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26/10/2023 | FRANCE | N°22DA01558

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 22DA01558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cash Web a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1910809 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et par un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 25

janvier 2023, la SARL Cash Web, représentée par la SELARL Phi Law, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cash Web a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1910809 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et par un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 25 janvier 2023, la SARL Cash Web, représentée par la SELARL Phi Law, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- l'administration, qui n'a pas écarté sa comptabilité comme insuffisamment sincère et probante, ne pouvait, à l'issue d'un simple contrôle sur pièces et sans diligenter une vérification de comptabilité, remettre en cause les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrites, pour des montants correspondant à ceux figurant dans son grand livre, arrêté par son expert-comptable ;

- la proposition de rectification qui lui a été adressée était insuffisamment motivée, cette irrégularité substantielle, au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, ne pouvant être couverte par l'envoi, au contribuable, d'une réponse motivée à ses observations ;

- l'administration n'a pu, sans entacher d'irrégularité la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard, fonder, dans la réponse apportée à ses observations, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige sur de nouveaux motifs sans la mettre à même de présenter d'utiles observations sur ces motifs ;

- le maintien des rectifications par l'exploitation de documents analytiques de l'entreprise, qu'elle avait produits au cours du contrôle sur pièces, a constitué un début de vérification de comptabilité, effectué dans des conditions irrégulières, et portant ainsi atteinte aux droits et garanties du contribuable ;

- en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de sa comptabilité, dont elle est fondée à se prévaloir, l'administration ne pouvait, pour apporter la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des recettes encaissées par elle, se limiter à constater l'existence d'anomalies sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, sans établir que la source des écarts ainsi révélés résultait d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer ;

- pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration n'a tenu aucun compte des livraisons intracommunautaires qu'elle a réalisées au cours de la période vérifiée, alors que ces opérations sont exonérées, ni de ce qu'elle appliquait le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- elle admet une insuffisance de déclaration de 7 410 euros de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser au titre de la période en cause et précise avoir régularisé ce solde en 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, et par un mémoire, enregistré le 21 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement de 4 724 euros prononcé, en droits et pénalités, en cours d'instance, sur les conclusions de la requête de la SARL Cash Web puis, à titre principal, au rejet du surplus des conclusions de cette requête et, à titre subsidiaire, au maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la somme de 7 410 euros.

Il soutient que :

- l'administration n'était pas tenue de procéder à un contrôle sur place des documents et pièces comptables de la contribuable avant de rectifier les déclarations de l'intéressée en suivant la procédure de rectification contradictoire ;

- l'examen de simples extraits de comptabilité communiqués par la SARL Cash Web au cours de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard ne saurait être regardé ni comme s'apparentant à un examen critique de la comptabilité d'une entreprise, appuyée de pièces justificatives, ni comme révélant un début de vérification de comptabilité ;

- le service n'a pas substitué, dans la réponse apportée aux observations de la SARL Cash Web, de nouveaux motifs à celui énoncé dans la proposition de rectification pour justifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, mais a seulement tenu compte de la teneur de ces observations, notamment de celles par lesquelles la SARL Cash Web exposait avoir fait application, au cours de la période sur laquelle avait porté le contrôle sur pièces, du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- la proposition de rectification adressée à la SARL Cash Web était suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- contrairement à ce que soutient la SARL Cash Web, l'administration, qui a tenu compte de l'application, par cette entreprise, du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, a rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les insuffisances de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par cette société, à l'occasion de la vente de ses marchandises, correspondaient à des dissimulations de recettes ;

- l'administration a tenu compte des pièces produites, au soutien de ses observations, par la SARL Cash Web, dont il ressort que celle-ci a, durant la période d'imposition en litige, effectué des ventes de biens d'occasion à des ressortissants d'autres Etats membres de l'Union européenne, et a retenu que ces ventes relevaient du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, dès lors qu'en application du a du I de l'article 258 du code général des impôts, le lieu de livraison est réputé situé en France ; au terme d'un nouvel examen de ces éléments, le montant des rappels en litige a été ramené de 90 250 euros à 86 106 euros et le dégrèvement correspondant sera prononcé ;

