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28/09/2023 | FRANCE | N°23DA00225

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 23DA00225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Eure, à titre principal, de

lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", "...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Eure, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", " salarié " ou " travailleur temporaire ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2201619 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 9 février 2022 en tant que, par cet arrêté, le préfet de l'Eure à fait interdiction à M. A... se disant C... de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, M. A... se disant C..., représenté par Me Verilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 en tant que, par cet arrêté, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, à titre principal, à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à titre subsidiaire, à lui-même sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 435-3 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur le fondement de laquelle elle a été prise ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité la décision de refus de titre de séjour et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle a été prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... se disant C... ne sont pas fondés.

M. A... se disant C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Un ressortissant étranger se disant M. D... C..., ressortissant malien né le 2 janvier 2002 à Gori (Mali) et entré en France le 25 mars 2018, selon ses déclarations, a, en raison de la minorité qui lui a été alors reconnue, été placé, le 25 juin 2018, sous la protection du service de l'aide sociale à l'enfance du département du Val d'Oise, puis de celui du département de l'Eure. L'intéressé a suivi, à compter du mois de septembre 2019, une formation qualifiante préparant à la délivrance d'un certificat d'aptitude professionnelle de cuisinier et a obtenu un contrat d'apprentissage auprès d'un restaurant. Après avoir obtenu ce diplôme, il s'est inscrit dans une formation préparant à la délivrance du certificat d'aptitude professionnelle en commercialisation et services des hôtels, cafés et restaurant et il a conclu, en octobre 2021, un nouveau contrat d'apprentissage. Le 8 janvier 2020, l'intéressé a demandé au préfet de l'Eure de l'admettre, à titre exceptionnel, au séjour en se prévalant de la situation de jeune majeur antérieurement confié à l'aide sociale à l'enfance. Dans la même demande, il se prévalait aussi de sa situation personnelle et familiale. Par un arrêté du 9 février 2022, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... se disant C... a présenté au tribunal administratif de Rouen une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 9 février 2022 en tant que, par cet arrêté, le préfet de l'Eure lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette demande. M. A... se disant C... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, aux points 2 et 3 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... se disant C..., d'une part, serait insuffisamment motivée et, d'autre part, n'aurait pas été précédée d'un examen particulier et suffisamment attentif de sa situation.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance (...) entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil (...) sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause.

5. Pour refuser de délivrer à M. A... se disant C... le titre de séjour sollicité par celui-ci, le préfet de l'Eure a, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, retenu notamment que l'intéressé, qui avait produit un acte de naissance ainsi qu'un jugement supplétif qui, après analyse par le service compétent de la direction interdépartementale de la police aux frontières, se sont avérés falsifiés, ne peut être regardé comme ayant fourni, à l'appui de sa demande de titre de séjour, des justificatifs présentant des garanties suffisantes d'authenticité et de nature à établir avec certitude son identité, cette situation faisant obstacle à ce qu'il soit admis au séjour.

6. Il ressort du rapport d'analyse technique établi le 14 avril 2021 pour rendre compte au préfet de l'Eure des résultats de l'analyse documentaire mentionnée au point précédent, que le service, au terme d'un examen approfondi de l'acte de naissance qui lui était soumis, a constaté que le mode d'impression utilisé pour y apposer les mentions pré-imprimées, à savoir une impression à jet d'encre, ne correspondait pas à celui en vigueur pour l'édition de ce type d'acte par les autorités maliennes, à savoir l'impression en offset. Le service a constaté, en outre, l'absence de numéro d'ordre et de numéro d'identification nationale (NINA) dans l'acte en cause, alors pourtant qu'un champ y est prévu à cet effet. Enfin, le service a relevé une incohérence affectant la désignation de l'autorité signataire, à savoir, en l'espèce, le troisième adjoint au maire de Gory, autorité compétente pour délivrer de tels actes dans des centres secondaires d'état civil, alors que l'acte indique qu'il est délivré par un centre principal. Au vu de ces anomalies, le service a conclu que ce document était falsifié.

