant consolidation de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu établissement public de santé mentale de la Somme, représenté par Me Olivier Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce que le paiement d'une somme de 2 500 euros soit mis à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête, tardive, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Alain Gravier, représentant Mme B..., et de Me Anne-Mathilde Potterie, représentant l'établissement public de santé mentale de la Somme.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., agent de service hospitalier, affectée au centre hospitalier Philippe Pinel, a subi un accident de service le 30 août 2018, au titre duquel elle a été placée en arrêt de travail à compter de cette date. Par décisions des 6 juin 2019 et 25 juillet 2019, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier Philippe Pinel (CHPP) lui a, d'abord, notifié la décision de la licencier pour inaptitude physique à l'issue d'un préavis de deux mois, puis, a prononcé son licenciement pour inaptitude physique avec effet au 7 août 2019. Par un jugement du 28 octobre 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 6 juin 2019 et 25 juillet 2019.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public de santé mentale de la Somme :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement contesté a été notifié à Mme B..., par lettre recommandée avec accusé de réception, le 3 novembre 2021. La requête enregistrée le 30 décembre 2021 n'est donc pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 17-1 du décret du 6 février 1991, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Lorsqu'à l'issue d'un congé prévu au présent titre, il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, l'autorité investie du pouvoir de nomination convoque l'intéressé à l'entretien préalable prévu à l'article 43 et selon les modalités définies au même article. / Si l'autorité investie du pouvoir de nomination décide, à l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 2-1, de licencier l'agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre signature. Cette lettre précise le motif du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 42 (...) ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'inaptitude physique totale et définitive de Mme B... à occuper tout emploi a été constatée par le médecin agréé le 1er avril 2019.
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 442-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La caisse primaire fixe la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure d'après l'avis du médecin traitant ou, en cas de désaccord, d'après l'avis émis par l'expert ". Le moyen tiré de ce que le constat de l'inaptitude physique totale et définitive de Mme B... n'a pas été effectué par le médecin traitant, dont l'avis est requis pour fixer la date de la guérison ou de la consolidation aux termes des dispositions précitées de l'article L. 442-6, est sans incidence sur la légalité des décisions en litige.
6. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure, le centre hospitalier n'ayant procédé à aucune recherche de reclassement. L'administration n'est toutefois pas tenue de rechercher un poste de reclassement pour un agent dont le reclassement est impossible. Or, Mme B... a été jugée inapte à l'exercice de toutes fonctions par le comité médical départemental, le 30 avril 2019, de sorte que son reclassement était impossible. Le moyen tiré du vice de procédure allégué ne peut, dès lors, qu'être écarté.
7. En troisième lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie au regard des dispositions précitées de l'article 17-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 n'est, pour le surplus, pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la juridiction d'examiner son bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 12 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 : " L'agent contractuel en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès (...) ".
9. Il résulte du principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions règlementaires prévues pour l'intéressé au regard de son statut, son licenciement. Ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public.
10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre du 28 novembre 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Somme, que la consolidation des lésions de Mme B... a été fixée, par le médecin conseil, à la date du 30 novembre 2019. Ainsi, la convocation de Mme B... à l'entretien préalable prévu à l'article 43 du même décret avant le 30 décembre 2019, soit un mois après la constatation de la consolidation de son état et alors que son congé pour accident du travail n'avait pas pris fin, constituait une inexacte application des dispositions combinées des articles 12 et 17-1 précités du décret n° 91-155 du 6 février 1991.
11. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête, et par suite à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement n° 1903143 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif d'Amiens, de la décision du 6 juin 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du CHPP lui a notifié la décision de la licencier pour inaptitude physique ainsi que de la décision du 25 juillet 2019 par laquelle la même autorité a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'annulation d'une décision licenciant illégalement un agent public implique nécessairement que celui-ci soit replacé dans la position administrative qui était la sienne à la date de cette décision et que l'autorité compétente reconstitue rétroactivement sa carrière en application de la réglementation applicable à cette position.
13. Par voie de conséquence, sans préjudice de la reprise éventuelle d'une procédure régulière de licenciement pour inaptitude totale et définitive de l'intéressée à l'issue de son congé pour accident du travail et à la date de consolidation de son état de santé, il y a lieu d'enjoindre au CHPP devenu établissement public de santé mentale de la Somme, de prononcer la réintégration de Mme B... et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Sur les frais de l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale de la Somme le paiement à Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que la somme demandée par l'établissement public de santé mentale de la Somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903143 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La décision du 6 juin 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier Philippe Pinel a notifié à Mme B... la décision de la licencier pour inaptitude physique, et la décision du 25 juillet 2019 par laquelle la même autorité a prononcé son licenciement pour inaptitude physique, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier Philippe Pinel, devenu établissement public de santé mentale de la Somme, de prononcer la réintégration de Mme B... et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Article 4 : L'établissement public de santé mentale de la Somme versera la somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier Philippe Pinel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'établissement public de santé mentale de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Thierry Sorin, président,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. BaronnetLe président de chambre,
Signé ; T. Sorin
La greffière,
Signé : AS Villette
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA02987