- la SARL Cash Web admet, dans le dernier état de ses écritures, une insuffisance de 7 410 euros de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser qu'elle a déclarée, la circonstance que ce " solde " aurait été régularisé en 2015 étant sans incidence sur le bien-fondé du rappel notifié au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Cash Web exerce une activité de vente de biens d'occasion. Elle disposait, pour ce faire, de quatre magasins, situés à Lille, Armentières, Roubaix et Tourcoing, puis en a ouvert d'autres depuis lors. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a constaté l'existence d'une discordance importante entre, d'une part, le chiffre d'affaires déclaré par la SARL Cash Web sur la liasse fiscale déposée par elle au titre de l'exercice clos en 2014, à savoir 1 946 808 euros, et, d'autre part, le chiffre d'affaires mentionné, pour un montant total de 777 988 euros, sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée afférentes à la période correspondante. Le service a, dans ces conditions, estimé qu'il y avait lieu de corriger cette discordance en majorant la taxe sur la valeur ajoutée à reverser par la SARL Cash Web au titre de cette période. Il a fait connaître sa position à cette société par une proposition de rectification qu'il lui a adressée le 18 décembre 2017. La SARL Cash Web a présenté des observations, aux termes desquelles elle a exposé appliquer, eu égard à la nature de l'activité d'achat et revente de biens d'occasion exercée par elle, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et a joint à cette réclamation un état détaillé de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge due au titre de l'activité de chacun de ses magasins. Le service a accepté de prendre en compte ces éléments et de ramener, en conséquence, les droits rappelés de 233 764 euros à 90 250 euros. Ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée a, sur cette base, été mis en recouvrement le 30 avril 2018, à hauteur d'un montant de 102 885 euros incluant les pénalités. L'administration n'ayant pas apporté de réponse expresse, dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, à la réclamation qu'elle avait formée, la SARL Cash Web a, comme le lui autorisaient les dispositions de l'article R. 199-1 de ce livre, porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier au 31 décembre 2014. La SARL Cash Web relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision en date du 28 novembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des finances publiques de la région des Hauts-de-France et du département du Nord a prononcé, à concurrence d'un montant de 4 724 euros en droits et pénalités, le dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, en ramenant ainsi le montant des droits rappelés à 86 106 euros. Dans cette mesure, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Cash Web tendant à la décharge de ces rappels.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / (...) / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. / (...) ". En outre, aux termes du I de l'article L. 13 du même livre, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) ".

4. En premier lieu, une vérification de comptabilité consiste à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l'exactitude.

5. Si la SARL Cash Web a produit, à l'appui des observations qu'elle a formulées le 7 février 2018 sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 18 décembre 2017, des états extraits, pour chacun de ses magasins, de son bilan de l'exercice clos en 2014, l'examen par le service vérificateur, sans procéder à un contrôle sur place, de ces documents qui n'étaient pas accompagnés des pièces justificatives susceptibles d'appuyer les écritures comptables dont ils étaient issus, ne peut pas être assimilé à un examen critique d'une comptabilité et des justificatifs venant à son appui au regard des déclarations fiscales souscrites par l'entreprise et, dès lors, ne révèle pas l'engagement d'une vérification de comptabilité. Par suite, le moyen tiré, par la SARL Cash Web, de ce que l'examen, par le service, des documents analytiques qu'elle avait produits au soutien de ses observations doit être assimilé à une vérification de comptabilité, à laquelle elle aurait été irrégulièrement soumise sans avoir pu bénéficier des garanties attachées à un tel contrôle, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune règle, ni d'aucun principe, que l'administration serait tenue, avant de rectifier, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, les déclarations souscrites par un contribuable, de procéder à un contrôle sur place des documents et pièces comptables de l'intéressé. Il suit de là que le moyen tiré, par la SARL Cash Web, de ce que l'administration, qui n'a aucunement écarté sa comptabilité comme insuffisamment sincère ou probante, ne pouvait remettre en cause les montants portés par elle sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrites au titre de la période vérifiée sans diligenter préalablement une vérification de sa comptabilité doit être écarté.

