Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions des 2 juin 2020, 7 octobre 2020 et 25 janvier 2021 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a déclaré irrecevable sa demande de titre de séjour, ainsi que la décision implicite née le 10 août 2021 de refus de délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2004854-2101978-2109456 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du préfet du Pas-de-Calais des 2 juin 2020, 7 octobre 2020 et 25 janvier 2021, ainsi que le refus implicite, né le 10 août 2021, de délivrer un titre de séjour à M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé n'ayant pas justifié de son identité et de sa nationalité par un document probant, condition préalable à la délivrance d'un titre de séjour ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des mêmes dispositions réglementaires, les documents produits ne permettant pas d'établir, de manière certaine, l'identité de l'intéressé ni sa nationalité ;
- l'État ne pouvant être regardé comme partie perdante en première instance, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement d'une somme de 3 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, et une pièce produite le 5 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Julie Gommeaux conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2023.
La décision du 7 février 2022 accordant à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenue par une décision du 22 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller honoraire, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions des 2 juin 2020, 7 octobre 2020 et 25 janvier 2021 déclarant irrecevable la demande de titre de séjour de M. B..., ainsi que son refus implicite, né le 10 août 2021, de lui délivrer un titre de séjour.
2. Au soutien de sa requête d'appel, le préfet du Pas-de-Calais fait valoir que le jugement attaqué, qui a retenu seulement le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée par les décisions en litige au respect de la vie privée et familiale de M. B..., est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui exigent la production de documents justifiant l'état civil et la nationalité du demandeur d'un titre de séjour. Il estime qu'au regard de l'application de ces dispositions, préalable à l'examen du bien-fondé de la demande de titre de séjour, l'intimé n'ayant présenté aucun document probant établissant son état civil et sa nationalité, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérantes.
3. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si les experts de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Calais ont conclu à la falsification du passeport présenté par l'intéressé en 2019, le préfet ne leur a pas demandé d'analyser la carte nationale d'identité guinéenne éditée le 8 janvier 2008, qui comporte une empreinte digitale, ni le passeport délivré le 4 juillet 2009, retenu par les services de police le 10 juillet 2018. Au surplus, après le jugement attaqué, le préfet ne met pas en doute l'authenticité du passeport guinéen valable à compter du 17 mai 2022, présenté par M. B.... Dans les circonstances de l'espèce, les pièces non contestées par le préfet sont de nature à établir l'état-civil et la nationalité de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile invoqué à l'encontre du jugement par le préfet du Pas-de-Calais, qui ne remet pas en cause l'atteinte disproportionnée portée par les décisions en litige au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur, ne peut qu'être écarté.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions des 2 juin 2020, 7 octobre 2020 et 25 janvier 2021 et son refus implicite, né le 10 août 2021, de délivrer un titre de séjour à M. B..., ni, par voie de conséquence, que c'est à tort que ce même jugement lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et a condamné l'État à verser au conseil de M. B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991
Sur les conclusions incidentes de M. B... :
5. Il résulte de l'instruction que M. B... dispose d'un titre de séjour en cours de validité. Sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un tel titre est donc devenue sans objet et les conclusions incidentes de l'intimé sont irrecevables.
Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... d'une somme de 1 000 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de M. B... sont rejetées.
Article 3 : Sous réserve que Me Gommeaux renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, l'Etat versera à Me Gommeaux, avocate de M. B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Me Gommeaux.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre ;
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur ;
- M. Jean-Pierre Bouchut, magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-P. Bouchut
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Marécalle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Marécalle
N°22DA01148
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