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05/10/2023 | FRANCE | N°22DA00732

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 octobre 2023, 22DA00732


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 mars 2022, 25 avril 2022, et 1er juin 2023, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Stéphanie Encinas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2022 par lequel le maire de Saint-Saulve a accordé à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la démolition, la reconstruction et l'extension d'un magasin à l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 1 416,62 m² ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat e

t de la commune de Saint-Saulve une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 mars 2022, 25 avril 2022, et 1er juin 2023, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Stéphanie Encinas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2022 par lequel le maire de Saint-Saulve a accordé à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la démolition, la reconstruction et l'extension d'un magasin à l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 1 416,62 m² ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Saulve une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas démontré que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués, conformément aux dispositions de l'article R.732-35 du code de commerce ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est insuffisant en ce qui concerne l'offre proposée, la délimitation de la zone de chalandise et l'installation des panneaux photovoltaïques et méconnaît ainsi plusieurs dispositions de l'article R.752-6 du code de commerce ;

- la zone de chalandise a été sous-évaluée, en méconnaissance de l'article R.752-3 du code de commerce ;

- le projet ne répond pas aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs, au regard de plusieurs des critères associés à ces objectifs, tels qu'ils sont fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires enregistrés les 21 mars 2023, 13 avril 2023 et 13 juillet 2023, la société en nom collectif Lidl, représentée par Me David Bozzi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Auchan Supermarché d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La commission nationale d'aménagement commercial a déposé des pièces le 8 février 2023 et le 20 avril 2023.

Par une ordonnance du 31 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;

- le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Stéphanie Encinas représentant la société Auchan Supermarché et de Me David Bozzi représentant la société SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl exploite depuis 2009 un magasin à l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 996 m2 sur un terrain situé 208 rue Jean Jaurès à Saint-Saulve, dans la banlieue de Valenciennes. Le 4 mars 2021, elle a déposé une demande de permis de démolir et de construire valant autorisation d'exploiter un magasin d'une surface de vente de 1 416,62 m². La commission départementale d'aménagement commercial du Nord a émis un avis favorable le 7 juillet 2021. Saisie d'un recours préalable obligatoire par la société Auchan Supermarché, qui exploite également un magasin dans la rue Jean Jaurès, à 1,6 km du projet, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis favorable au projet le 13 janvier 2022. Par un arrêté du 21 février 2022, le maire de Saint-Saulve a accordé le permis de construire sollicité, dont la société Auchan Supermarché demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne la convocation des membres de la CNAC :

2. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux exigences réglementaires rappelées ci-dessus, les membres de la CNAC ont été simultanément destinataires le 21 décembre 2021, par voie dématérialisée, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 13 janvier 2022, au cours de laquelle celle-ci devait examiner le projet en litige. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La société Auchan Supermarché n'a pas répliqué à la suite des justifications fournies par la CNAC, qui ne sont contredites par aucune pièce du dossier. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres devant la CNAC doit être écarté.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de demande :

4. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / (...)1° Informations relatives au projet : (...) d) Pour les projets d'extension d'un ou plusieurs magasins de commerce de détail : / - le secteur d'activité et la classe, au sens de la nomenclature d'activités française (NAF), du ou des magasins dont l'extension est envisagée ; /- la surface de vente existante ; /- l'extension de surface de vente demandée ; /- la surface de vente envisagée après extension ; /(...)3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) / f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; / 4° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : (...) /b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments, et fourniture d'une liste descriptive des produits, équipements et matériaux de construction utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; (...)/ II.-L'analyse d'impact comprend, après un rappel des éléments mentionnés au 1° du I, les éléments et informations suivants : /1° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / a) Une carte ou un plan indiquant, en les superposant, les limites de la commune d'implantation, celles de l'établissement public de coopération intercommunale dont est membre la commune d'implantation, et celles de la zone de chalandise, accompagné : - des éléments justifiant la délimitation de la zone de chalandise ; (...) - d'une description de la desserte actuelle et future (...) et des lieux exerçant une attraction significative sur la population de la zone de chalandise, notamment les principaux pôles d'activités commerciales, ainsi que du temps de trajet véhiculé moyen entre ces lieux et le projet ; (...) c) La description succincte et la localisation, à partir d'un document cartographique, des principaux pôles commerciaux situés à proximité de la zone de chalandise ainsi que le temps de trajet véhiculé moyen entre ces pôles et le projet ; (...) ". Aux termes de l'article R.752-3 de ce code : " (...) constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ".

5. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. En premier lieu, si l'offre proposée par le nouveau magasin n'est pas précisée, les dispositions précitées du I, 1°, d), de l'article R. 752-6 du code de commerce n'imposent de mentionner que le secteur d'activité. Or, le dossier de demande indique clairement que le projet concerne une grande surface à dominante alimentaire et qu'il procède à l'extension d'une surface commerciale préexistante, ce qui a suffisamment renseigné la CNAC sur la nature du projet.

7. En deuxième lieu, dans sa partie consacrée aux effets du projet en matière de développement durable, le dossier indique qu'une toiture photovoltaïque d'une superficie de 901 m² sera installée sur la construction. Il précise qu'elle devrait permettre de couvrir une partie de ses besoins en électricité et fournit une estimation de sa production annuelle d'électricité et de son équivalence de consommation par foyer de quatre personnes. Dans ces conditions, l'absence de précision quant au type de panneaux photovoltaïques retenus, à l'utilisation de l'énergie produite ou à la consommation réelle d'énergie du projet ne permet pas de caractériser une insuffisance du dossier sur le volet énergétique, au regard du I, 4°, b), de l'article R.752-6 du code de commerce, susceptible d'avoir faussé l'appréciation de la commission.

8. En troisième lieu, dans l'analyse d'impact, la société Lidl a justifié la délimitation de la zone de chalandise en prenant en compte plusieurs éléments : l'autoroute A2, principal axe routier présent, les quatre autres supermarchés Lidl situés à proximité, à Onnaing, Escautpont, Anzin et Marly, les trois autres supermarchés exploités sous une autre enseigne existant dans un périmètre proche à Saint-Saulve et Valenciennes, ainsi que les pôles commerciaux de Valenciennes et de Lille implantés en dehors de la zone de chalandise. Le dossier mentionne qu'est pris en compte " jusqu'à 12 minutes de déplacement en voiture ". Ce temps de déplacement est explicité par une carte de la zone de chalandise qui indique qu'elle est composée de deux sous zones, l'une de moins de trois minutes de temps de déplacement, l'autre de quatre à six minutes de temps de déplacement. Alors que la durée de douze minutes n'était présentée que comme un maximum, les éléments figurant au dossier de demande, conformes aux critères énoncés par l'article R.752-3 du code de l'urbanisme, apportent des justifications suffisantes quant à la délimitation de la zone de chalandise. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions du II, 1°, a), de l'article R.752-6 du code de commerce doit donc être écarté.

9. Enfin, le dossier comporte des documents préparatoires attestant de l'existence d'un accord de principe de la commune d'implantation en vue de la création, sur la voie de circulation en provenance de Valenciennes, d'un "tourne à gauche" pour accéder au magasin. Dans la mesure où cet aménagement de voirie constitue une simple amélioration destinée à fluidifier l'accès au magasin, mais n'est pas nécessaire à la réalisation du projet, la société ne peut utilement soutenir que l'incertitude entourant sa réalisation et le manque de pièces justificatives sont de nature à caractériser une insuffisance du dossier de la demande en matière d'aménagement du territoire, au regard du I, 3,° f), de l'article R. 752-6 du code de commerce.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Auchan Supermarché n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation portée par la CNAC sur le projet a été faussée par les insuffisances du dossier de la demande.

