Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, ou, subsidiairement, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations primaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement no 2003178 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. A... à concurrence de la somme de 4 571 euros, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Boudin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement dans cette dernière mesure ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'avis de vérification et l'ensemble des pièces de la procédure ne lui ont pas été envoyés à son adresse personnelle ;
- il est fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes n° 290 à 310 de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-20-10 ;
- les sommes de 31 483 euros pour l'année 2012, de 30 778 euros pour l'année 2013 et de 18 093 euros pour l'année 2014 ne peuvent être qualifiées de revenus distribués au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts mais constituent des rémunérations ;
- la qualification de rémunération de gérance n'est pas subordonnée à l'existence d'une décision de l'assemblée générale ainsi que le rappelle la réponse ministérielle n° 3622 du 20 avril 1981 ;
- la majoration de 40 % pour non-dépôt de déclarations prévue au b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2012 à 2014 à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 22 septembre 2015, l'administration lui a notifié des cotisations primaires d'impôt sur le revenu au titre des trois années, établies selon procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédure fiscales et assorties de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. En l'absence de décision de l'administration sur sa réclamation, M. A... a saisi le tribunal administratif de Rouen. Par un jugement du 7 juin 2022, le tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A... à concurrence de la somme de 4 571 euros, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. M. A... relève appel, dans cette dernière mesure, de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) . "
3. Il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification a été adressé le 22 juin 2015 à M. A... au 11 rue Aristide Briand à Pacy-sur-Eure. Si M. A... ne conteste pas en avoir reçu notification le 25 juin 2015, il indique que, depuis 2009, cette adresse n'était plus celle de son domicile personnel mais seulement celle du siège de la société à responsabilité limitée (SARL) " L'homme illustré " dont il est gérant et détient la majorité du capital social et celle du lieu d'exercice de son activité professionnelle de tatouage et piercing. Toutefois, l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que cette adresse était la dernière connue par elle dès lors d'une part qu'il s'agit de l'adresse à laquelle M. A... avait été imposé au titre de l'année 2008, le contribuable n'ayant plus déposé ensuite aucune déclaration de revenus, et dès lors d'autre part que ce dernier n'avait effectué aucune démarche auprès de l'administration pour l'informer de son changement d'adresse. Dès lors, et en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité en raison de l'absence de notification de l'avis de vérification à son adresse personnelle.
4. En second lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction administrative référence BOI-CF-PGR-20-10, dès lors que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales concernent l'application de la loi fiscale et ne trouvent pas à s'appliquer en matière de procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé de l'imposition restant en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, les rehaussements contestés d'impôt sur le revenu ont été établis selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que M. A... supporte, en application de l'article L. 193 du même livre, la charge de la preuve et qu'il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que les cotisations primaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti présentent un caractère exagéré.
En ce qui concerne l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
7. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. A..., l'administration fiscale a constaté que la SARL " L'homme illustré ", au cours de la période vérifiée, d'une part avait procédé à de nombreux virements sur le compte bancaire personnel détenu par M. A..., par ailleurs gérant de la société, et d'autre part avait pris en charge des dépenses personnelles du contribuable, à hauteur d'un montant total de 31 483 euros pour l'année 2012, de 30 778 euros pour l'année 2013 et de 18 093 euros pour l'année 2014. Dans le cadre de la proposition de rectification du 22 septembre 2015, l'administration a entendu imposer ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en estimant qu'il s'agissait de revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Devant le tribunal administratif, elle a demandé que la base légale du c. de l'article 111 du code général des impôts soit substituée à celle initialement retenue, demande à laquelle le tribunal a fait droit.
8. En premier lieu, M. A... soutient devant la cour que les sommes en cause ne peuvent pas être qualifiées de revenus et avantages occultes dès lors qu'à l'occasion des opérations de vérification de la comptabilité de la SARL " L'homme illustré ", l'administration n'a ni donné une telle qualification à ces sommes, ni procédé à leur réintégration dans les bénéfices imposables. Toutefois, en tout état de cause, ainsi que le fait valoir l'administration, la SARL n'a déposé aucune déclaration de résultats au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et n'a présenté aucun document comptable au service à l'occasion de sa vérification de comptabilité, ce qui a conduit à l'évaluation d'office de son résultat. Le service a donc été mis dans l'impossibilité d'identifier les opérations en cause et de leur donner une telle qualification.
9. En deuxième lieu, M. A... soutient que les sommes en cause lui ont été versées en rémunération de son activité de gérant de la société et ne peuvent donc pas être qualifiées de revenus et avantages occultes.
10. A ce titre, d'une part, M. A... produit pour la première fois en appel les statuts de la SARL, lesquels stipulent à leur article 16 que la rémunération de M. A..., en sa qualité de premier gérant de la société, est fixée à 1 000 euros mensuels. Toutefois, le requérant n'apporte aucun autre élément permettant de démontrer qu'une partie des virements opérés par la société à son bénéfice correspondrait à sa rémunération statutaire alors que seuls cinq virements réalisés à des dates différentes sont de ce montant au cours des trois années vérifiées.
11. D'autre part, M. A... produit, comme en première instance, des extraits du grand livre comptable de la SARL faisant apparaître au compte 641150 " rémunération du gérant " des sommes de 36 381,30, 37 854 et 27 000 euros au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Toutefois, outre le fait que l'administration n'a pas été en mesure de contrôler ces éléments, aucun élément comptable ne lui ayant été fourni au cours des opérations de vérification de la comptabilité de la société " L'homme illustré ", ces montants sont bien supérieurs au montant de la rémunération de M. A... fixée statutairement à 12 000 euros annuels et aucune explication ni aucun élément n'ont été apportés permettant de rapprocher ces éléments comptables des crédits constatés sur le compte bancaire personnel de M. A....
12. Enfin, le contribuable, qui n'a procédé à aucune déclaration de revenus au titre des années en cause, n'apporte aucune explication quant à la réalité et à l'étendue de son activité de gérant de la société, ni aucune pièce de nature à justifier la perception effective de rémunérations à ce titre.
13. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de l'administration tendant à ce que les sommes en litige soient imposées, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et l'intéressé n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
Sur la majoration :
14. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".
15. Pour justifier de l'application de la majoration de 40 % prévue au b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, l'administration fait valoir que des mises en demeure de déposer des déclarations sur le revenu au titre des années 2012, 2013 et 2014 ont été envoyées à M. A..., les 20 février 2015 et 6 juillet 2015, à l'adresse dont elle avait connaissance comme étant le domicile personnel du contribuable. Si M. A..., qui ne conteste pas en avoir été destinataire et ne pas y avoir donné suite, soutient que ces mises en demeure n'ont pas été adressées à son domicile personnel mais au lieu d'exercice de son activité professionnelle, à cette date, ainsi qu'il a été dit au point 3, le contribuable n'avait pas porté son changement d'adresse à la connaissance de l'administration.
16. Dans ces conditions, en tout état de cause, l'administration était fondée à faire application aux cotisations d'impôt sur le revenus mises à la charge de M. A... au titre des années 2012, 2013 et 2014 de la majoration de 40 % prévue au b de l'article 1728 du code général des impôts.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA01663
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