Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (F... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1910696, 1910331 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mai et 28 novembre 2022, M. et Mme B... et F..., représentés par Me Delattre, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification adressée à M. et Mme B... est insuffisamment motivée ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires G... tient compte de prix de vente et de taux de perte erronés ;
- le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux " bisous de mousse " est le taux réduit prévu à l'article 278-0 bis du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, et un mémoire, enregistré le 17 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, d'une part, au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... et F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 76-692 du 13 juillet 1976 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (F..., qui a pour activité la vente de confiseries et de chocolats sur les marchés, éventaires, foires, galeries et centres commerciaux et dont Mme B... est la gérante et détenait l'intégralité du capital social, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Au terme de cette vérification de comptabilité, l'administration fiscale a, par deux propositions de rectification des 13 décembre 2017 et 28 février 2018, notifié à F..., selon la procédure de taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'a informée de l'application du régime simplifié d'imposition et a reconstitué son bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Après acceptation partielle de sa réclamation, F... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre des exercices 2014 à 2016. Parallèlement, par une proposition de rectification du 13 décembre 2017, l'administration fiscale, tirant les conséquences de cette vérification de comptabilité, a notifié à M. et Mme B... une cotisation primitive d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 ainsi que l'amende prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts pour non-déclaration d'un compte ouvert à l'étranger. Après acceptation partielle de leur réclamation, M. et Mme B... ont également saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu ainsi mise à leur charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 11 mars 2022, le tribunal administratif, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées. M. et Mme B... ainsi que F... relèvent appel de ce jugement uniquement en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. et Mme B... tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2014.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Le ministre conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé à F..., le 7 juillet 2023, au titre de l'année 2016, en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les requérants relèvent appel du jugement du 11 mars 2022 uniquement en ce que le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2014. Dès lors, les conclusions du ministre tendant à ce qu'un non-lieu partiel soit prononcé sont dépourvues d'objet.
Sur la régularité du jugement :
3. A supposer que les requérants aient entendu se prévaloir de l'irrégularité du jugement, il ressort des termes mêmes de ce dernier que les premiers juges ont exposé, par une motivation suffisante aux points 13, 14 et 16 de ce jugement, les raisons pour lesquelles il n'y avait pas lieu de remettre en cause le prix de vente des bonbons au poids, le taux de perte des cacahuètes et des sucettes ainsi que le taux de taxe sur la valeur ajoutée des " bisous de mousse " pris en compte par l'administration.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".
5. Il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales qu'une proposition de rectification, pour être régulière, doit comporter la désignation de l'impôt et, le cas échéant, de la catégorie de revenus concernés, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs de fait et de droit sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. Elle doit également comporter le mode de calcul des rectifications qui reposent sur la reconstitution de données exogènes au contribuable. En revanche, la régularité de la proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé des motifs énoncés.
6. La proposition de rectification adressée le 13 décembre 2017 à M. et Mme B... indique la nature de l'impôt concerné, l'année d'imposition en cause, le montant des rectifications envisagées ainsi que les textes applicables et les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée. Par ailleurs, l'administration a joint à cette proposition de rectification l'extrait de la proposition de rectification adressée le même jour à F... exposant la méthode et le résultat de la reconstitution du chiffre d'affaires de cette entreprise au titre de l'exercice 2014. A ce titre, cet extrait mentionne les prix et les taux de perte retenus à cette fin pour les différentes catégories de produits vendus par F... et indique les éléments sur la base desquels le vérificateur les a fixés. Si les requérants contestent ces éléments, ces derniers permettaient à M. et Mme B... de discuter utilement les rectifications envisagées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification adressée à M. et Mme B... doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition mise à la charge de M. et Mme B... :
En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires G... :
7. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le service vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires G... sur la base, notamment, de prix et de taux de perte des différentes catégories de produits vendus. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le prix retenu pour les bonbons vendus au poids est celui déclaré par Mme B... au cours des premiers échanges avec l'administration, ainsi qu'en fait état le compte-rendu établi le 4 septembre 2017 qui a été notifié à F.... Par ailleurs, si Mme B... a indiqué, dans un questionnaire établi par l'administration, que les bonbons déclassés étaient vendus au prix de 2,50 euros le kilogramme, l'administration a pu fixer le prix à 2,70 euros afin de tenir compte du prix de 3 euros le kilogramme initialement déclaré par l'intéressée, ainsi que des prix constatés sur le marché du secteur de la ville de Douai. A ce titre, si les requérants soutiennent que les prix mentionnés par Mme B... dans les questionnaires établis par l'administration auraient dû être retenus, cette dernière a pu à bon droit s'en écarter lorsqu'ils ne correspondaient pas, soit aux premières déclarations de Mme B..., soit à la réalité des prix pratiqués sur le même secteur géographique. D'autre part, s'agissant des taux de perte retenus par l'administration, si Mme B... a indiqué, dans le tableau annexé au questionnaire du 4 septembre 2017, un taux de perte total de 15 % pour les bonbons vendus au poids, celle-ci a indiqué dans le même questionnaire un taux de perte de 10 % que l'administration a retenu. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, ce taux n'était indiqué que pour les bonbons vendus au poids, et non pour les cacahuètes et les sucettes pour lesquelles aucune précision n'a été apportée par F..., de sorte que l'administration a pu fixer le taux de perte de ces deux derniers produits à 2 %. Enfin, les requérants ne peuvent utilement contester le taux de perte de 13,1 % retenu pour les bonbons déclassés et celui de 50 % retenu pour les macarons dès lors qu'ils sont relatifs à l'exercice 2016 et sont donc sans lien avec les éléments retenus par l'administration pour définir les bases d'imposition assignées à M. et Mme B... au titre de l'année 2014. Aussi, compte-tenu de ce qui précède, la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires G... n'apparaît ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire.
En ce qui concerne le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux " bisous de mousse " :
8. D'une part, aux termes de l'article 278-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : / A. Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : / 1° L'eau et les boissons non alcooliques ainsi que les produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception des produits suivants auxquels s'applique le taux prévu à l'article 278 : / a) Les produits de confiserie ; / b) Les chocolats et tous les produits composés contenant du chocolat ou du cacao. Toutefois le chocolat, le chocolat de ménage au lait, les bonbons de chocolat, les fèves de cacao et le beurre de cacao sont admis au taux réduit de 5,5 % ; / (...) ".
9. D'autre part, le 10 du A intitulé " Dénominations de ventes et définitions ", de l'annexe I au décret du 13 juillet 1976, modifié par le décret du 29 juillet 2003, pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires, définit le " bonbon de chocolat ou praline " comme " le produit de la taille d'une bouchée, constitué : / - soit de chocolat fourré ; / - soit d'un seul chocolat ou d'une juxtaposition ou d'un mélange de chocolat au sens des définitions figurant aux points 3, 4, 5 ou 6 et d'autres matières comestibles, pour autant que le chocolat ne représente pas moins de 25 % du poids total du produit ".
10. L'administration fiscale a estimé que le produit " bisous de mousse ", composé d'une gaufrette sur laquelle est posée une boule de blanc d'œuf battu qui est elle-même enrobée d'une fine couche de chocolat, ne pouvait bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 278-0 bis du code général des impôts. Les requérants soutiennent que ce produit contient 35 % de cacao et entre dans la catégorie des " bonbons de chocolat " tels que définis au point précédent. Toutefois, si les intéressés produisent un courrier électronique de la société allemande qui commercialiserait ce produit mentionnant qu'il contient ce pourcentage de cacao, les intéressés ne produisent aucun document comportant sa composition précise. A ce titre, la production d'emballages de produits qui seraient analogues ainsi que de documents mentionnant la vente de produits similaires au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ne permet pas d'établir que le produit " bisous de mousse " commercialisé par F... entre dans la catégorie des " bonbons de chocolat ". Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé l'application à ce produit du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 278-0 bis du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de la requête en ce qu'elle est introduite par F..., que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge, ou, à défaut, à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. et Mme B... et F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... et G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B..., à F... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 14 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. D... A..., premier vice-président,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe premier vice-président,
Signé : C. A...
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA00965
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