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17/10/2023 | FRANCE | N°22DA02128

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22DA02128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2110189 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 202

2, M. B... A..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2110189 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 juillet 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un accès effectif aux soins dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît le 5° de l'article 6 du même accord et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a omis de procéder à un examen sérieux et particulier de sa situation avant de lui refuser le droit au séjour ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est lui-même entaché ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le préfet a omis de procéder à un examen sérieux et particulier de sa situation avant de prendre une mesure d'éloignement à son encontre ;

- cette mesure est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est lui-même entaché ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a omis de procéder à un examen sérieux et particulier de sa situation avant de fixer le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, l'instruction a été close à la date du 25 septembre 2023, à 12 heures.

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A... par une décision du 20 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur ;

- et les observations de Me Nadji, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 19 juillet 1955, est entré en France le 12 avril 2019 accompagné de son épouse. Il a présenté le 21 décembre 2020 une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé et de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français. Par un arrêté du 9 septembre 2021, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement. M. A... a saisi le tribunal administratif de Lille en vue d'obtenir l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 29 juillet 2022 dont il relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau à l'appui de ses allégations, et notamment de nature à critiquer la réponse apportée sur ce point par le jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait insuffisamment motivée. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7°. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a refusé de délivrer un certificat de résidence à M. A..., au vu de l'avis émis le 19 mai 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Se prononçant sur l'état de santé de l'intéressé, le collège de médecins a estimé qu'il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En l'espèce, M. A..., qui souffre d'une insuffisance coronarienne, a subi un double pontage le 9 juin 2020 et fait l'objet, depuis cette opération, d'un suivi médical et d'un traitement médicamenteux. Les deux certificats médicaux des 8 et 29 septembre 2020 qu'il produit à l'instance ne comportent aucune mention susceptible de contredire l'appréciation portée sur les conditions d'accès à un traitement approprié en Algérie. Il ne ressort pas des documents de portée générale dont le requérant fait état sur les difficultés du système de santé et de prise en charge des patients en Algérie que le suivi médical dont il a besoin n'y serait pas accessible à la généralité de la population. Par ailleurs, M. A..., qui ne donne aucune indication sur ses conditions de vie en Algérie où il a résidé jusqu'en 2019, ne se prévaut d'aucune circonstance exceptionnelle laissant supposer qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en dépit de son accessibilité. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour serait contraire aux stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5°. Au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

6. M. A... soutient qu'il est entré en France, accompagné de son épouse, sous couvert d'un visa de court séjour, que ses trois enfants et ses petits-enfants résident sur le territoire français en situation régulière et que ses parents y sont également présents. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est arrivé en France le 12 avril 2019, moins de trois ans avant la décision contestée, après avoir vécu en Algérie jusqu'à l'âge de soixante-trois ans. Il n'est pas contesté que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il n'est pas démontré que M. A... ne pourrait pas bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. A... sur le territoire français, le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant le droit au séjour. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la situation du requérant en rejetant sa demande de certificat de résidence.

7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... et de la possibilité, pour lui, d'accéder effectivement à un traitement adapté à son état de santé en Algérie.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision de refus de séjour ayant été écarté, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale, par voie d'exception, en raison d'une prétendue illégalité du refus de séjour.

9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... se trouverait dans l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes raisons, M. A... n'est pas fondé à soutenir que, ne pouvant effectivement accéder à un traitement approprié dans son pays d'origine, la mesure d'éloignement méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant les traitements inhumains et dégradants.

10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les moyens tirés d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Nord ne peuvent qu'être écartés.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision de refus de séjour ayant été écartés, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale, par voie d'exception, en raison d'une prétendue illégalité du refus de séjour.

13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait dans l'incapacité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il n'est donc pas fondé à soutenir qu'en fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit, le préfet du Nord aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré d'une prétendue erreur manifeste d'appréciation du préfet sur ce point doit être écarté.

14. En dernier lieu, il n'est aucunement établi que le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen sérieux et particulier de la situation du requérant avant de fixer l'Algérie comme pays de destination.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Danset-Vergoten.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Marécalle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

C. Marécalle

2

N° 22DA02128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02128
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-17;22da02128 ?
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