Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2100974 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, M. et Mme B..., représentés par la SELAS KPMG Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration a retenu que l'ensemble des travaux effectués dans l'immeuble en cause devaient être assimilés à des travaux de reconstruction ayant généré des dépenses non déductibles de leurs revenus fonciers ;
- ces travaux de restructuration interne, consistant à aménager six logements dans l'immeuble, ont conduit, en définitive, non à un accroissement de la surface habitable globale offerte par celui-ci mais à une diminution de cette surface, qui est passée de 160 m² avant travaux à 142 m² après travaux, dès lors qu'une isolation a été mise en place à l'intérieur et que des parties communes ont été créées ;
- ces travaux n'ont pas affecté notablement le gros œuvre et n'ont conduit à modifier ni les fondations de l'immeuble, ni même les cloisons intérieures principales ;
- les factures produites permettant de dissocier aisément les opérations qui pourraient être assimilées à une reconstruction, telles le démontage de deux cheminées, et non de quatre, et leur remplacement par des lucarnes à fronton ou la création du studio situé au premier étage à gauche, non portées en déduction, des prestations relevant de l'entretien ou de l'amélioration, qui correspondent à des dépenses déductibles par nature, de sorte que la remise en cause des déductions pratiquées aurait dû n'être que partielle ;
- les énonciations du paragraphe n°140 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2014 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-10 et celles du paragraphe n°230 de la doctrine administrative publiée le 30 mai 2016 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-20 confortent leur position.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les travaux en cause ayant, contrairement à ce qui est soutenu, affecté notablement le gros œuvre de l'immeuble et conduit à augmenter et non à diminuer la surface habitable, qui est passée de 120 m², et non de 160 m², à 136 m², parties communes non comprises, ainsi que le nombre d'unités d'habitation offertes par cet immeuble, dont les trois niveaux ont été entièrement redistribués, les dépenses correspondantes ont été à bon droit regardées par l'administration comme non déductibles des revenus fonciers de M. et Mme B... ;
- les dépenses de second œuvre susceptibles d'être identifiées sur les factures produites, mais dont l'objet précis ne peut d'ailleurs être déterminé en l'absence de plan avant et après travaux, n'ont pas été exposées pour améliorer l'immeuble existant, mais ont concouru à la création des six logements aménagés dans cet immeuble, de sorte qu'elles sont indissociables de l'opération de reconstruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) 8 rue Percière, qui a son siège à Saint-Valéry-en-Caux (Seine-Maritime) et dont M. et Mme C... B... détenaient, au cours des années 2015 et 2016, la totalité des parts, a acquis, le 9 avril 2014, une maison d'habitation située à Saint-Valéry-en-Caux. Au cours des années 2014 à 2016, cette société y a fait réaliser d'importants travaux, afin d'y aménager six appartements. Ces travaux ont généré des déficits fonciers qui ont été constatés dans la comptabilité de la SCI 8 rue Percière et que, en raison de la transparence fiscale de cette société, M. et Mme B... ont portés sur les déclarations de revenus qu'ils ont souscrites au titre des années 2015 et 2016.
2. A l'issue d'un contrôle sur pièces dont ont fait l'objet la SCI 8 rue Percière ainsi que M. et Mme B..., l'administration a remis en cause ces déficits fonciers, ce qu'elle a fait connaître, d'une part à la SCI 8 rue Percière, d'autre part à M. et Mme B..., par deux propositions de rectification qu'elle leur a adressées le 5 juin 2018. Les observations présentées par M. et Mme B... n'ayant pas amené le service à reconsidérer son appréciation, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, pour les intéressés, des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement, le 30 octobre 2020, pour un montant total de 84 233 euros, en droits et pénalités. M. et Mme B... ayant formé une réclamation qui a été rejetée, ils ont porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Sur l'application de la loi fiscale :
3. En vertu de l'article 28 du code général des impôts, le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Aux termes de l'article 31 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...). ". Enfin, en vertu du 3° du I de l'article 156 du même code, le revenu net foncier est établi sous déduction des déficits fonciers constatés pour une année, lesquels peuvent s'imputer sur les revenus fonciers des dix années suivantes.