En ce qui concerne le bien-fondé de la délimitation de la zone de chalandise du projet :

11. Il ressort des pièces du dossier que la zone de chalandise définie par la société Lidl exclut les communes d'Onnaing, Escaupont, Anzin, Marly et le sud de Valenciennes en raison de la présence de magasins Lidl dans ou à proximité de ces communes qui seraient plus attractifs que le projet. Si la société requérante soutient que la commune d'Estreux a été incluse à tort dans la zone de chalandise en dépit de sa proximité avec le magasin Lidl de Marly, l'analyse d'impact relève la présence d'une emprise ferroviaire constituant une coupure urbaine importante. La société Auchan supermarché n'établit ni même n'allègue que des territoires exclus de la zone de chalandise auraient notamment des taux de vacance commerciale préoccupants ou accueilleraient des petits commerces susceptibles d'être menacés par le projet. En l'état des éléments versés au dossier, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la CNAC dans l'évaluation de la zone de chalandise du projet doit être écarté comme non fondé.

En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

12. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale (...) ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre (...), du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / (...) / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

13. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à détruire et à reconstruire, en le modernisant et en l'agrandissant d'environ 420 m², un magasin à l'enseigne Lidl implanté sur ce même terrain depuis 2009. Le site est situé dans un quartier résidentiel périphérique, au bord d'un axe départemental fréquenté, à moins de cinq minutes du centre-ville de Saint-Saulve. Dans ces conditions, le projet, qui permet d'attirer une clientèle locale et de passage, répond à l'objectif d'animation de la vie urbaine.

15. D'autre part, si la société requérante soutient que l'offre commerciale du territoire est déjà suffisante et qu'il n'est pas démontré que le magasin offrira une offre complémentaire et non concurrente au petit commerce, elle n'apporte aucun élément probant en ce sens. Alors même que les communes de Saint-Saulve et de Valenciennes font partie du plan d'action " Cœur de ville " et que la commune de Valenciennes a signé une convention " opération de revitalisation de territoire ", l'analyse d'impact retient un effet économique limité sur les commerces du centre-ville de Valenciennes et les supérettes et supermarchés alentours, en soulignant l'augmentation de la population de la zone de chalandise de plus de 5 % entre 2011 et 2021 et l'infériorité de plus de 3 % du taux de vacance commerciale des communes de Valenciennes et de Saint-Saulve par rapport au taux national moyen. Ainsi, si la contribution du projet à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes n'est pas avérée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il les compromette.

15. Enfin, il ressort de l'étude de circulation, actualisée en novembre 2021 et non sérieusement contestée, que si le projet d'extension du magasin existant générera une augmentation du trafic de 111 véhicules par jour et de 11 véhicules supplémentaires à l'heure de pointe du soir, les réserves de capacité des voies desservant le magasin évolueront peu. Au surplus, la création d'un " tourne à gauche " est envisagée pour fluidifier l'accès au magasin, ainsi que l'élargissement de l'accès au site et le déplacement d'un arrêt de bus. L'objectif relatif aux flux de transport et à l'accessibilité au site n'apparaît donc pas méconnu.

16. Il résulte de ce qui précède que le projet ne compromet pas la réalisation des objectifs énoncés par la loi et que la CNAC a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce s'agissant de l'impact du projet contesté en matière d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