7. Par un autre rapport établi le même jour, le service de fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières a fait connaître au préfet de l'Eure les résultats de l'analyse, à laquelle il s'est livré, du jugement supplétif d'acte de naissance également produit par M. A... se disant C... au soutien de sa demande de titre de séjour. Ce rapport relève que le jugement analysé a été imprimé sur du papier ordinaire de format A4 n'intégrant aucune sécurité et que sa mise en forme n'est pas conforme au regard des alignements pratiqués par les juridictions maliennes pour établir les jugements authentiques. Le rapport relève également que le timbre humide apposé sur ce jugement, d'une part, est de mauvaise qualité et, d'autre part, comporte une faute d'orthographe affectant l'expression " Le Greffier en Chef ", orthographiée " Le Greffer en Chef ". Du constat de ces anomalies et surtout de celles affectant le timbre humide, le service a tiré la conclusion que le jugement analysé est falsifié.

8. M. A... se disant C... soutient que ni l'absence de numéro d'ordre dans l'acte de naissance en cause, ni l'absence de numéro NINA, laquelle mention dans les actes d'état civil maliens n'est pas obligatoire pour les actes antérieurs à 2006, ni même l'incohérence affectant la désignation de l'autorité signataire ne peuvent suffire à remettre en cause l'authenticité de cet acte, ni à justifier le rejet de sa demande de titre de séjour, alors qu'il pouvait se prévaloir d'un rapport social favorable, confirmant son bon comportement et son implication dans sa formation, et qu'il justifiait de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle. Il ajoute que le jugement supplétif qu'il avait produit n'est écarté qu'en considération du papier utilisé pour son impression et d'un timbre humide peu lisible, alors que de telles anomalies ne sauraient suffire à remettre en cause le caractère probant de ce document. Enfin, il indique avoir justifié, en tout état de cause, de la possession d'une carte d'identité consulaire et produit, devant la cour, un extrait d'acte de naissance, qui suffisent, à ses yeux, à justifier de son identité.

9. Toutefois, les anomalies relevées par le service en ce qui concerne l'acte de naissance produit par M. A... se disant C... ne se limitent pas à l'absence de numéro d'ordre et de numéro NINA dans cet acte, qui, au demeurant, a été établi le 26 janvier 2018 et qui comporte un champ réservé à ce numéro et non renseigné, mais sont aussi afférentes au mode d'impression mis en œuvre pour éditer le formulaire utilisé par le rédacteur de cet acte, ainsi qu'à la compétence de l'autorité qui a délivré cet acte, au regard des règles d'organisation des centres d'état civil définies par le droit malien. Il s'agit donc d'anomalies majeures affectant les conditions mêmes d'établissement de l'acte. De même, si le service compétent de la direction interdépartementale de la police aux frontières a constaté la mauvaise qualité des mentions apposées par timbre humide sur le jugement supplétif d'acte de naissance produit par l'intéressé, il indique avoir pu lire ces mentions, sous fort grossissement, et avoir constaté que celles-ci étaient affectées d'une faute d'orthographe, ce qui suffit à remettre en cause le caractère probant de ce jugement, dès lors que ce type d'anomalies ne se rencontre pas dans les jugements authentiques. Dans ces conditions, compte-tenu des éléments d'analyse précis qui lui ont ainsi été communiqués, le préfet de l'Eure était fondé à retenir que l'acte de naissance et le jugement supplétif dont M. A... se disant C... s'était prévalu au soutien de sa demande de titre de séjour étaient falsifiés et qu'ils ne pouvaient ainsi être regardés comme de nature à justifier de l'identité, ni de l'âge, de l'intéressé, quand bien même celui-ci avait été antérieurement confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par le juge des enfants, qui avait accepté de le reconnaître sous cette identité, dès lors que cette appréciation ne lie pas l'autorité préfectorale. Le préfet était également fondé à écarter la carte d'identité consulaire délivrée au vu de cet acte de naissance et de ce jugement supplétif. L'extrait d'acte de naissance produit pour la première fois en appel est, pour les mêmes motifs, dépourvu de valeur probante. Le motif, tiré de ce que l'identité du demandeur n'est pas établie, est de nature à justifier légalement, à lui seul, le refus du préfet de l'Eure de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité par celui-ci sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, pour refuser, pour ce motif, de délivrer un titre de séjour à M. A... se disant C..., le préfet de l'Eure n'a pas méconnu ces dispositions, ni celles de l'article R. 431-10 du même code.

10. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, la décision de refus de titre de séjour, prise par le préfet de l'Eure à l'issue d'un examen attentif de la situation de M. A... se disant C... au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être tenue comme entachée d'illégalité au regard de ces dispositions, malgré les efforts d'intégration et d'insertion professionnelle dont l'intéressé justifiait et alors même que le préfet de l'Eure aurait opposé à tort à l'intéressé le motif surabondant tiré de ce que, la formation professionnelle que l'intéressé justifiait suivre à la date de sa demande de titre de séjour n'ayant pas abouti à la délivrance du diplôme préparé, l'intéressé ayant échoué aux examens, il ne satisfaisait pas aux conditions requises par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir bénéficier de l'admission exceptionnelle au séjour, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé avait, en réalité, obtenu un report des épreuves pratiques en raison d'un accident dont il avait été victime et qu'il a finalement obtenu son diplôme le 8 octobre 2021.

11. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...) ".

12. M. A... se disant C..., qui déclare être entré en France le 25 mars 2018, fait état de son investissement dans sa formation professionnelle, dans le cadre de laquelle son sérieux a été souligné, et de l'obtention, en dépit d'un accident ayant conduit à un report en septembre 2021 des épreuves pratiques, du certificat d'aptitude à la profession de cuisinier le 8 octobre 2021. Il ajoute avoir entrepris, dans le but de diversifier ses compétences, la préparation d'un autre certificat d'aptitude professionnelle en commercialisation et services des hôtels, cafés et restaurant et avoir conclu, en octobre 2021, un nouveau contrat d'apprentissage. Il se prévaut, enfin, du bon comportement dont il a fait montre depuis son arrivée en France et d'une bonne intégration dans la société française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... se disant C..., qui, eu égard à ce qui a été dit aux points 6 à 9, ne peut être regardé comme ayant justifié de son identité, est célibataire, sans charge de famille et qu'il n'a fait état d'aucun lien particulier sur le territoire français, hormis des relations amicales nouées dans le cadre, notamment, de sa pratique du football en amateur. En outre, il n'établit pas, ni d'ailleurs n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en dépit de l'investissement réel de l'intéressé dans sa formation qualifiante et malgré la concrétisation de ses démarches d'insertion professionnelle, la décision de refus de titre de séjour ne peut, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et, en particulier, à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni comme étant contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision ne peut davantage être regardée comme prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français doit être motivée, ces dispositions n'imposent pas qu'elle le soit de façon spécifique lorsqu'elle est adossée à un refus de titre de séjour. Or, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent, comme il a été dit au point 2, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Eure s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. La décision de refus de titre de séjour est donc suffisamment motivée, de sorte que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit également être tenue comme telle.

14. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 12, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour n'est pas fondé.

15. Eu égard à ce qui a été dit au point 12, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Eure, en faisant obligation à M. A... se disant C... de quitter le territoire français, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

Sur la décision de refus d'attribution d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

16. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".

17. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. A... se disant C... aurait sollicité du préfet de l'Eure, en faisant état de circonstances particulières tirées de sa situation, l'octroi d'un délai supérieur au délai de départ volontaire de droit commun de trente jours fixé par ces dispositions. Par suite, le préfet de l'Eure n'avait pas à faire apparaître, dans les motifs de l'arrêté contesté, les raisons pour lesquelles il a estimé devoir accorder ce délai de droit commun à l'intéressé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté, en ce qu'il refuse d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, doit être écarté.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure, pour refuser d'accorder à M. A... se disant C... un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours fixé par les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait méconnu ces dispositions.

Sur la décision fixant le pays de destination :

19. En faisant mention, dans les motifs de l'arrêté contesté, de la nationalité de M. A... se disant C... et en précisant que celui-ci n'établit, ni même n'allègue, qu'il risquerait d'être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de l'Eure a donné une motivation suffisante à la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office en exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.

20. Il résulte de ce qui a été dit, respectivement, aux points 2 à 12 et aux points 13 à 15 que la décision de refus de titre de séjour ainsi que la décision faisant obligation à M. A... se disant C... de quitter le territoire français ne sont entachées d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ou de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... se disant C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles qu'il présente sur le fondement tant de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique que de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... se disant C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant D... C..., à Me Verilhac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 14 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. E... B..., premier vice-président,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe premier vice-président,

Signé : C. B...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°23DA00225

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00225
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-28;23da00225 ?
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