4. Au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction ou d'agrandissement que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.
5. Pour remettre en cause l'imputation, par M. et Mme B..., sur leurs revenus fonciers des années 2015 et 2016, de déficits générés par les travaux que la SCI 8 rue Percière a fait effectuer, au cours des années 2014 à 2016, sur son immeuble situé à Saint-Valéry-en-Caux, l'administration a estimé, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 5 juin 2018 à la SCI 8 rue Percière, que le ministre s'approprie en appel, que les travaux en cause avaient, d'une part, notablement affecté le gros œuvre de l'immeuble et, d'autre part, conduit à un accroissement de la surface habitable offerte, de sorte qu'ils devaient être regardés comme des travaux de reconstruction et d'agrandissement non déductibles.
6. M. et Mme B... contestent cette analyse et soutiennent, d'une part, que les travaux que la SCI 8 rue Percière a fait réaliser sur l'immeuble en cause n'ont pas conduit à accroître la surface habitable offerte par celui-ci, qui était de 160 m² en tenant compte de la surface des deux pièces déjà aménagées au rez-de-jardin et non de 120 m² comme l'a retenu l'administration à partir de documents obsolètes, puisque la surface habitable après travaux s'établit à 142 m² parties communes comprises, cette diminution s'expliquant notamment, selon les appelants, par l'isolation de l'immeuble par l'intérieur, d'autre part, que ces travaux n'ont pas affecté notablement le gros œuvre. Ils soutiennent, enfin, que les factures détaillées qu'ils ont produites permettent d'isoler des prestations relevant de l'entretien ou de l'amélioration, qui correspondent à des dépenses déductibles par nature, des travaux qui seraient regardés comme procédant d'une reconstruction, tels que le démontage de deux cheminées pour laisser place à deux lucarnes à fronton et la création d'un studio au premier étage à gauche, et dont les montants correspondants n'ont pas été portés en déduction.
7. Toutefois, en premier lieu, il ressort des éléments produits par l'administration en première instance, notamment d'une déclaration de surfaces cadastrales modèle H1 souscrite le 27 décembre 2006 au nom de l'indivision qui était propriétaire de l'immeuble avant son acquisition par la SCI 8 rue Percière, que l'immeuble offrait alors une surface habitable totale de 120 m², laquelle était distribuée sur deux niveaux, et qu'il comportait une salle à manger, une cuisine, ainsi que trois autres pièces habitables dont des chambres. La même déclaration faisait mention de ce qu'une surface de 65 m² était affectée à un usage de cave, de cellier, de bûcher, de buanderie ou à un usage analogue. En outre, une attestation de propriété immobilière établie par un notaire le 23 février 2009 et publiée le 31 mars 2009 au bureau des hypothèques d'Yvetot, également versée à l'instruction par l'administration, désigne cet immeuble comme élevé sur cave et comme comportant, au rez-de-chaussée, une cuisine, une arrière-cuisine, ainsi qu'une chambre et, à l'étage, deux petites mansardes et un grenier.
8. Si M. et Mme B... font observer que l'acte d'acquisition, par la SCI 8 rue Percière, de cet immeuble, établi le 9 avril 2014, présente ce bien comme une maison à usage d'habitation élevée sur trois niveaux comprenant en rez-de-jardin deux pièces, en rez-de-chaussée une entrée, une cuisine, une salle à manger et salon et des sanitaires et, à l'étage, deux chambres et un grenier, ces mentions ne sont pas de nature, d'une part, à établir que la surface habitable alors offerte par l'immeuble était, dès avant les travaux réalisés par la SCI 8 rue Percière, distribuée sur trois niveaux, ni, en particulier, que les deux pièces mentionnées en rez-de-jardin étaient alors habitables, d'autre part, à écarter la description de l'immeuble figurant, dans des termes concordants, dans la déclaration H1 et dans l'attestation notariée mentionnées ci-dessus, avec laquelle elles ne sont d'ailleurs pas incompatibles. Il en est de même des photographies extérieures de l'immeuble, prises avant les travaux, versées à l'instruction, lesquelles présentent seulement, au rez-de-jardin, des portes de bois à battant plein et des fenêtres aux volets clos, dont l'aspect n'évoque pas une utilisation de ce niveau à usage d'habitation. Dès lors, l'administration était fondée à retenir, au vu de l'ensemble de ces éléments, que l'immeuble présentait, avant les travaux en cause, une surface habitable de 120 m² et non de 160 m² comme le soutiennent M. et Mme B..., en prenant en compte une partie de la surface située au rez-de-jardin.