17. En premier lieu, d'une part, le projet a prévu de recourir aux énergies renouvelables en assurant, notamment, la couverture de la toiture par des panneaux photovoltaïques - dans des proportions d'ailleurs supérieures à celles fixées par l'article L.111-18-1 du code de l'urbanisme -, ainsi que l'équipement du bâtiment avec des éclairages et réfrigérateurs de basse consommation électrique. D'autre part, si l'agrandissement du magasin entraînera la disparition de 3 675 m2 de jardins, la société requérante ne peut utilement faire état de l'augmentation de l'artificialisation des sols, alors que la prohibition de la délivrance d'une autorisation d'exploitation commerciale engendrant une telle artificialisation, n'a été posée, par le décret du 13 octobre 2022, que pour les demandes postérieures. Par ailleurs, l'aire de stationnement, jusque-là entièrement imperméable, sera désormais en grande partie perméable, puisque 90 % des places de stationnement seront en pavés drainants. En outre, sur la surface totale d'assiette du terrain agrandi de 4 365 m2, la proportion d'espaces perméables augmentera de 32 % à 38,5 %. Dans ces conditions, la société Auchan Supermarché n'établit pas que l'imperméabilisation des sols serait accrue et nuirait à la qualité environnementale du projet.

18. En deuxième lieu, la construction prévue intègre un environnement urbanisé caractérisé par une mixité fonctionnelle et dépourvu de spécificité. Elle présente une architecture contemporaine, avec des façades composées de bardage métallique gris, de briques anthracite, de baies vitrées et d'une toiture, à double pan, de couleur rouge, à l'instar des constructions alentours. Le projet prévoit l'intégration d'arbres et/ou de plantes en façade principale, dans la zone de stationnement ainsi que le long des limites est, nord et ouest du site, ce qui sera de nature à atténuer un peu l'impact visuel du magasin. Le défaut d'insertion paysagère et architecturale du projet n'est, dès lors, pas caractérisé.

19. En troisième lieu, d'une part, si la démolition de trois maisons et la reconstruction du bâtiment commercial vont générer de manière temporaire des nuisances sonores et des poussières, celles-ci seront réduites par des mesures de protection, telles qu'un flux de camion limité. La circonstance que la société Lidl n'ait pas prévu dans son dossier de dispositions spécifiques relatives au traitement des déchets du chantier de construction ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une méconnaissance de l'objectif de développement durable. D'autre part, sont envisagés de manière permanente un éclairage temporisé du site, la suppression des déchets pour éliminer les nuisances olfactives ainsi que l'isolation sonore du magasin et la mise en place d'un quai tunnel insonorisé. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le projet va générer de réelles nuisances pour l'environnement proche.

20. Il résulte de ce qui précède que la CNAC a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce s'agissant de l'impact du projet contesté en matière de développement durable.

S'agissant de la protection des consommateurs :

21. Il ressort des pièces du dossier que l'entrée et la sortie du site se font par un point unique pour tous les usagers mais que celui-ci offre toutefois une largeur suffisante pour que l'accès ne présente pas de danger particulier en termes de sécurité, même si le doublement des places de stationnement va induire un accroissement des flux de circulation. Il ressort également des pièces du dossier que l'absence de voie dédiée d'accès au site pour les véhicules de livraison sera compensée par l'affectation d'une zone de livraison spécifique lors de périodes peu ou pas fréquentées par le public, soit en dehors des heures d'ouverture du magasin ou durant les heures creuses. Enfin, si la réalisation d'une voie de stockage en " tourne-à-gauche " n'était pas certaine à la date de l'arrêté attaqué, il n'apparaît pas que cet aménagement, de faible capacité, soit nécessaire à la sécurisation du projet. Dans ces conditions, et alors qu'aucun incident n'a été relevé depuis l'ouverture du magasin en 2009, il n'est pas établi que les conditions de circulation aux abords de l'équipement projeté engendreraient des risques particuliers pour la sécurité des consommateurs. Par suite, la CNAC a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce s'agissant de l'impact du projet contesté en matière de protection des consommateurs.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Auchan Supermarché n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 février 2022.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Saulve, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Auchan Supermarché au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

24. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Auchan Supermarché une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la société Lidl.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Auchan Supermarché est rejetée.

Article 2 : La société Auchan Supermarché versera à la société Lidl la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Supermarché, à la société Lidl, à la commune de Saint-Saulve et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience publique du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chacun en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA00732 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00732
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-05;22da00732 ?
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