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26/10/2023 | FRANCE | N°22DA02593

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 22DA02593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202136 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022 et un mémoir

e, enregistré le 20 avril 2023, M. C..., représenté par Me Auriau, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202136 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022 et un mémoire, enregistré le 20 avril 2023, M. C..., représenté par Me Auriau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'est pas fondé à remettre en cause sa minorité au moment de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance ;

- l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55 %, par une décision du 11 mai 2023.

Par ordonnance du 6 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en novembre 2018. S'étant déclaré mineur, il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Seine-Maritime. Le 27 novembre 2020, devenu majeur, il a sollicité du préfet de la Seine-Maritime la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-3 de ce code. Par un arrêté du 30 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

3. D'une part, pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son état civil, M. C... a présenté un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du 4 mai 2020, un acte de naissance délivré le 13 mai 2020, une copie d'extrait de ce dernier établie le même jour, ainsi qu'une carte d'identité malienne, établie le 8 septembre 2020, attestant d'une naissance le 5 juin 2002. Ces documents ont fait l'objet d'un examen technique documentaire par la cellule zonale de la fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Seine-Maritime et ont donné lieu, le 25 mai 2021, à un rapport d'un brigadier de police, analyste en fraude documentaire et à l'identité.

5. Pour écarter la force probante de ces documents, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur ce rapport en relevant que l'acte de naissance et l'extrait de celui-ci présentaient de nombreux indices de contrefaçon en raison du mode d'impression utilisé, des mentions pré-imprimées, de l'absence de coordonnées de l'imprimerie et du numéro d'identification nationale, dit " A... ", que les dates de naissance et d'établissement figurant sur l'extrait d'acte de naissance sont mentionnées en chiffres alors que l'article 126 du code malien des personnes et de la famille prévoit que les dates mentionnées dans un tel acte le sont en toutes lettres et que la carte d'identité malienne produite par l'intéressé ne comportait pas le numéro d'identification nationale. Eu égard à leur nature, ces anomalies majeures affectent les conditions mêmes d'établissement de l'acte de naissance et de l'extrait de celui-ci produit par M. C.... En ce qui concerne le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 4 mai 2020 par le tribunal de première instance de Yelimane, le préfet relève une anomalie de forme quant aux mentions préimprimées relatives à la juridiction ayant rendu ce jugement. Il résulte également de ce document que le maire et le greffier en chef qui l'ont signé ne sont pas nommés. Le préfet indique également, à partir des éléments fournis par le rapport d'examen technique documentaire, qu'il est impossible d'émettre un avis technique définitif dès lors que ce type de document ne comporte aucune exigence de sécurité documentaire. Ainsi, les documents présentés par M. C... ne sont pas revêtus de garanties d'authenticité suffisantes et les éléments de preuve produits par le préfet de la Seine-Maritime sont suffisants pour établir leur absence d'authenticité au sens de l'article 47 du code civil.

6. D'autre part, lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

7. Il ressort des pièces du dossier que si M. C..., entré en France en novembre 2018, s'est inscrit en août 2020 dans une formation en vue de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle " employé de vente ", l'intéressé n'a produit aucun élément permettant de justifier des résultats qu'il a obtenus au cours de cette formation initiée en 2020 et à laquelle il a cessé de participer, sans en indiquer le motif. Dans ces conditions, M. C... ne justifie pas du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation. Est à cet égard sans incidence la circonstance qu'il a été engagé en qualité d'employé polyvalent dans un supermarché à compter du 1er mars 2021. Le requérant ne produit pas davantage l'avis de la structure d'accueil requis par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quant à son insertion dans la société française. Enfin, si M. C... soutient, sans d'ailleurs en justifier, que ses parents sont décédés, il n'établit pas avoir rompu tout lien avec des membres de sa famille demeurés au Mali où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 423-23 de ce code. Le préfet n'a pas davantage examiné d'office sa demande sur ce fondement. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions à l'appui de sa contestation de la décision de refus de titre de séjour litigieuse.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. C..., qui déclare être entré en novembre 2018 sur le territoire français où il a bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime en qualité de mineur étranger isolé, se prévaut de liens qu'il a tissés en France et de son intégration professionnelle. Toutefois, si M. C..., qui a mis fin sans en indiquer de motif à la formation professionnelle qu'il avait entreprise, fait état de la conclusion en 2021 d'un contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée en qualité d'employé polyvalent dans un supermarché, ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser une insertion professionnelle particulière et ancienne en France. Par ailleurs, si M. C... fait valoir que ses parents sont décédés, il n'établit pas pour autant être dépourvu de toute attachée privée ou familiale au Mali où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Célibataire et sans enfant, il ne justifie pas davantage avoir tissé des liens personnels intenses et stables en France. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux point 7 et 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime et à Me Auriau.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA02593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02593
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AURIAU JULIETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-26;22da02593 ?
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