Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 29 janvier 2020 par laquelle le conseil municipal d'Ostricourt a adopté la révision du plan local d'urbanisme de la commune.
Par un jugement n° 2002862 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, M. B..., représenté par Me Rodolphe Piret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2022 ;
2°) d'annuler la délibération du 29 janvier 2020 par laquelle le conseil municipal d'Ostricourt a adopté la révision du plan local d'urbanisme de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ostricourt la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délibération attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme dès lors, d'une part, que le périmètre d'attente de projet d'aménagement global (PAPAG) ne fait l'objet d'aucune justification particulière, d'autre part, qu'il contredit les objectifs de densification urbaine portés par le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), le classement de ses parcelles en zone UA et les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) adoptées sur les secteurs avoisinants ;
- elle porte atteinte au droit de propriété tel que protégé par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le plan local d'urbanisme ne couvre pas l'ensemble du territoire de la commune et notamment pas la zone couverte par le PAPAG ;
- la délibération attaquée est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2023, la commune d'Ostricourt, représentée par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R.611-11-1 et R.613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son protocole additionnel n° 1 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.
- et les observations de Me Rodolphe Piret, représentant M. B... et Me Pauline Anger-Bourez, représentant la commune d'Ostricourt.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire des parcelles cadastrées AK 12, AK 13, AK 17, AK 230, AK 231 et AK 232 situées sur le territoire de la commune d'Ostricourt et classées en zone UA du plan local d'urbanisme (PLU). Par une délibération du 29 janvier 2020, le conseil municipal d'Ostricourt a approuvé la révision de son PLU, incluant la création/délimitation d'un périmètre d'attente de projet d'aménagement global sur le secteur du centre-ville couvrant ces parcelles. Par un jugement n° 2002862 du 11 avril 2022, dont M. B... interjette appel, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / (...) 5° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des servitudes interdisant, sous réserve d'une justification particulière, pour une durée au plus de cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement. Ces servitudes ne peuvent avoir pour effet d'interdire les travaux ayant pour objet l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes (...) ".
3. D'une part, en application de ces dispositions, la délibération attaquée a créé un périmètre d'attente de projet d'aménagement global (PAPAG) en lien avec l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) relative à la restructuration du centre-ville qui souligne l'encombrement, le manque d'ouverture et de lisibilité du centre-ville, la vétusté de certains îlots, l'insuffisance de sécurité pour les piétons, ainsi que la nécessité de redonner une identité plus marquée à la commune et d'embellir et d'améliorer le cadre de vie. Des orientations particulières y sont envisagées, consistant, notamment, en la création d'une zone mêlant commerces, logements, équipements publics et espaces verts entre la place Albert Thomas et la rue Jean-Jaurès, la conservation de l'architecture identitaire des bâtiments, l'amélioration de la sécurisation et la fluidification des axes de déplacements, la favorisation des modes doux et le développement des places de stationnement. Même si cette localisation sommaire n'inclut pas les parcelles de M. B..., comprises entre la place Albert Thomas et les rues Léon Blum et Charles Saint-Venant, le projet leur est clairement destiné puisqu'elles se trouvent dans la continuité du terrain accueillant un équipement public, l'école maternelle Pierre et Marie Curie, dont le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) préconise le renforcement et l'extension, dans sa première orientation intitulée " projet d'aménagement, d'urbanisme et d'habitat ". Le rapport de présentation du PLU insiste, dans son tome II, également sur l'objectif de créer une " véritable centralité urbaine ", " marquée par une place qui constituera un espace de rencontre pour les habitants ", de " dynamiser le centre-ville en permettant l'implantation de commerces de proximité ", de " renforcer les équipements publics existants " et de " prévoir un programme de logements à proximité immédiate des services et équipements ". Le rapport fournit une carte délimitant le périmètre d'attente, illustrée par des photographies représentatives des lieux et précise que le PAPAG inclut des secteurs bâtis et non bâtis et fait l'objet d'une convention avec un établissement public foncier. Ces documents précisent ainsi, de manière suffisamment circonstanciée, les justifications particulières qui ont conduit à l'instauration du PAPAG contesté au regard du projet de requalification du centre-ville d'Ostricourt. Le moyen tiré de l'absence de justification particulière du PAPAG doit, dès lors, être écarté.