La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2023 | FRANCE | N°22DA02673

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 22DA02673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Aisne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie p

rivée et familiale " ou " travailleur temporaire ", à titre subsidiaire, de proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Aisne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2202802 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2022 et 28 août 2023, M. C..., représenté par Me Lefevre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il remplit les conditions pour être admis au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté ministériel du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les observations de Me Lefevre, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant kosovar né le 10 août 1996 à Rezallë (ex-Yougoslavie), est entré en France en septembre 2015, selon ses déclarations. Il a présenté, le 5 novembre 2015, une demande d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 avril 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 7 novembre 2016. Par un arrêté du 26 janvier 2017, le préfet de la Marne a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 23 février 2017, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C..., qui n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement, a sollicité, le 6 mai 2022, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire ". Par un arrêté du 27 juillet 2022, le préfet de l'Aisne a refusé de faire droit à cette demande, a obligé M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 2 décembre 2022 dont M. C... relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions est conditionné notamment au fait que le demandeur est accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le tribunal a pu écarter, sans commettre d'erreur de droit, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions au seul motif que M. C... n'était plus accueilli par la communauté Emmaüs depuis le 16 avril 2021.

4. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. C... n'étant plus accueilli par la communauté Emmaüs depuis plus d'un an à la date de sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, ce dernier ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet de l'Aisne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".

6. M. C... soutient qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se prévaut à cette fin d'une promesse d'embauche ainsi que d'une demande d'autorisation de travail émanant d'une entreprise de plomberie pour exercer un emploi de manœuvre dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée de douze mois. Toutefois, d'une part, ainsi qu'en fait état l'arrêté contesté, qui prend bien en compte ces documents, la demande d'autorisation de travail n'est pas visée par les autorités compétentes, et d'autre part, cette promesse d'embauche n'est pas, à elle-seule, de nature à caractériser un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l'employeur souhaiterait finalement, depuis le mois d'août 2023, engager M. C... dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée est, en tout état de cause, postérieure à l'arrêté contestée et est donc sans incidence sur sa légalité. Enfin, M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'application de l'arrêté ministériel du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui concerne la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises sous l'article L. 421-1 du même code.

7. En quatrième lieu, si M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis 2015, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'intéressé a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, prononcée le 26 janvier 2017 par le préfet de la Marne et dont la légalité a été confirmée par un jugement du 23 février 2017 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, et que, d'autre part, M. C... s'est opposé à l'exécution de cette mesure en refusant d'embarquer dans le vol à destination de son pays d'origine le 17 août suivant et s'est depuis lors maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Par ailleurs, s'il est vrai que M. C... entretient depuis la fin de l'année 2020 une relation avec une ressortissante française avec laquelle il a établi une communauté de vie en avril 2021, et que le couple s'est marié au début de l'année 2023, cette relation et cette communauté de vie demeuraient particulièrement récentes à la date de l'arrêté contesté. Enfin, si M. C... démontre une volonté d'insertion notable par son engagement au sein d'un club de football et par son activité au sein des communautés Emmaüs de Reims-Berry et de Soissons entre septembre 2017 et avril 2021, il ne justifie d'aucune activité professionnelle depuis cette période. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et alors que M. C... n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie, la décision portant refus de titre de séjour, à la date de son édiction, n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de l'Aisne n'a pas opposé la condition, tenant à la production d'un visa de long séjour, prévue à l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour examiner le droit au séjour de M. C... au regard des dispositions des articles L. 435-1 et L. 435-2 du même code. Par ailleurs, le préfet de l'Aisne n'a pas examiné le droit au séjour de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 423-23 de ce code. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise cette autorité en opposant à M. C... le défaut de production d'un visa de long séjour ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. D... A..., premier vice-président,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe premier vice-président,

Signé : C. A...

La greffière,

Signé: N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA02673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02673
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-28;22da02673 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award