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12/10/2023 | FRANCE | N°23DA00325

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 octobre 2023, 23DA00325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Kosovo comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2300474 du 17 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cett

e demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Kosovo comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2300474 du 17 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2023 et un mémoire du 16 mars 2023, M. C..., représenté par Me Lepeuc, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige n'est pas motivée ;

- le principe général du droit de l'Union européenne à être entendu a été méconnu ;

- en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 18 juillet 1981 à Casablanca (Maroc), est entré en France, selon ses déclarations, en 2005. Alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire du Havre, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 27 janvier 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté. Toutefois, par un jugement du 17 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande. Dans le cadre de la présente instance, M. C..., qui déclare avoir exécuté la mesure d'éloignement, demande à la cour de réformer ce jugement et d'annuler uniquement la décision contenue dans l'arrêté du 27 janvier 2023 prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

3. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

4. Pour faire interdiction à M. C... de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Maritime a pris en compte les conditions de l'entrée et du séjour en France de l'intéressé, ses liens familiaux en France et dans son pays d'origine, sa situation en France et le fait qu'il présente une menace pour l'ordre public. Le préfet qui a visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision. Eu égard à la teneur de l'arrêté, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de sa situation doit être également écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de ses auditions en date des 11 mars 2022 et 12 janvier 2023 au cours desquelles M. C... a été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, celui-ci a notamment exposé sa situation familiale et en particulier qu'il était père de deux enfants mineurs nés en France pour lesquels un jugement du juge aux affaires familiales avait été rendu lui accordant un droit de visite et l'autorité parentale. Dès lors, en tout état de cause, M. C... n'est pas fondé à soutenir que, n'ayant pas été informé que l'autorité administrative était susceptible de prononcer à son encontre la mesure en litige, il n'a pas été en mesure de porter à sa connaissance ces éléments sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du droit à être entendu doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en 2005 et y a séjourné régulièrement jusqu'au 4 novembre 2021. Par ailleurs, l'intéressé est père de deux enfants nés d'une relation avec une ressortissante française et âgés à la date de la décision en litige de 17 ans et 22 ans. Toutefois, M. C... ne justifie ni qu'il pourvoirait à leur entretien ni de l'intensité des relations qu'il entretiendrait avec eux alors qu'il admet que ces derniers ne lui ont pas rendu visite depuis le début de son incarcération. De plus, il ressort également des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet depuis 2007 de nombreuses condamnations pénales, notamment pour des faits de violence avec usage d'une arme, de menaces de mort et de vol, dont une peine d'un an et six mois d'emprisonnement, prononcée le 17 septembre 2021 par la cour d'appel de Rouen pour des faits de violation de domicile, en application de laquelle M. C... a été incarcéré au centre pénitentiaire du Havre. Eu égard à la gravité et à la réitération de ces faits, un tel comportement constituait à la date d'adoption de la mesure en litige une menace pour l'ordre public. Dès lors, quand bien même le requérant a deux frères qui résident en France et a exercé une activité rémunérée en détention, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur d'appréciation en interdisant à M. C... de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point précédent, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 27 janvier 2023 prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA00325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00325
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-12;23da00325 ?
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