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le PAPAG comporte un " espace privilégié pour l'implantation de zones de logements, de commerces, d'équipements publics et d'espaces verts " qui couvre les parcelles de M. B.... Si le PADD prévoit de " conforter la centralité de la ville ", la densification du tissu urbain existant et le développement des lieux de commerces en lien avec l'habitat, il évoque également la requalification de l'espace public, le renforcement des équipements publics existants, le développement des liaisons douces, d'activités de loisirs, le développement de stationnement dans la centralité communale et le maintien d'un cadre de vie agréable pour les habitants. Dans ces conditions, l'instauration du PAPAG n'apparaît pas en contradiction avec les objectifs du PADD. En outre, si la zone UA, dont relèvent les parcelles de M. B..., est, d'après le règlement du PLU, une " zone mixte (...) destinée notamment à de l'habitat, des commerces, des services, des équipements publics ", elle ne fait pas obstacle à l'instauration d'une servitude d'urbanisme en vue de favoriser la création d'un projet d'aménagement global de restructuration du centre-ville qui ne fait qu'apporter temporairement des limites à l'utilisation des sols et différer la densification effective de cette zone. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 3, le PAPAG est en lien avec l'OAP relative à la restructuration du centre-ville, dont il conforte les objectifs. La circonstance que l'espace délimité par le PAPAG soit plus large que celui couvert par cette OAP ne caractérise aucune contradiction, alors qu'aucune disposition n'impose qu'un PAPAG se superpose aux secteurs définis par des OAP. Compte tenu de l'objectif poursuivi par la commune et de la localisation des parcelles de M. B... en centre-ville, l'instauration du PAPAG n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Si ces stipulations ne font pas obstacle à l'édiction, par l'autorité compétente, d'une réglementation de l'usage des biens, dans un but d'intérêt général, ayant pour effet d'affecter les conditions d'exercice du droit de propriété, il appartient au juge de contrôler s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les limitations constatées à l'exercice du droit de propriété et les exigences d'intérêt général qui sont à l'origine de cette décision.
6. D'une part, les contraintes liées à l'existence d'une servitude d'urbanisme sont prévues par la loi et répondent à un but d'intérêt général tenant à la maîtrise, par les collectivités, de l'occupation des sols et à l'amélioration du cadre de vie de la population. D'autre part, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, la création du PAPAG à l'occasion de la révision du PLU de la commune d'Ostricourt est justifiée, conformément aux exigences posées par l'article L.151-41 du code de l'urbanisme, et a des effets temporaires sur la constructibilité des parcelles qui y sont incluses. En outre, les propriétaires des parcelles situées dans le PAPAG ont toujours la possibilité d'exercer le droit de délaissement prévu par les dispositions de l'article L.152-2 du code de l'urbanisme, en exigeant de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à l'acquisition de ce bien. Enfin, rien ne s'oppose à ce que le propriétaire dont le bien est grevé d'une servitude d'urbanisme prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif général poursuivi. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'inclusion de ses parcelles au sein du PAPAG porterait à son droit de propriété une atteinte disproportionnée au but d'intérêt général poursuivi par la délibération contestée à travers la création de ce périmètre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme non fondé.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L.153-1 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme couvre l'intégralité du territoire : (...) : de la commune, lorsqu'il est élaboré par une commune (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles couvertes par le PAPAG relèvent des zones UA et UB du plan local d'urbanisme et sont soumises en conséquence à la réglementation propre à ces zones. La circonstance que le PAPAG se superpose au zonage du PLU n'a ni pour objet ni pour effet de supprimer les dispositions réglementaires afférentes à ce zonage et applicables à ces parcelles. En outre, le règlement du PLU propre à la zone UA prévoit des dispositions particulières pour les constructions sur les parcelles relevant du PAPAG, à savoir une extension limitée à 50 m2. La circonstance que certaines règles de constructibilité soient temporairement suspendues sur les terrains concernés n'a ni pour effet ni pour objet d'exclure ces terrains de l'application du PLU. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la partie du territoire relevant du PAPAG n'est pas couverte par le PLU ni que le PLU ne couvre ainsi pas l'intégralité du territoire communal. Le moyen tiré de l'absence de réglementation du PLU sur l'ensemble du territoire communal et en particulier sur le PAPAG manque en fait et doit être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le PAPAG a pour finalité la restructuration du centre-ville et l'amélioration du cadre de vie. Il n'apparaît pas que la commune d'Ostricourt aurait poursuivi un objectif étranger à l'intérêt général tendant à paralyser les projets de transmission de son patrimoine de M. B.... Il suit de là que cette décision justifiant d'un intérêt général, c'est sans commettre de détournement de pouvoir que les auteurs du PLU d'Ostricourt ont instauré cette servitude.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 29 janvier 2020 du conseil municipal d'Ostricourt portant approbation de la révision du plan local d'urbanisme présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ostricourt, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Ostricourt au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune d'Ostricourt une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Ostricourt.
Délibéré après l'audience publique du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
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N°22DA01246