9. Or il résulte de l'instruction et notamment des déclarations de surfaces après travaux, modèle H2, déposées par la SCI 8 rue Percière, que l'immeuble en cause se compose désormais de six appartements distincts, aménagés sur les trois niveaux, et qu'il présente une surface habitable totale de 136 m² après exclusion des parties communes, aménagées sur 6 m². Ainsi, les travaux en cause ont conduit à augmenter de 16 m² la surface habitable offerte par l'immeuble.
10. En deuxième lieu, il résulte des mentions mêmes des factures correspondantes, produites par les appelants, que ces travaux ont notamment consisté à démonter deux conduits de cheminée maçonnés, de même que les cheminées correspondantes en toiture, et à installer à l'emplacement de chacune une lucarne à fronton, à démolir un escalier et à reconstruire un autre escalier au même endroit, ainsi qu'à percer, au rez-de-jardin, de même qu'au rez-de-chaussée, plusieurs fenêtres supplémentaires dans le mur de façade, l'insertion de linteaux en béton, précisée par la facture correspondante en ce qui concerne trois fenêtres percées au rez-de-jardin, révélant que la réalisation de ces éléments excède la simple remise en service d'ouvertures déjà existantes et bouchées. Il ressort également des factures produites, que les travaux en cause ont consisté, en outre, à apporter des modifications importantes à la charpente de l'immeuble, afin, notamment, d'aménager deux mezzanines, représentant une surface de 6 m² chacune, dans les combles. Ainsi, les travaux en cause doivent être regardés non seulement comme ayant accru la surface habitable offerte par l'immeuble, mais aussi comme ayant affecté notablement le gros œuvre et, par suite, comme assimilables à un agrandissement et à une reconstruction.
11. En troisième lieu, à supposer que des prestations relevant de l'entretien ou de l'amélioration puissent être identifiées sur les factures produites, ces prestations, que les documents versés au dossier par les appelants ne permettent pas de localiser, qui ont été réalisées en même temps et par les mêmes entreprises que les travaux d'agrandissement et de reconstruction et dont la seule finalité a été de contribuer à créer six logements nouveaux dans l'immeuble, doivent être regardées comme techniquement et fonctionnellement indissociables de cette opération d'agrandissement et de reconstruction. Par suite, les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges de la propriété déductibles, au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts.
12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'imputation, sur les revenus fonciers perçus par M. et Mme B... au titre des années 2015 et 2016, de déficits fonciers générés par ces travaux, pris dans leur ensemble.
Sur le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
13. M. et Mme B... appuient leur argumentation, d'une part, sur les énonciations du paragraphe n°140 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2014 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-10 et, d'autre part, sur les énonciations du paragraphe n°230 de la doctrine administrative publiée le 30 mai 2016 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-20.
14. Toutefois, ces extraits de la doctrine administrative, qui, d'une part, rappellent que des travaux d'aménagement qui n'ont pas affecté le gros-œuvre et n'ont entraîné aucune augmentation de la surface habitable ont la nature de travaux d'amélioration, qui, d'autre part, énoncent que les travaux de restructuration interne peuvent s'apprécier en considérant isolément les différentes parties de l'immeuble et qui, enfin, rappellent que, dans le cas d'une opération comportant des travaux de natures différentes, les uns consistant en une reconstruction ou en un agrandissement et les autres procédant d'une réparation ou d'une amélioration, il y a lieu d'apprécier, afin de pouvoir admettre celles-ci en déduction, si les dépenses correspondant à cette seconde catégorie de travaux sont dissociables des autres dépenses, ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application. A supposer qu'ils aient entendu invoquer ces extraits de doctrine administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, M. et Mme B... ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir de ceux-ci.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 12 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA01622
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