7. En troisième lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, aux points 6 et 7 du jugement attaqué, il y a lieu d'écarter le moyen tiré, par la SARL Cash Web, de l'insuffisante motivation, au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 18 décembre 2017.

8. En dernier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de cette proposition de rectification que l'administration y a justifié, au regard des dispositions des articles 256 et 269 du code général des impôts, la mise à la charge de la SARL Cash Web des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige par le motif que le montant du chiffre d'affaires porté par cette société sur la déclaration de résultats souscrite par elle au titre de l'exercice clos en 2014, lequel s'élevait à 1 946 808 euros, n'était pas concordant avec le montant, s'élevant à 777 988 euros, des chiffres d'affaires mentionnés, par la SARL Cash Web, sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait déposées au titre de la période couvrant cet exercice, cette discordance révélant une insuffisance de recettes taxables déclarées s'élevant à 1 168 820 euros et une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée s'établissant à 233 764 euros.

9. D'autre part, il ressort des termes de la réponse apportée, le 16 mars 2018, aux observations formulées par la SARL Cash Web sur cette proposition de rectification que le service a tenu compte de l'observation de la société selon laquelle elle avait fait application, au cours de la période en cause, du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, mais a aussi constaté que le total des chiffres d'affaires réalisés par magasin, tels qu'ils ressortaient des extraits de bilan fournis par la société, ne coïncidait toujours pas avec le chiffre d'affaires porté par elle sur sa déclaration de résultats de l'exercice correspondant, même si l'insuffisance de recettes taxables déclarées devait être ramenée à 461 615 euros et l'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée à 90 250 euros.

10. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SARL Cash Web, l'administration n'a pas substitué, dans la réponse apportée aux observations de cette société, un nouveau motif à celui exposé dans la proposition de rectification pour justifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et tiré de l'existence d'une discordance entre les montants de chiffres d'affaires déclarés par la SARL Cash Web, mais elle a seulement ajusté ses calculs du montant du rehaussement et de celui des rappels, en fonction des éléments nouveaux portés à sa connaissance par la société dans ses observations.

11. Il suit de là que le moyen tiré, par la SARL Cash Web, de ce que l'administration n'a pu régulièrement procéder, au stade de la réponse à ses observations, à une substitution de motifs sans lui impartir de nouveau un délai de trente jours afin de la mettre à même de formuler des observations doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

12. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les livraisons de biens, envisagées au a) de ce 2, lors de la réalisation de ce fait générateur.

13. Lorsque le contribuable n'est pas en situation d'imposition d'office et qu'il peut se prévaloir d'une comptabilité régulière, sincère et probante, la charge de la preuve du caractère insuffisant des déclarations du contribuable pèse sur l'administration. Une méthode susceptible de révéler l'existence d'anomalies dans les déclarations du contribuable ne saurait apporter, faute d'établir que la source des écarts ainsi révélés résulte d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer, la preuve que les écarts ainsi relevés doivent faire l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

14. Ainsi qu'il a été dit, pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration n'a pas mis en œuvre une quelconque méthode extracomptable destinée à apprécier si le chiffre d'affaires porté sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites, au cours de la période sur laquelle portait le contrôle sur pièces, correspondait à la réalité de l'activité de cette société, mais elle s'est limitée à constater que le chiffre d'affaires porté sur ces déclarations ne concordait manifestement pas avec celui mentionné par la SARL Cash Web sur la déclaration de résultats qu'elle avait par ailleurs déposée, avec sa liasse fiscale, au titre de l'exercice correspondant, puisqu'il lui était inférieur de 1 168 820 euros.

