Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1907293 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a réduit la base d'imposition à l'impôt sur le revenu qui a été assignée à M. D... au titre de l'année 2012 d'un montant de 36 802,72 euros et l'a déchargé, en droits et pénalités, des impositions y afférentes, et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022, et un mémoire, enregistré le 29 décembre 2022, M. D..., représenté par Me de Foucher, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement qui a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, demeurant en litige, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de l'atteinte aux droits de la défense du contribuable ;
- le jugement attaqué n'est pas motivé s'agissant des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 ;
- le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- il justifie, pour les années 2011 et 2013, de la déductibilité des sommes déclarées au titre des pensions alimentaires servies à ses enfants ;
- subsidiairement, les sommes en cause doivent être considérées, au titre de l'année 2011, comme une contribution aux charges du mariage.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2022 et le 10 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2023.
Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 12 septembre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-842 QPC du 28 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme B..., alors mariés sous le régime de la séparation de biens, ne vivaient plus sous le même toit à compter du 24 juin 2011 et ont fait l'objet, en application du a du 4 de l'article 6 du code général des impôts, d'impositions distinctes en matière d'impôt sur le revenu à compter de l'année 2011. A l'issue d'un contrôle sur pièces, M. D... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 à 2013 résultant de la réintégration dans ses bases d'imposition du montant de pensions alimentaires qu'il soutient avoir versées pour l'entretien de ses enfants. Par un jugement du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a réduit la base d'imposition de M. D... pour 2012 d'une somme de 36 802,72 euros, l'a déchargé des impositions ainsi que des pénalités correspondantes résultant de cette réduction et a rejeté le surplus de sa demande. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., le tribunal administratif a, au point 2 du jugement attaqué, expressément répondu, en le jugeant inopérant, au moyen tiré de ce que la décision rejetant sa réclamation préalable a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité dès lors que cette réclamation a été instruite par le contrôleur principal à l'origine des rectifications. Par suite, M. D... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dû répondre à ce moyen.
3. En second lieu, les premiers juges ont suffisamment motivé, au point 5 du jugement attaqué, leur réponse au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en réintégrant la somme de 7 015 euros dans les bases d'imposition de l'année 2013 correspondant, selon M. D..., à un avantage en nature consenti à son fils mineur à raison de la mise à disposition gratuite à son profil du domicile jusqu'alors conjugal. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement à raison de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. La circonstance que la réclamation de M. D... a fait l'objet d'une instruction conduite par le contrôleur principal à l'origine des rectifications litigieuses n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte au principe des droits de la défense. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...) ; (...) contribution aux charges du mariage définie à l'article 214 du code civil, lorsque son versement résulte d'une décision de justice et à condition que les époux fassent l'objet d'une imposition séparée ; (...) La déduction est limitée, par enfant majeur, au montant fixé pour l'abattement prévu par l'article 196 B. (...) ". Aux termes de l'article 214 du code civil : " Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. (...) ".
En ce qui concerne l'année 2011 :
6. Pour justifier de la déduction, au titre de son revenu imposable de l'année 2011, de la pension de 35 000 euros qu'il aurait versée pour l'entretien de ses enfants qui vivent avec leur mère et dont deux étaient alors mineurs, M. D... a produit des copies des relevés d'un compte joint ouvert pour son épouse et lui-même, sur lequel la pension alimentaire aurait été créditée.
7. Toutefois, d'une part, si M. D... fait valoir que les virements afférents à cette pension proviennent d'un compte de la société ACA européenne d'expertise D... et comportent le libellé " salaires " ou " dividendes ", il ne justifie pas avoir approvisionné seul ce compte joint des sommes émanant de cette société alors qu'il résulte de la déclaration de revenus de M. D... au titre de l'année 2011 que son épouse a également bénéficié de revenus de cette même société au cours de l'année en cause et qu'il n'est pas établi que ces revenus auraient cessé dès la séparation du couple.
8. D'autre part, en tout état de cause, M. D..., qui au demeurant disposait d'une carte bancaire sur ce compte joint avec laquelle il effectuait des dépenses et était titulaire, conjointement avec son épouse, d'un carnet de chèques, n'établit pas l'identité des bénéficiaires de ces sommes.
9. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'il n'était pas établi que les sommes invoquées par M. D... avaient été affectées à l'entretien de ses enfants ou à la mise à disposition gratuite du logement familial au profit de ses enfants mineurs, ni, pour les mêmes motifs, qu'elles auraient constitué une contribution de sa part aux charges du mariage.
10. Par suite, M. D... n'est pas fondé à demander qu'une somme de 35 000 euros soit déduite de son revenu de l'année 2011 en application du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'année 2013 :
11. Par une ordonnance de non conciliation du 21 décembre 2012, la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à Mme B... et la résidence habituelle du fils mineur du couple a été fixée au domicile de cette dernière. M. D... demande que soit pris en compte, à hauteur de 7 015 euros, l'avantage en nature ayant résulté de la mise à disposition à titre gratuit de ce logement au profit de son fils mineur, à la charge de sa mère.
12. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'avantage en nature lié à cette jouissance à titre gratuit a été évalué, par l'ordonnance de non-conciliation, à 1 875 euros par mois et que l'administration a estimé que M. D... était, à ce titre, en droit de déduire de son revenu de l'année 2013 la somme de 22 500 euros. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a pris en considération l'avantage en nature versé par M. D... au titre de la mise à disposition gratuite de ce logement à Mme B... ainsi qu'à son fils mineur.
13. Si M. D... soutient également qu'il entend déduire de son revenu global le montant des mensualités qu'il verse pour rembourser l'emprunt contracté pour acquérir ce logement, il résulte, en tout état de cause, de l'instruction que le remboursement de ce crédit n'est pas pris en charge par M. D... mais par la société civile immobilière du V12. Par suite, l'administration était en droit de limiter la déduction de cet avantage en nature à un montant de 22 500 euros.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
15. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA00895