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10/10/2023 | FRANCE | N°23DA00274

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 octobre 2023, 23DA00274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence pendant 45 jours.

Par un jugement n° 2209010 du 13 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 25 juillet 2023, M. B..., représentée par Me Armand Mbarga, demande à

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022.

Il soutient q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence pendant 45 jours.

Par un jugement n° 2209010 du 13 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 25 juillet 2023, M. B..., représentée par Me Armand Mbarga, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert aux autorités allemandes du 18 mai 2022 n'a pas été exécuté par l'administration dans les délais légaux, ce qui rend son assignation à résidence illégale conformément aux articles L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 29 du règlement UE n° 204/2013 du 26 juin 2013 ;

- la saisine du tribunal administratif n'a pas pour effet d'interrompre ce délai de six mois ;

- il ne peut pas être regardé comme étant en fuite, contrairement à ce qu'affirme le préfet ;

- l'administration est tenue de prononcer l'abrogation d'un acte règlementaire devenu illégal du fait d'un changement de circonstance de droit ou de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête de M. B... n'est pas fondée.

Par une ordonnance du 6 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 204/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C..., premier-conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant turc né le 24 avril 2000, a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités allemandes le 18 mai 2022. Le recours introduit contre cette décision devant le tribunal administratif de Lille a été rejeté par jugement du 21 juin 2022. Par un arrêté du 21 novembre suivant, le préfet du Pas-de-Calais a assigné l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois. M. B... relève appel du jugement du 13 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation ce dernier arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 572-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsque le tribunal administratif a été saisi d'un recours contre la décision de transfert, celle-ci ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant qu'il ait été statué sur ce recours. ". Aux termes de l'article L. 751-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. / (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. (...) ".

3. D'autre part, aux termes des dispositions du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes des dispositions du paragraphe 2 de ce même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'introduction d'un recours contre la décision de transfert par l'étranger qui n'a fait l'objet à ce stade ni d'une assignation à résidence, ni d'un placement en rétention administrative, doit être regardée comme interrompant le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 jusqu'à l'intervention du jugement du tribunal administratif. Le recours formé contre la décision d'assignation à résidence de l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert doit être regardé comme interrompant également ce délai de six mois. Une assignation à résidence ordonnée sur le fondement d'une décision de transfert dont la durée, à la date où elle est édictée, excède le terme du délai dans lequel le transfert du demandeur d'asile doit intervenir est illégale en tant que sa durée s'étend au-delà de l'échéance de ce délai et le juge, dès lors qu'il est saisi d'une argumentation en ce sens, est tenu d'en prononcer l'annulation dans cette mesure. Toutefois, lorsque le délai d'exécution du transfert a, postérieurement à l'édiction de l'assignation à résidence, été interrompu, il appartient au juge de constater, le cas échéant, que cette interruption a eu pour effet de régulariser la décision d'assignation à résidence en tant qu'elle avait été prise pour une durée excessive ; dans une telle hypothèse, il ne prononce donc pas l'annulation partielle de la décision d'assignation à résidence.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande d'asile formée par M. B... le 11 avril 2022, le préfet du Nord a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge, lesquelles ont fait droit à cette demande le 20 avril 2022. Par conséquent, le préfet du Nord a pris, le 18 mai suivant, un arrêté transférant l'intéressé à ces autorités. M. B... ayant formé un recours contre cet arrêté, rejeté par le tribunal administratif de Lille par un jugement du 21 juin 2022, notifié à la préfecture le 28 juin suivant, le délai initial de six mois qui courait à compter du 20 avril 2022 et qui aurait dû prendre fin le 20 octobre 2022 a recommencé à courir à partir du 28 juin 2022 pour une nouvelle durée de six mois, soit jusqu'au 28 décembre 2022. L'assignation à résidence prise le 21 novembre 2022 a fait l'objet d'un recours par M. B..., rejeté par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille le 13 janvier 2023. En vertu des dispositions précitées, ce recours a également interrompu le délai de six mois qui a recommencé à courir le 16 janvier 2023, date de notification du jugement attaqué au préfet du Pas-de-Calais jusqu'au 16 juillet 2023. Ainsi, la décision assignant M. B... à résidence le 21 novembre 2022 pour une durée de 45 jours, renouvelable trois fois, soit jusqu'au 21 mai 2023 au plus tard, qui ne constitue pas, au demeurant, un acte réglementaire, n'excède pas le terme du délai dans lequel le transfert de l'intéressé doit intervenir et n'est, dès lors, pas contraire aux dispositions citées aux points 2 et 3. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 21 novembre 2022 l'assignant à résidence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. C...Le président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°23DA00274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00274
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : MBARGA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-10;23da00274 ?
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