15. En l'absence de tout élément, résultant notamment de l'exploitation des déclarations et de la liasse fiscale remises par la SARL Cash Web à l'administration, de nature à expliquer cette discordance par une pratique commerciale spécifique de l'entreprise, le service a retenu que la discordance révélait une dissimulation de recettes, dont il a ajusté l'étendue à la baisse au vu des observations formulées par la société contribuable, et justifiait que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant, ramené en dernier lieu à 86 106 euros, soient mis à la charge de cette société, ce montant résultant de la différence entre, d'une part, le montant de taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période en cause déterminé à partir du chiffre d'affaires mentionné sur la déclaration de résultats puis de celui que la SARL Cash Web avait indiqué au service comme correspondant aux opérations réalisées par elle sous le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts et, d'autre part, le montant de taxe à reverser que la société avait porté sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée afférentes à la période en cause.

16. En premier lieu, la SARL Cash Web se prévaut de ce que sa comptabilité n'a pas été écartée par l'administration comme insuffisamment sincère et probante et soutient que le chiffre d'affaires porté sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période considérée est conforme à sa comptabilité. Elle en tire la conséquence que l'administration ne peut pas être tenue comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que l'écart mis en évidence par le service justifiait l'établissement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

17. Toutefois, d'une part, comme il a été dit au point 15, les éléments à la disposition du service ne révélaient l'existence d'aucune pratique commerciale spécifique susceptible de justifier l'écart ainsi constaté. D'autre part, les documents présentés par la SARL Cash Web comme des extraits de son grand livre comptable de l'exercice clos en 2014, lesquels documents ont été édités en 2018 et ne sont revêtus d'aucune signature permettant de les authentifier, ne peuvent suffire, même rapprochés de l'attestation établie, le 11 juillet 2022, par un expert-comptable qui n'était pas celui de la SARL Cash Web au cours de la période d'imposition en litige, à corroborer les allégations de cette société concernant la correspondance entre les mentions portées sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et ses écritures comptables. Enfin, la liasse fiscale déposée par la SARL Cash Web au titre de l'exercice correspondant et qui est réputée issue de sa comptabilité et retracer l'intégralité de son activité, y compris les ventes accomplies sur l'internet, fait mention d'un montant de chiffre d'affaires notablement supérieur au total des recettes taxables portées sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par cette société.

18. Dans ces conditions, l'administration doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, de la minoration, par la SARL Cash Web, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée mentionnée sur les déclarations souscrites par elle au titre de la période en cause et, par suite, du bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

19. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que, contrairement à ce que soutient la SARL Cash Web, l'administration a tenu compte, pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, de ce que cette société avait fait application, pour une partie des opérations qu'elle avait réalisées au cours de la période en cause, du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

20. En troisième lieu, si la SARL Cash Web soutient avoir effectué, durant la période d'imposition en litige, des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette assertion, alors que l'administration a tenu compte, pour établir les impositions maintenues à la charge de la SARL Cash Web, des ventes à distance que cette dernière a justifié avoir effectuées auprès de clients résidant dans d'autres Etats de l'Union européenne, que l'administration a placées sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge après avoir estimé que le lieu de livraison devait, en application du a. du I. de l'article 258 du code général des impôts, être regardé comme situé en France. Par sa seule allégation non étayée afférente à la réalisation de livraisons intracommunautaires exonérées, la SARL Cash Web ne conteste pas sérieusement cette analyse.

21. En quatrième lieu, la circonstance que la société aurait, en tout ou partie, régularisé sa situation déclarative au cours d'une période postérieure à celle en litige, ce qu'elle n'établit d'ailleurs pas, demeure sans incidence sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Cash Web n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

23. Dès lors que l'Etat ne peut pas être regardé comme la partie perdante, au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans la présente instance, les conclusions que la SARL Cash Web tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence du dégrèvement d'un montant de 4 724 euros prononcé, en droits et pénalités, en cours d'instance, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Cash Web tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Cash Web est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cash Web et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 12 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre ;

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°22DA01558

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01558
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL PHI LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-26;22da01558 ?
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